2. Le choix des implantations locatives

a) Les arbitrages géographiques

Un autre enjeu crucial de la politique de « l'Etat locataire » tient au choix de l'implantation sous l'angle géographique, et d'abord, du moins à Paris, à l' arbitrage entre le centre et la périphérie . En effet, les administrations implantées dans la capitale, manifestement, ont du mal à franchir la « barrière » que paraît constituer le périphérique.

Pour votre rapporteure spéciale, en ce domaine, comme en ce qui concerne les densités d'occupation des immeubles 21 ( * ) , l'analyse doit être menée au cas par cas, compte tenu des divers besoins et contraintes de chaque administration. Par exemple, par vocation, le pôle financier du TGI de Paris ne peut pas quitter la capitale, comme le commissariat du III e arrondissement ne peut être implanté dans un autre arrondissement. En revanche, a priori , des services centraux de ministères peuvent très bien délaisser le centre de Paris, voire s'installer en banlieue plus ou moins proche.

Il convient de rappeler que c'est ce qui a été décidé, en 2005, pour l'administration des douanes, laquelle a emménagé dans un immeuble situé à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, les bâtiments qu'elle occupait jusqu'alors dans les VII e et IX e arrondissements de Paris étant cédés par l'Etat. L'opération a constitué une réussite sous l'angle budgétaire 22 ( * ) , sans nuire au travail des services transférés.

L'exemple pourrait être suivi pour la DPAEP du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, en vue de réduire son loyer actuel de 647,8 euros du mètre carré. De même, la direction des affaires civiles et du Sceau, actuellement logée boulevard de la Madeleine au coût de 995 euros du mètre carré, pourrait certainement sans grande difficulté s'éloigner un peu de la place Vendôme, comme la Cour de cassation consentir à prendre à bail des bureaux un peu plus éloignés de l'île de la Cité que ceux qu'elle loue actuellement au coût de 865,3 euros du mètre carré. Quant à la Cour de justice de la République, son maintien rue de Constantine, sur l'esplanade des Invalides, pour un loyer de 626,2 euros du mètre carré, n'est évidemment pas nécessaire à son bon fonctionnement, puisque les séances de jugement où siègent les parlementaires qui en sont membres se tiennent nécessairement à l'extérieur de ses locaux, faute de place 23 ( * ) .

Certaines des autorités administratives indépendantes qui ont fait l'objet du présent contrôle pourraient également « passer le périphérique » sans dommage pour l'exercice de leur mission . Tel est le cas, par exemple, de la HALDE ou du Médiateur de la République, lesquels n'ont aucune raison de se trouver logés dans des arrondissements centraux de la capitale, respectivement le IX e et le VIII e .

On doit certes prendre en considération les cas particuliers. Il en va ainsi du CSA, intentionnellement installé au plus proche des sièges d'entreprises audiovisuelles, quai André Citroën dans le XV e arrondissement de Paris ; mais cette implantation, au coût de 643 euros du mètre carré, est-elle indispensable ? Il semble que les représentants des entreprises concernées pourraient sans heurt se rendre dans une institution qui, relogée au-delà du périphérique, serait à peine moins proche géographiquement. De même, l'AERES reçoit de nombreux chercheurs arrivant de toute la France voire de l'étranger, mais cela lui impose-t-il véritablement de se trouver dans le centre de la capitale, moyennant un loyer de 695,6 euros du mètre carré ? La ville de Roissy, dans le Val-d'Oise, proche de l'aéroport Charles-de-Gaulle, ou celle de Chessy, en Seine-et-Marne, qui offre une interconnexion entre le TGV et le RER, constitueraient, sous cet angle, des sites au moins aussi pertinents.

b) Les arbitrages « intuitu personae »

Par ailleurs, le contrôle a fait apparaître l' interférence occasionnelle de décisions prises en considération de la personne dirigeant ou pressentie pour être nommée à la tête de telle ou telle institution. Ces décisions, prises à l'échelon politique, peuvent conditionner le choix de tel ou tel site pour une implantation locative de l'Etat.

Le cas est sans doute rare ; il faut, du moins, l'espérer. Mais c'est le rôle de votre rapporteure spéciale de rappeler que la rationalité gestionnaire devrait primer et que les décisions, en ce domaine, doivent être adoptées au niveau pertinent de l'administration.

Cet aspect conduit naturellement à évoquer le second « pilier » sur lequel doit s'appuyer une gestion efficiente de « l'Etat locataire ».

* 21 Cf. supra , I, A.

* 22 L'immeuble des 29 et 31, rue du Bac (VII e arrondissement) a été vendu pour 165 millions d'euros, et l'immeuble des 8 et 9, rue de la Tour des Dames (IX e arrondissement) a été vendu pour 33 millions d'euros. La direction générale des douanes a été relogée dans un immeuble neuf, à Montreuil, pour un coût de 88 millions d'euros. De la sorte, le gain net de ce déménagement s'est établi à hauteur de 110 millions d'euros.

* 23 Les audiences de la Cour de justice de la République, en pratique, ont eu lieu dans l'ancien centre de conférences internationales de l'avenue Kléber, dans le XVI e arrondissement de Paris, pour le dossier dit du « sang contaminé » en 1999, ou dans la première chambre du tribunal correctionnel de Paris, au Palais de Justice, notamment pour l'affaire de diffamation qui a mis en cause Mme Ségolène Royal, en sa qualité de ministre, en 2000.

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