II. LES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX DE DEMAIN : L'IMPACT DU REPORT DU TRAITEMENT DE LA QUESTION DES DÉFICITS

Depuis un an, la crise économique a gravement dégradé les comptes sociaux en provoquant une chute de recettes sans précédent dans l'histoire de la sécurité sociale. La reprise économique ne permettra en aucun cas à elle seule de réduire substantiellement le niveau des déficits au cours des années à venir. Ces déficits provoquent par ailleurs mécaniquement la constitution d'une nouvelle dette sociale d'un montant sans cesse croissant.

A. UN DÉFICIT QUE LA SORTIE DE CRISE NE RÉSORBERA PAS

Dans son dernier rapport, la commission des comptes de la sécurité sociale s'attache à distinguer, dans les déficits sociaux, la part conjoncturelle et la part structurelle de ces déficits. A l'aide d'estimations sur le déficit qu'aurait connu la sécurité sociale en l'absence de crise, elle montre qu'en 2010, plus des deux tiers du déficit du régime général seront d'origine conjoncturelle.

Il reste que la situation aurait été très différente si la sécurité sociale avait abordé la crise avec des comptes équilibrés. La persistance d'un déficit structurel de grande ampleur en période de croissance économique forte a aggravé considérablement les effets de la crise.

Pour l'avenir, la distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel présentera peu d'intérêt. L'essentiel est de savoir si la reprise économique peut permettre de rétablir la situation . La commission des comptes de la sécurité sociale a consacré d'importants développements à cette question dans son dernier rapport.

Extrait du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale
(octobre 2009)

« (...) pour les années suivant la crise actuelle, la question importante n'est plus tant de savoir quelle aurait été la situation financière si la crise n'avait pas eu lieu, mais d'évaluer si une conjoncture plus favorable permettra un redressement financier et d'en estimer l'ampleur, sachant que l'accumulation des déficits successifs induit des charges financières croissantes en l'absence de reprises de dettes.

« Pour cela, plusieurs hypothèses sont envisageables, en fonction du scénario de sortie de crise :

« - la première hypothèse suppose que la crise est suivie d'un très fort rebond économique qui permet de rattraper le niveau du PIB tendanciel. Dans ce schéma, des taux de croissance très élevés devront être observés dans les années à venir afin de rattraper les écarts à la tendance de 2,25 % constatés en 2008-2010, qui représentent près de sept points de Pib au total (1,85 point de Pib en 2008, 4,5 points en 2009, 1,5 point en 2010) ;

« - dans la deuxième hypothèse, l'économie retrouve son rythme d'évolution tendancielle, mais la perte de production des années de crise n'est pas rattrapée : le Pib progresse sur une pente parallèle à sa tendance de long terme, mais un cran en-dessous ;

« - un troisième scénario plus sombre consisterait à remettre en cause la croissance potentielle, qui serait désormais sur une pente inférieure à 2,25 %.

« Or le régime général abordera la reprise avec un handicap de l'ordre de 30 milliards d'euros. Selon le scénario de sortie de crise, le redressement sera plus ou moins aisé, la croissance de la masse salariale et du Pib déterminant pour une large part le rythme d'évolution de ses recettes. Toutefois, une progression des recettes identique à celle des dépenses ne suffit pas à stabiliser le solde. En effet, en partant d'un déficit de 30 milliards d'euros et en supposant une croissance des charges et des produits de 5 % par an, proche du rythme d'évolution tendancielle des charges, le déficit s'aggrave de 5 % par an également, soit de 1,5 milliard d'euros par an.

« Seule une hypothèse très élevée de progression de la masse salariale (6,3 % par an et une progression de l'Ondam à 3 % par an à partir de 2010 permettraient, sans autre mesure de redressement, de ramener à 20 milliards d'euros le solde du régime général à l'horizon 2013. Pour parvenir à ce niveau de solde, une ou plusieurs opérations de reprises de dettes seraient en outre nécessaires sur la période. »

Produits et charges nettes du régime général
(sous l'hypothèse d'une croissance tendancielle des charges
et d'une croissance de la masse salariale privée de 5 % par an en 2011-2013)

en milliards d'euros)

Source : Direction de la sécurité sociale

Le graphique ci-dessus est particulièrement éclairant en ce qu'il montre qu'il faut élaborer des hypothèses économiques parfaitement irréalistes pour envisager que la résorption du déficit de la sécurité sociale soit spontanée.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 contient, dans son annexe B, des prévisions relatives aux comptes sociaux jusqu'en 2013. Pour établir ces prévisions, le Gouvernement a pris en compte les hypothèses économiques suivantes :

- croissance du Pib de 0,8 % en 2010, puis de 2,5 % par an entre 2011 et 2013 ;

- diminution de la masse salariale privée de 0,4 % en 2010, puis croissance de cette masse salariale de 5 % par an entre 2011 et 2013 ;

- croissance de l'Ondam de 3 % par an en valeur entre 2010 et 2013.

Sur la base de ces hypothèses, les déficits sociaux devraient évoluer de la manière suivante :

Les prévisions de déficits des régimes de base et du FSV

En milliards d'euros

2009

2010

2011

2012

2013

Régime général

- 23,5

- 30,6

- 30,1

- 29,4

- 29,2

Ensemble des régimes de base

- 24,7

- 31,5

- 31,4

- 30,6

- 30,3

FSV

- 3,0

- 4,5

- 4,0

- 3,7

- 3,1

Ensemble

- 27,7

- 36,0

- 35,4

- 34,3

- 33,4

Source : PLFSS pour 2010

Ainsi, dans l'hypothèse d'une reprise forte et régulière assortie d'une bonne maîtrise des dépenses de santé, le déficit annuel ne se résorbera pratiquement pas d'ici 2013 si aucune action supplémentaire n'est engagée. Il est donc nécessaire d'envisager dès à présent les moyens de réduire les déficits en assurant durablement une progression des recettes plus rapide que celle des dépenses.

Pour atteindre cet objectif, la maîtrise des dépenses est évidemment indispensable, notamment dans le domaine de l'assurance maladie et la commission des affaires sociale restera extrêmement vigilante sur ce point.

Il reste que, sauf à changer profondément de système de protection sociale, l'action sur les dépenses n'est pas sans limites, dès lors que l'évolution des dépenses de santé est fortement liée au vieillissement de la population et que les dépenses de retraite sont caractérisées par une grande inertie.

Quel que soit le scénario de sortie de crise, la résorption des déficits sociaux nécessitera d'apporter à la sécurité sociale de nouvelles recettes.

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