CHAPITRE IV - L'ADAPTATION DE L'AGRICULTURE ANTILLAISE À LA RÉDUCTION DE L'EMPLOI DES PESTICIDES

L'agriculture antillaise a une double importance économique.

Dans des îles où le taux de chômage est élevé et où le pourcentage d'emplois publics atteint 40 % de la population active, elle constitue un pôle appréciable d'emplois privés.

Par ailleurs, dans ses composantes vivrières et maraîchères, elle contribue à l'autosuffisance alimentaire des îles et diminue les circuits longs d'approvisionnement qui sont une des causes de la cherté de la vie en Guadeloupe et en Martinique.

Ce secteur d'activité, comme celui de la métropole, va être confronté au mouvement de réduction de l'emploi des pesticides, qui avait été amorcé avant la mise en place du « Grenelle de l'environnement » et est appelé à s'accélérer depuis l'adoption du Plan « Eco-phyto 2018 ».

Mais, au regard de ce défi, l'activité agricole antillaise s'exerce dans des conditions notablement différentes de celle de la métropole :

- ses conditions climatiques sont caractérisées par une forte température 68 ( * ) , une forte pluviométrie (dépassant 4 m/an dans certaines zones) qui ne sont pas sans conséquences pour l'usage de pesticides,

- l'absence de période végétative (qui a l'intérêt de mieux mobiliser les engrais) implique des rythmes d'épandage d'herbicides différents de ceux des climats tempérés, ceci d'autant plus que les vagues de froid n'éliminent pas les bioagresseurs,

- la nature tropicale de certaines des espèces cultivées, la chaleur et la forte hygrométrie saisonnière soumettent les cultures à un éventail de bioagresseurs beaucoup plus diversifiés que sous nos latitudes tempérées.

Pour ne prendre que le seul exemple de la banane, les plants peuvent être attaqués :

- par la fusariose (maladie de Panama),

- par la cercosporiose (jaune ou noire) - cette dernière est présente dans l'arc antillais, mais pas encore aux Antilles françaises),

- par différentes maladies bactériennes (maladie de Moko, flétrissement bactérien),

- par des maladies virales (bunchy top, mosaïque en tirets, mosaïque des bractées),

- par des ravageurs (nématodes, charançons noirs, thrips - insectes qui marbrent le fruit et le rendent impropre à la vente),

- et par des maladies post récoltes qui accélèrent la pourriture des fruits (anthracnoses),

- enfin, les conditions de lutte contre les bioravageurs sont également compliquées par un phénomène propre à bon nombre de cultures tropicales. Celles-ci se reproduisent par multiplication végétative, ce qui exclut que les agriculteurs puissent acheter des graines auprès des fermes semencières. Avec la conséquence que le matériel accumule les bioagresseurs au fur et à mesure des replantations.

L'ensemble de ces particularités fait que l'emploi des pesticides aux Antilles ne peut pas totalement obéir aux mêmes stipulations que celles édictées pour l'espace européen. Or, les Antilles françaises sont actuellement soumises aux mêmes règles d'emploi que la métropole et que les pays de l'Union européenne. A cet égard, il serait souhaitable que les pouvoirs publics puissent faire valoir auprès de l'Union les mesures d'adaptation qui sont prévues par la réglementation européenne. Cette action pourrait être conjuguée avec celles de l'Espagne et du Portugal, dont les territoires ultramarins connaissent des problèmes de même nature.

Dans cette perspective de diminution de l'emploi des produits phytosanitaires, deux catégories d'actions sont mises en oeuvre :

- d'une part, le plan « Ecophyto-DOM » pour accompagner la réduction de l'emploi des pesticides aux Antilles à l'horizon 2018,

- et d'autre part, le plan « banane durable » pour diminuer encore plus fortement l'usage de produits phytosanitaires de la principale activité agricole des îles.

I. LE PLAN « ECOPHYTO-DOM »

A. LE PLAN « ECOPHYTO 2018 »

Le Plan « Ecophyto 2018 » a été adopté en septembre 2008.

Outre le retrait d'autorisation de mises sur le marché des spécialités contenant les 53 substances les plus actives d'ici à 2010, il a pour objet de diminuer l'emploi de pesticides de 50 %, à l'horizon 2018.

Il comprend cinq axes d'actions stratégiques et deux axes d'actions spécifiques (DOM-TOM et zones non agricoles 69 ( * ) ).

Les axes d'actions stratégiques sont les suivantes :

- évaluer les progrès en matière de diminution d'usage des pesticides. L'objectif est de se doter d'indicateurs représentatifs de la pression de traitement à l'aide des déclarations trimestrielles de vente des distributeurs qui ont été rendues obligatoires par la loi du 30 octobre 2006 sur l'eau ;

- recenser et généraliser les systèmes agricoles permettant de réduire l'utilisation des pesticides.

Cette action part du constat que, sur une même zone de culture, il existe un facteur de 1 à 2 dans l'utilisation des pesticides.

Elle s'appuiera :

sur la constitution d'un réseau de 3 000 exploitations pilotes (« les bons élèves ») qui seront labélisées « Ecophyto 2018 » ;

sur l'utilisation d'outils réglementaires (comme ceux qui conditionnent l'attribution des aides du deuxième pilier à des bonnes pratiques culturales).

- innover dans la conception et la mise au point de systèmes de cultures économes en pesticides.

Cette action vise en particulier :

à une meilleure mobilisation des outils de la recherche dans ce domaine, ce qui comprend une réorientation de l'INRA vers l'agronomie (ceci en partant du constat que l'Institut se consacre actuellement très largement à la biologie moléculaire qui est plus porteuse pour ses chercheurs que l'agronomie) ;

à une identification des freins à la généralisation d'une mise en culture durable et intégrée ;

et au développement de recherches sur l'outillage et les techniques d'application.

Elle implique également :

une plus grande attention vis-à-vis des PME innovantes, qui devra prendre en compte les contraintes d'homologation des spécialités (durée : 4 ans et coûts élevés) ;

la création d'une plate-forme public-privé de recherche.

- et, former à la diminution de l'usage des pesticides et sécuriser l'emploi des pesticides.

On s'oriente, sur ce point, vers un système de permis pour les utilisateurs et de certification pour les distributeurs.

* 68 L'absence de gel hivernal fait que les bioagresseurs ne sont pas aussi régulés qu'en Europe.

* 69 Pour simplifier, les jardins privés qui emploient environ 10 % des pesticides utilisés en France.

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