2. L'implication des organes de contrôle

S'agissant du contrôle de la gestion de « l'Etat locataire », votre rapporteure spéciale recommandera l'intervention de deux mesures.

a) La clarification des critères de saisine pour avis du Conseil de l'immobilier de l'Etat

La première de ces mesures consiste à clarifier les conditions de saisine, pour avis, du Conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE).

Il convient de rappeler que cette instance, créée en 2006, est chargée de formuler des recommandations visant à améliorer la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat et d'évaluer la démarche de modernisation et l'évolution de ce patrimoine. En outre, à partir d'une pratique développée depuis 2007, le CIE peut être saisi par le ministre chargé des domaines, pour avis préalable, sur telle ou telle opération immobilière, y compris les prises à bail ou renouvellements de location. L'institution avait d'ailleurs été saisie, à la fin de l'année 2007, du renouvellement du bail du pôle financier du TGI de Paris, mais dans des conditions qui privaient par avance de tout effet l'avis négatif qu'elle a rendu. Le CIE, en effet, avait été saisi le 28 décembre, alors que le bail du pôle financier arrivait à expiration le 31 décembre 30 ( * ) !

La mission du Conseil de l'immobilier de l'Etat dans les textes

Les attributions du CIE ont été fixées par le décret n° 2006-1267 du 16 octobre 2006, aux termes duquel « il est créé pour cinq ans un Conseil de l'immobilier de l'Etat, placé auprès du ministre chargé du domaine. Le conseil formule régulièrement au ministre chargé du domaine des recommandations et des préconisations opérationnelles pour améliorer la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat. Ce conseil suit et évalue pour le compte du ministre chargé du domaine l'avancement de la démarche de modernisation et l'évolution du parc immobilier de l'Etat. Dans le cadre de ses compétences, il peut procéder à toute audition nécessaire au sein de l'Etat et de ses établissements publics . »

Ces compétences ont été rappelées, en synthèse, dans la circulaire du 28 février 2007 du Premier ministre relative à la modernisation de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat. La circulaire du Premier ministre du 16 janvier 2009 relative à la politique immobilière de l'Etat mentionne en outre le rôle d'avis du CIE sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI).

Source : Légifrance

Au printemps 2008, dans une lettre adressée à notre collègue député Georges Tron, président du CIE, le ministre chargé des domaines, M. Eric Woerth, avait annoncé que la procédure d'avis préalable de cette instance, sur les opérations immobilières de l'Etat les plus importantes au point de vue de leur montant, serait consacrée par la voie réglementaire et systématisée . Les avis du CIE auraient ainsi dû concerner, non seulement toutes les acquisitions ou cessions d'une valeur supérieure à 2 millions d'euros (hors taxes) dans la région Ile-de-France ou à 1 million d'euros (hors taxes) en province, mais également chaque prise à bail d'une valeur annuelle supérieure à 1 million d'euros (hors taxes) dans la région Ile-de-France ou à 0,5 million d'euros (hors taxes) en province.

Ce projet a finalement été abandonné . Selon les informations recueillies par votre rapporteure spéciale, cette décisions a résulté d'un arbitrage du Premier ministre, d'une part afin de ne pas engorger le CIE et, d'autre part, pour éviter de faire jouer à cette institution, le cas échéant, le rôle d'un « juge des conflits » entre le ministère chargé du budget et les ministères dits « dépensiers ». Il a été décidé que le CIE ne serait saisi pour avis que sur les orientations de la stratégie immobilière de l'Etat et pour les opérations ayant un impact direct , du fait de leur envergure, sur cette politique 31 ( * ) .

Néanmoins , cette « doctrine d'emploi » du CIE n'a pas été objectivée dans les textes réglementaires . A votre rapporteure spéciale, il semble nécessaire qu'elle le soit, pour parer au risque d'un soupçon d'instrumentalisation de l'institution . En effet, faute de critères « officiels », on pourrait craindre que le Gouvernement ne soumette au CIE que les projets incontestables (comme il l'a fait dernièrement, par exemple, pour la renégociation du bail du secrétariat d'Etat aux sports 32 ( * ) ) et s'abstienne de le saisir sur les autres.

b) L'introduction d'un état « immobilier » annexé au projet de loi de finances de l'année

La seconde mesure que préconise votre rapporteure spéciale, en vue d'assurer le contrôle de la gestion du parc locatif de l'Etat, tient à l'introduction d' un état retraçant les opérations immobilières de l'Etat, annexé aux projets de loi de finances initiale, et qui fasse figurer les prises à bail les plus importantes .

Cette préconisation, du reste, ne fait que préciser un engagement du ministre chargé du budget, M. Eric Woerth , lors de la séance du Sénat du 1 er avril 2009. Dans ce cadre, en effet, à l'invitation de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, le ministre a annoncé la mise en place, « à partir de cet automne », d'« un document résumant l'ensemble des acquisitions de l'Etat ou de ses engagements hors bilan importants, le seuil restant à déterminer ».

Séance du Sénat du 1 er avril 2009

Examen du 2 e projet de loi de finances rectificative pour 2009

M. Philippe Marini, rapporteur général . [...] Tirons, pour l'avenir, quelques enseignements de cette opération [l'avance de 60,5 millions d'euros, par l'Etat, à la Cité de la musique, en vue de l'acquisition par cet établissement de la salle Pleyel qu'il avait prise à bail pour 50 ans] , d'autant que beaucoup a déjà été fait en matière d'évaluation et de gestion du patrimoine immobilier de l'État avec le Conseil de l'immobilier de l'État.

Dans le moindre des conseils municipaux, le maire doit, chaque année, en vertu de la loi, fournir un état des acquisitions et ventes du patrimoine immobilier. Dans un souci de transparence, ne serait-il pas raisonnable, monsieur le ministre, que l'État transmette, chaque année, au Parlement un état des biens acquis d'une valeur unitaire supérieure à 50 millions d'euros ou à 100 millions d'euros ?

Ainsi que Jean Arthuis l'a évoqué tout à l'heure, se pose bel et bien la question de l'engagement pris au moment même où ce montage financier - certainement utile et opportun - a été concrétisé.

M. Gérard Longuet . Exact !

M. Philippe Marini, rapporteur général . En effet, l'État a pris alors un engagement très substantiel pour une durée de cinquante ans. Aujourd'hui, nous serions plus à l'aise encore si cette information nous avait été donnée en temps réel.

Dès lors, ne peut-on pas progresser, monsieur le ministre, sur la voie de la transparence, en informant le Parlement en temps réel des opérations immobilières menées par l'État ?

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre . [...] Monsieur le rapporteur général, je vous l'accorde, c'est une bonne idée de résumer les engagements patrimoniaux de l'État, tant ceux qui sont inscrits au bilan que ceux qui sont hors bilan, ...

M. Philippe Marini, rapporteur général . Très bien !

M. Éric Woerth, ministre . ... car les engagements de long terme - en l'espèce, cinquante ans - suscitent les mêmes contraintes. Au demeurant, il sera assez facile d'établir cet état.

En conséquence, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de dresser cet état à partir de cet automne dans un document résumant l'ensemble des acquisitions de l'État ou de ses engagements hors bilan importants, le seuil restant à déterminer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances . Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général . Je vous remercie, monsieur le ministre.

Source : compte rendu intégral des débats

En ce qui concerne les prises à bail de l'Etat, le seuil de prise en compte dans ce document pourrait être celui qui avait été envisagé, comme ci-dessus indiqué, pour les saisines pour avis du CIE, soit une valeur annuelle de loyer supérieure à 1 million d'euros (hors taxes) dans la région Ile-de-France et à 0,5 million d'euros (hors taxes) en province.

Ce nouvel instrument de contrôle serait ainsi opportunément mis à la disposition du Parlement. Au-delà, votre rapporteure spéciale tient à souligner que les investigations, en cette matière « transversale » à presque tous les secteurs budgétaires qu'est l'immobilier de l'Etat, relève par nature de l'initiative de chacun de nos collègues rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis.

*

* *

* 30 Cf. l'audition précitée de votre commission des finances du 9 avril 2008.

* 31 A ce titre, par exemple, le CIE a été saisi des opérations de regroupement visant les services du MEEDDAT à la Défense et ceux du ministère de la défense sur le site dit « Balard ».

* 32 Séance du 20 mai 2009 du CIE. Sur cette opération, cf. supra , I, B.

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