b) Une faculté d'évolution soumise au consentement des électeurs des territoires concernés

L'évolution institutionnelle ou statutaire des DOM requiert, au préalable, le consentement des populations résidant sur leur territoire .

L'article 72-4 de la Constitution prévoit en effet que les électeurs des collectivités situées outre-mer sont consultés préalablement à toute modification du régime de la collectivité à laquelle ils appartiennent. La décision de procéder à cette consultation appartient au seul Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées. Lorsque la consultation est organisée sur proposition du Gouvernement, elle fait l'objet, devant chaque assemblée, d'une déclaration suivie d'un débat.

Cette exigence de consultation des électeurs - exorbitante par rapport à tout autre territoire de la République - vise à s'assurer que la volonté d'évolution est effectivement partagée par la majorité de la population. Mais elle implique que les électeurs soient véritablement informés des conséquences réelles, au plan juridique, d'une éventuelle évolution .

Tout changement, notamment lorsqu'il met en cause l'organisation des pouvoirs, peut constituer la source de craintes parfois infondées. Or, la mission d'information a pu constater, au cours de ses auditions et déplacements, la crainte souvent diffuse mais parfois clairement exprimée qu'un changement de statut remette en cause l'appartenance de ces territoires à l'Union européenne -et en conséquence entraîne la perte des avantages économiques et financiers liés en particulier aux fonds structurels européens- ainsi que l'application des lois sociales -et notamment les aides sociales qui en découlent.

(1) L'absence d'incidence sur le statut communautaire des départements d'outre-mer

À cet égard, la mission ne peut que rappeler qu'un changement statutaire -et a fortiori un changement institutionnel dans le cadre de l'article 73 de la Constitution- n'a en lui-même aucune incidence sur le statut européen des collectivités concernées.

Comme l'ont rappelé lors des auditions de la mission tant M. Stéphane Diémert, sous-directeur, chargé de mission auprès du secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, que M. Christian Vitalien, professeur associé à l'université des Antilles et de la Guyane, le statut constitutionnel des collectivités territoriales françaises d'outre-mer n'a pas d'incidence sur leur statut européen.

Si, aux termes de l'article 299 du traité instituant la Communauté européenne, les « départements français d'outre-mer » constituent des régions ultrapériphériques de l'Union européenne (RUP), cette mention a un caractère purement géographique et vise les territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, indépendamment de leur statut. Cette interprétation est confirmée par le fait que les articles 349 et 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, non encore en vigueur et issus du traité de Lisbonne et qui reprennent l'essentiel des dispositions de l'article 299 du traité instituant la Communauté européenne, visent expressément, en lieu et place des DOM, ces quatre territoires ainsi que Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui constituent aujourd'hui des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution.

Le statut européen des quatre départements résulte des engagements internationaux de la France, que celle-ci ne peut en tout état de cause modifier unilatéralement .

L'article 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne le met désormais clairement en évidence, en prévoyant que le passage du statut de RUP à celui de pays et territoire d'outre-mer (PTOM) -ou inversement- résulte, à l'initiative de l'État membre concerné, d'une décision du Conseil européen statuant à l'unanimité, après consultation de la Commission. En outre, dans l'attente de l'entrée en vigueur de ce traité, la transformation de l'un quelconque des départements français d'outre-mer en un PTOM ne pourrait résulter que d'une révision du traité instituant la Communauté européenne.

La mission d'information tient à préciser que l'étendue du transfert de compétences de l'État à la collectivité d'outre-mer résultant d'un changement statutaire ne peut pas davantage avoir d'incidence sur le statut communautaire des territoires concernés et l'application des règles communautaires .

En particulier, le transfert de l'État à une collectivité d'outre-mer de l'exercice d'une compétence encadrée par le droit communautaire -voire totalement communautarisée, comme en matière douanière- ne remet aucunement en cause l'applicabilité des règles communautaires sur son territoire. Le statut de Saint-Barthélemy en fournit la démonstration : l'article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet que cette collectivité ne sera compétente en matière douanière, sous certaines réserves, que si elle accède dans l'avenir au statut de PTOM. C'est donc bien le transfert de compétences qui est conditionné par le statut européen de la collectivité d'outre-mer, et non l'inverse.

La seule conséquence d'un tel transfert de compétences est que le respect des obligations communautaires s'imposera à la collectivité elle-même dans l'exercice de son pouvoir normatif, au lieu et place de l'État. Cependant, au regard des institutions européennes, l'État demeurera responsable des violations du droit communautaire imputable à cette collectivité. L'action en manquement intentée par la Commission européenne, le cas échéant portée devant la Cour de justice des Communautés européennes, sera en conséquence dirigée contre l'État français et non contre la collectivité d'outre-mer concernée.

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