B. DES ÉLÉMENTS D'ÉVALUATION SUR L'EMPLOI DE LA CHLORDÉCONE DANS LE MONDE

Si on exclut l'emploi de la molécule dans les spécialités à base de mirex 32 ( * ) (appâts toxiques pour le piégeage domestique de certains insectes, retardateurs de propagation des incendies) où la molécule était très faiblement dosée (de 0,02 % à 0,2 %), le principal emploi de la chlordécone a été agricole .

Le rapport précité du comité des polluants persistants du PNUE fait référence à un rapport de l'ATSDR 33 ( * ) américaine de 1995 qui estime qu'au moins 90 % des 1 600 tonnes de chlordécone produites aux Etats-Unis ont été exportées vers l'Europe, l'Asie, l'Amérique Latine et l'Afrique 34 ( * ) .

Si on s'en tient à cette évaluation, ce sont environ 160 tonnes qui ont été utilisées aux Etats-Unis et au Canada et plus de 1 400 tonnes qui ont été épandues sur le reste de la planète (dont environ 120 tonnes utilisées avant 1981 aux Antilles).

Les informations recueillies par vos rapporteurs permettent d'établir une première évaluation, hélas incomplète, de la destination de ces quantités de chlordécone.

1. Les Etats-Unis

Paradoxalement, si le rapport précité de l'ATSDR est très documenté sur le mirex, il l'est peu sur la chlordécone, à l'exception de références au corpus très fourni d'études qui ont été effectuées après l'incident de production de Hopewell. Cette absence est imputable au fait que le produit n'a pas été employé de façon intensive dans l'agriculture américaine et, qu'au-delà des conséquences sanitaires et environnementales de cet incident, il n'a pas été jugé utile de généraliser à l'ensemble du territoire américain des études sur la présence dans l'environnement d'un produit dont la fabrication avait été arrêtée en 1976.

Mais des études environnementales 35 ( * ) plus précises ont été menées :

- sur les rejets de chlordécone dans la James River en aval d'Hopewell. Selon celles-ci (Colwell 1981 ; Nichols 1990), de 7,5 à 45 tonnes de molécule ont été déversées dans l'estuaire de la James River, soit comme effluents de production, soit du fait des relargages accidentels dus à l'incident de Hopewell.

- sur la présence de la chlordécone dans les sols, l'étude Epstein (1978) a montré que les échantillons de terre adjacents à l'usine d'Hopewell contenaient de 1 à 2 % de chlordécone (10 à 20 mg/kg), proportion ramenée à 2-6 mg/kg à un kilomètre de l'usine.

- sur l'implantation de la chlordécone dans l'environnement aquatique, l'étude précitée de Nichols (1990) estime entre 10 à 30 tonnes la quantité de chlordécone encore associée aux sédiments de l'estuaire de la James River;

- sur la transmission de la molécule à la faune. Une étude 36 ( * ) a récemment synthétisé les résultats de 13 047 analyses effectuées par le département de contrôle de l'environnement de l'Etat de Virginie, sur 44 espèces de poissons dans 17 zones de prélèvements ; ceci de 1976 à 2002. Les espèces les plus atteintes sont :

- les anguilles d'estuaires qui se reposent la nuit dans les sédiments de la James River ;

- et les prédateurs supérieurs (perches blanches, bars), en particulier ceux prélevés dans la James River en aval d'Hopewell, dans les zones de turbidité maximale.

En outre, le taux moyen de concentration de Kepone (dosé à 94,5 % de chlordécone) dans ces poissons a atteint un plafond de l'ordre de 90 ug/kg. (Rappelons que le seuil sanitaire de LMR a été fixé aux Etats-Unis à 300 ug/kg).

Il est, ainsi, à noter que les pourcentages de concentration résiduelle augmentent d'un facteur quatre (chez les palourdes) lorsque l'estuaire est dragué, la concentration de la molécule revenant à la normale deux semaines après le dragage (Lundsford 1987).

* 32 Mais dont on retrouve des résidus dans les sédiments des grands lacs à des proportions variables (du ug par kg au mg par kg, le pourcentage le plus élevé a été décelé dans les sédiments du lac Ontario : 1,7 mg/kg).

* 33 Agency for toxic substances and disease register.

* 34 La molécule a été également employée au Canada pour lutter contre la tavelure du pommier.

* 35 Outre les études sanitaires mentionnées dans le rapport précité de l'EPA.

* 36 Luellen et al. « Kepone in James River fish : 1976-2002» (Science of the total environment - oct. 2005)

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