II. GARANTIR LA SOUTENABILITÉ DE NOTRE MODELE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

La crise actuelle par sa violence est une épreuve de vérité pour les économies nationales. Certaines d'entre elles se sont déjà avérées ou vont se révéler trop fragiles pour traverser la tempête sans dommages durables, d'autres, comme celles de certains pays de l'Est européen, pourraient même sombrer au risque de déstabiliser les économies qui leur sont liées.

Au moment où l'on voit s'accumuler aussi bien des risques ponctuels relatifs à la situation financière de tel ou tel pays que les incertitudes globales concernant la capacité des grands pays à maîtriser la croissance à long terme de leur masse monétaire sans affecter les chances de reprise, il importe de définir une stratégie rigoureuse et sur certains points courageuse, si l'on ne veut pas que s'étiole la confiance dont jouit pour l'instant notre pays.

Maîtriser la dépense, sauvegarder les recettes, se préparer à pendre des décisions aussi difficiles qu'inéluctables en matière sociale, tels sont les grands axes de la stratégie esquissée par votre commission des finances, qui suppose une attention particulière aux conditions d'accès de la France aux marchés financiers.

Hier, c'était les cours des monnaies qui constituaient l'indicateur de l'opinion des marchés sur la santé d'une économie nationale ; aujourd'hui, surtout au sein de la zone euro, ce sont les écarts de taux ou spreads entre les pays qui assurent cette fonction et doivent être surveillés.

Mais à la différence des années 70, la pression des marchés sur les seuls taux des titres publics n'a plus, à cause de l'euro, pour conséquence des variations de change de nature à accélérer la résorption des déséquilibres mais un renchérissement du coût de la dette publique.

La sanction est moins brutale et d'autant plus insidieuse que le « bouclier de l'euro » donne aux pays membres de la zone un sentiment de fausse sécurité . Tel est bien le paradoxe de l'euro qui, parce qu'il nous anesthésie, nous conduit à retarder des ajustements dont nous ne ressentons plus la douloureuse nécessité.

A. MAÎTRISER LA DÉPENSE ET SAUVEGARDER LES RECETTES MÊME DANS LA CRISE

1. La poursuite des réformes de structure, une nouvelle forme d'ardente obligation pendant la crise

a) Un potentiel d'économies insuffisamment exploité en 2010 ?

Si, dans un contexte économique difficile, le Gouvernement a dû prendre acte de la baisse des recettes, il a fait, en matière de dépenses, un choix stratégique courageux : ne pas prendre prétexte de la crise pour abandonner, au nom de la relance, toute discipline budgétaire , et poursuivre l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat incarné par la règle du « zéro volume ».

De fait, les évolutions extrêmement erratiques de l'inflation auront, en 2008 et 2009, singulièrement compliqué le pilotage de la dépense de l'Etat.

Attendue à 1,6 %, l'inflation en moyenne annuelle se sera finalement établie à 2,8 % en 2008, provoquant une augmentation brutale de la charge de la dette indexée, largement responsable du « dérapage » de la dépense au cours de cette même année.

Pour 2009, l'hypothèse d'inflation révisée 29 ( * ) par le Gouvernement s'établit à 0,4 %, ce qui constituera une contrainte d'autant plus forte pour respecter la règle de progression en volume des dépenses de l'Etat, exceptionnellement fixée à 0,1 % 30 ( * ) .

Selon les données du Rapport préparatoire au débat d'orientation sur les finances publiques , le projet de loi de finances pour 2010 devrait tenir la règle du « zéro volume » 31 ( * ) sur la base d'une inflation anticipée à 1,2 % ( cf . tableau ci-après).

Evolution des dépenses de l'Etat au sens de la norme élargie, hors plan de relance

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Le même rapport indique que « les règles de fonctionnement du budget pluriannuel n'imposaient pas la révision à la baisse du montant des dépenses de l'Etat en cas de révision à la baisse des hypothèses d'inflation 32 ( * ) , pour ne pas nuire à la visibilité donnée aux gestionnaires sur leurs crédits. Le Gouvernement a cependant fait le choix de réviser à la baisse le plafond global de dépense de la loi de programmation des finances publiques en appliquant strictement la règle de limitation de la progression des dépenses à l'inflation prévisionnelle » . Si cet effort mérite d'être salué, sa portée doit toutefois être relativisée .

En effet, si la baisse importante de l'inflation constatée en 2009 et 2010 rendra plus difficile le respect de la règle du « zéro volume », elle va également permettre au Gouvernement d'enregistrer « automatiquement » des économies substantielles par rapport aux anticipations ayant servi de support à la construction du budget pluriannuel. Il en va ainsi :

1) des dépenses de pensions , en baisse de 1,5 milliard d'euros par rapport au cadrage pluriannuel, en raison de revalorisations moindres que prévues ;

2) de la charge de la dette , en recul de 2,7 milliards d'euros par rapport au montant prévu dans le budget pluriannuel, sous l'effet de la baisse des taux d'intérêt et de la faible inflation ;

3) des crédits de la mission « Défense » , en baisse de 0,57 milliard 33 ( * ) d'euros. Les dépenses de ce ministère sont en effet très sensibles à l'évolution de l'inflation en raison du poids des dépenses d'équipement et de carburant ;

4) des concours de l'Etat aux collectivités territoriales , dont la progression est indexée sur l'inflation. Il en résulte une diminution globale de 300 millions d'euros , à raison de 200 millions d'euros au titre du prélèvement sur recettes et de 100 millions d'euros au titre de la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle inscrite à la mission « Travail et emploi ».

Les données qui précèdent indiquent par conséquent qu'une économie potentielle de près de 5 milliards d'euros aurait pu être dégagée, sans mesure nouvelle, par rapport au cadre pluriannuel . L'économie nette ne s'élèvera toutefois qu'à 1,65 milliard d'euros , dans la mesure où les plafonds de 15 missions et du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne seront relevés dans le cadre du PLF pour 2010.

Ces augmentations résultent pour partie des effets de la crise . En effet, selon le Rapport préparatoire au débat d'orientation sur les finances publiques , « la crise est à l'origine d'une augmentation significative de certains postes de dépenses, notamment dans le secteur de l'emploi et des prestations sous conditions de ressources (...). Pour certaines missions, l'augmentation de la dépense est d'une ampleur telle par rapport au plafond de la mission qu'un financement du dépassement sous enveloppe était inenvisageable ».

Il en va ainsi, pour un peu moins de 3 milliards d'euros , des dotations des missions « Immigration, asile et intégration » (+0,03 milliard d'euros), « Régimes sociaux et de retraite » (+ 0,28 milliard d'euros), « Solidarité, insertion et égalité des chances » (+ 0,73 milliard d'euros), « Travail et emploi » (+ 0,7 milliard d'euros), « Ville et logement » (+ 0,48 milliard d'euros) et du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes (+ 0,6 milliard d'euros) 34 ( * ) .

En revanche, cinq autres missions voient leur plafond relevé d'un total de 700 millions d'euros en conséquence des « orientations nouvelles de la politique gouvernementale » ( cf . tableau ci-après).

Ces revalorisations sont partiellement absorbées par la mobilisation de la réserve de budgétisation , ainsi qu'en témoigne la diminution de 520 millions d'euros du plafond de la mission « Provisions ».

Enfin, pour 170 millions d'euros , cinq autres missions bénéficient d'un relèvement de leur plafond non expliqué dans le rapport du Gouvernement.

« Clé de passage » entre les plafonds de la
programmation pluriannuelle et le PLF pour 2010

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après le rapport du Gouvernement.

Au total, et compte tenu de l'ensemble de ces revalorisations, les économies nettes dégagées par rapport à la programmation initiale ne devraient ainsi s'établir qu'à environ 1,6 milliard d'euros . On ne peut donc que regretter que le parti maximal n'ait pas été tiré du potentiel d'économies dégagé par la faiblesse de l'inflation.

La remarque s'inscrit aussi dans une perspective de moyen terme : lorsque la hausse des prix retrouvera un niveau plus élevé, les effets exactement inverses se produiront et feront peser sur la dépense une forte pression à la hausse ( cf. infra ).

* 29 Révision intervenue lors du dépôt du second projet de loi de finances rectificative pour 2009.

* 30 Cette dérogation avait résulté de la révision de 2 à 1,5 % de l'hypothèse d'inflation prise en compte pour l'élaboration du projet de loi de finances pour 2009, et de la volonté du Gouvernement de ne pas répercuter cette révision sur le niveau des concours de l'Etat aux collectivités territoriales.

* 31 Hors plan de relance.

* 32 Or la loi de programmation était bâtie sur une inflation prévisionnelle de 1,75 %.

* 33 Soit -600 millions d'euros au titre de la baisse de l'inflation et +30 millions d'euros au titre de la mise à niveau des crédits consacrés au financement des opérations extérieures.

* 34 La motivation détaillée de ces dépassements figure au rapport du Gouvernement. Elle concerne notamment l'augmentation des aides en faveur des adultes handicapés, des parents isolés, des allocations logement, des crédits en faveur de l'hébergement d'urgence, de l'asile...

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