2. Fonds alternatifs : renforcer les garanties concernant les gestionnaires de fonds « offshore »

a) Le « passeport » des gestionnaires de pays tiers : une innovation ambitieuse mais critiquée

Le groupe de travail considère que la proposition de directive sur les gestionnaires de fonds alternatifs, dont les principales dispositions ont été exposées supra , ne mérite sans doute pas l'opprobre qui a souvent caractérisé son accueil. Ce texte, qui en soi témoigne du changement d'approche de la Commission européenne sur le système financier, comporte en effet certaines dispositions opportunes ou bien calibrées , notamment sur la responsabilité des dépositaires, les conditions d'agrément, le contenu du rapport annuel et des informations fournies aux investisseurs, et certaines exigences spécifiques demandées aux gestionnaires de hedge funds 119 ( * ) .

Le texte prévoit plusieurs règles strictes, mais sans tomber dans l'illusion d'un formalisme excessif. Son champ est également large puisqu'il englobe tous les fonds non coordonnés, en particulier les hedge funds et fonds de capital-investissement, mais aussi des fonds immobiliers, de matières premières et d'infrastructures.

Outre la question des seuils déterminant le champ de l'agrément prévu par la directive (100 millions d'euros pour les fonds recourant au levier et 500 millions d'euros pour les fonds de capital-investissement), la disposition qui concentre les critiques (pour des motifs parfois opposés) est le traitement des sociétés de gestion établies dans des pays tiers (gestionnaires offshore ), qui bénéficieraient après un certain délai d'une extension automatique du « passeport », sous réserve de certaines conditions.

La proposition de directive prévoit ainsi les conditions dans lesquelles les Etats membres, au terme d'une période de trois ans après la transposition de la directive, pourront agréer des gestionnaires établis hors de l'Union européenne, dont les fonds ne pourront toutefois être commercialisés qu'auprès d'investisseurs professionnels. L'Etat du gestionnaire devra réunir les conditions suivantes :

- la Commission européenne doit avoir statué sur l'équivalence de sa législation en matière de réglementation prudentielle et de surveillance ;

- garantir un accès effectif des gestionnaires de la Communauté à son marché ;

- avoir conclu avec l'autorité de surveillance de l'Etat membre un accord de coopération permettant de contrôler le potentiel de risque systémique des fonds proposés à la commercialisation 120 ( * ) ;

- avoir conclu avec l'Etat membre un accord de coopération fiscale conforme aux normes énoncées dans l'article 26 du modèle de convention fiscale de l'OCDE.

Il convient de préciser une importante distinction entre l'agrément de gestionnaires non-européens et les conditions de commercialisation en Europe (auprès d'investisseurs professionnels) de fonds domiciliés dans des pays tiers , indépendamment de l'Etat de domiciliation du gestionnaire. Dans la mesure où la directive est centrée sur l'agrément des sociétés de gestion et non des fonds, la seule condition prévue pour la commercialisation de tels fonds, outre celles relatives à l'agrément du gestionnaire, est l'existence d'un accord de coopération et d'échange d'informations fiscales entre l'Etat membre et l'Etat de domiciliation.

La directive prévoit cependant les conditions supplémentaires (équivalence de la réglementation et de la surveillance) dans lesquelles la société de gestion peut déléguer ou confier certaines fonctions (administratives, valorisateur et dépositaire ) à des entités établies dans des pays tiers . Pendant la période de trois ans précitée, les Etats membres pourront autoriser ou continuer à autoriser, selon leur droit national, les gestionnaires à commercialiser sur leur territoire des fonds alternatifs domiciliés dans des pays tiers.

b) Les propositions du groupe de travail

La Commission européenne fait en quelque sorte le pari ambitieux d'une intensification de la coopération entre autorités de surveillance et d'un alignement progressif « par le haut » du niveau de réglementation, par les leviers de l'équivalence et de la réciprocité. A cet égard, les garanties requises pour l'agrément pourraient a priori sembler suffisantes. Néanmoins s'agissant d'une directive qui règlemente la commercialisation active de fonds présentant un profil de risque plus élevé, et qui sont souvent domiciliés dans des pays non coopératifs ou présentant de faibles garanties de surveillance prudentielle, le groupe de travail considère que cette démarche d'extension conditionnée du passeport des gestionnaires est prématurée , notamment pour les raisons suivantes :

- le passeport des sociétés de gestion est une procédure encore nouvelle, introduite très récemment pour les OPCVM (par la directive « OPCVM IV » adoptée par le Conseil le 22 juin 2009) et qui n'envisage pas l'agrément de gestionnaires établis dans des pays tiers ;

- la notion d'équivalence des règlementations applicables, appelée à être précisée par la Commission, ne présente pas encore de garanties suffisantes de sécurité financière ;

- la protection juridique des investisseurs pourrait être amoindrie, en particulier en cas de litige ou de fraude, dont « l'affaire Madoff » a révélé tout le potentiel. L'image de marque du passeport européen et de l'industrie européenne de la gestion en serait alors affectée.

Le groupe de travail juge donc préférable de réserver le passeport aux seuls gestionnaires établis dans l'Union européenne (sans préjudice de la commercialisation de fonds domiciliés dans des pays tiers).

Le groupe de travail considère également que la directive devrait :

- aborder le régime du placement privé ;

- préciser les critères d'indépendance du valorisateur , qui ne sont pas prévus dans la directive OPCVM IV ;

- prévoir une obligation , et non pas une simple faculté, pour l'autorité d'agrément d'imposer des exigences plus strictes au gestionnaire ou au fonds en cas de commercialisation auprès d'investisseurs de détail ;

- être élargie aux fonds de fonds accessibles aux investisseurs individuels, en incluant des dispositions qui soient conformes aux recommandations formulées par l'OICV et actualisées en septembre 2009. Il s'agit en particulier d'éviter que ne se produise une nouvelle « affaire Madoff », qui a occasionné d'importantes pertes pour de nombreux investisseurs par le canal des fonds de fonds.

* 119 La Commission européenne pourra ainsi fixer, par la procédure de comitologie, des niveaux maximaux de levier si cela s'avère nécessaire pour garantir la stabilité et l'intégrité du système financier. Les autorités nationales pourront également limiter le recours au levier dans certaines circonstances exceptionnelles.

* 120 Soit un accord « qui assure un échange efficace de toutes les informations utiles pour contrôler les implications potentielles des activités du gestionnaire sur la stabilité d'établissements financiers présentant une importance systémique et sur le bon fonctionnement des marchés où le gestionnaire est actif ».

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