C. M. FRÉDÉRIC OUDÉA, PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

Evoquant une récente enquête sur les très petites entreprises, M. Jean Arthuis, président , a relevé les apparentes contradictions dans la communication des banques sur l'évolution des encours de crédits. Il s'est interrogé sur un éventuel resserrement de leurs conditions d'octroi, sur le bilan que fait la Société générale de ses relations avec le Médiateur du crédit, et sur la dégradation des conditions de financement des fonds de rachat avec effet de levier « leveraged buy-out » (LBO).

Il a également posé plusieurs questions concernant les émissions réalisées au profit de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) et les résultats de la Société générale : les titres super-subordonnés ne sont-il pas assimilés de façon trop « audacieuse » à des fonds propres ? Les modalités de rémunération de l'Etat et d'incitation à la sortie du dispositif sont-elles bien calibrées ? Comment la Société générale compte-t-elle utiliser le bénéfice net de 2 milliards d'euros qu'elle a réalisé en 2008 ?

M. Frédéric Oudea, directeur général de la Société générale , a formulé quelques remarques préliminaires sur la crise. Assimiler cette dernière à une simple crise bancaire est, selon lui, à la fois réducteur et rassurant pour les observateurs. Après une période de croissance « dopée » par une liquidité très bon marché, qui a alimenté un endettement généralisé des entreprises et des ménages, la crise actuelle vient « purger » un excès d'endettement, dont le système bancaire a été un vecteur mais non l'acteur exclusif. Il importe aujourd'hui d'imaginer le nouvel équilibre entre consommation et épargne et le rôle du système bancaire dans le monde économique de demain. Il faudra notamment tenir compte de ce que les bilans des banques sont aujourd'hui soumis à une forte contrainte de diminution de leur levier, qui contribue à réduire l'offre de crédit.

Il a estimé que la situation des banques est aujourd'hui très variable selon les pays et le niveau de surendettement des ménages. Ainsi, aux Etats-Unis d'Amérique, ce surendettement n'est pas uniquement lié à la bulle immobilière, mais aussi à l'inflation des encours de cartes de crédit. La situation française est meilleure car elle se caractérise par un plus faible niveau d'endettement des ménages et des modalités de prêts moins risquées. Il apparaît cependant que la faillite de Lehman Brothers a rompu la confiance au sein du système bancaire. La disponibilité de liquidités à long terme, indispensable pour pouvoir prêter également à long terme, est actuellement assurée par des garanties et dispositifs gouvernementaux qui ne sauraient être pérennisés. Le dispositif français est néanmoins adapté et a permis à la Société générale d'anticiper l'augmentation de ses encours de crédit. En effet, en l'absence d'émission de titres super subordonnés, la banque aurait certes été en mesure de préserver ses ratios de solvabilité, mais au prix d'une forte réduction de ses prêts.

Il a ajouté que l'année 2008 a été difficile pour la Société générale, compte tenu de la « dislocation » du marché. Les effets de la fraude de M. Jérôme Kerviel ont néanmoins été bien traités et la Société générale a plutôt mieux affronté la crise que ses pairs, avec un bénéfice de 2 milliards d'euros et des ratios de fonds propres début 2009 de 8,8 % pour le « Tier One » et 6,7 % pour le « Core Tier One ». Ces ratios seront confortés si la Société générale, ainsi qu'elle l'envisage, réalise une deuxième émission au profit de la SPPE. En considérant les normes de fonds propres de manière dynamique, il a estimé que les perspectives de la Société générale sont plutôt bonnes, en dépit d'une visibilité faible qui contribue à renchérir le coût du risque.

Abordant la question du crédit aux agents économiques, M. Frédéric Oudea a relevé que la forte croissance des prêts, de 9,2 % fin 2008 (soit + 12,6 % pour les entreprises et + 5,8 % pour les ménages), s'est confirmée en janvier 2009. Elle est toutefois tributaire de la demande, qui diminue en matière immobilière alors même que les conditions de taux sont devenues plus favorables. Il a constaté un certain attentisme des consommateurs, et des reports - plutôt que des annulations - d'investissements du côté des entreprises.

S'agissant du coût du crédit, il a insisté sur le fait que la situation a notablement changé du fait de la forte augmentation du coût de la ressource, qui est passé de 5 à 10 points de base, il y a cinq ans, à 185 points de base en décembre 2008. Le coût de refinancement auprès de la Société de financement de l'économie française (SFEF) est quant à lui de 80 à 85 points de base, sur des maturités de 2 à 5 ans. Ce net renchérissement du coût de la liquidité est, selon lui, durable et appelé à être progressivement répercuté sur la clientèle, d'autant que les marges sur cette activité sont en France plus faibles que dans la plupart des pays voisins.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président , sur les modalités de versement de la rémunération due à l'Etat au titre des prêts de la SFEF, dont M. Michel Camdessus avait affirmé, lors de son audition le 18 février 2008, qu'elle est perçue dès le versement du prêt, il a considéré que les intérêts sont vraisemblablement échus annuellement sur la durée des prêts, mais que ce point doit être confirmé.

Il a ensuite jugé que le dispositif du Médiateur du crédit fonctionne de manière satisfaisante, l'ensemble des parties prenantes ayant « joué le jeu ». Le traitement local des dossiers se révèle adapté, de même que le tri opéré en amont entre les litiges ponctuels sur les conditions de prêt et ceux qui révèlent des problèmes plus structurels de financement. Fin février 2009, environ 610 dossiers portant essentiellement sur de petits montants, concernaient la Société générale, et 365 le Crédit du nord, certaines difficultés pouvant s'expliquer par le manque d'expérience d'une partie des salariés du réseau, dont 30 % ont moins de 30 ans.

Concernant les opérations de rachat avec effet de levier (LBO), il a admis que ce secteur présente aujourd'hui des risques réels, mais qui ne se sont, pour l'instant, pas matérialisés de façon considérable pour la Société générale. Les difficultés que rencontrent ces fonds appellent un examen au cas par cas, mais sont logiques compte tenu de certains excès passés et de la brutalité du retournement des conditions de financement.

Il a précisé que le conseil d'administration de la Société générale se donne jusqu'à la fin du mois de mars pour décider d'une deuxième tranche d'émission - qui reste vraisemblable - au profit de la SPPE. Toutefois, une émission d'actions de préférence requerrait de présenter une résolution modifiant les statuts à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires, ce qui ne pourrait se faire qu'au cours du mois de mai 2009, à l'occasion de l'approbation des comptes annuels. En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a ajouté que la Société générale n'exercera sans doute pas l'option de conversion des titres super-subordonnés en actions de préférence. S'il existe effectivement un débat sur le caractère de fonds propres réglementaires que revêtent ces titres super-subordonnés, ils n'en demeurent pas moins un instrument « classique », dont les modalités de souscription par la SPPE, lors de la première tranche, étaient bien adaptées à la situation des banques françaises.

M. Jean Arthuis, président , a suggéré que les intérêts perçus par l'Etat au titre de la souscription aux titres super-subordonnés de la première tranche soient affectés à un système de caution mutuelle, éventuellement via Oséo, plutôt qu'aux recettes fiscales. M. Frédéric Oudea a considéré qu'il n'est pas en position de juger de l'opportunité d'une telle utilisation, mais a convenu que l'apport d'Oséo est précieux. Il a néanmoins estimé que toute aide aux entreprises doit respecter un principe de crédit responsable et éviter de trop grandes distorsions de concurrence, afin de ne pas pénaliser les entreprises compétitives.

Il a indiqué que la Société générale privilégie la politique de dividende, qui a notamment vocation à récompenser les actionnaires demeurés fidèles en dépit de la chute des cours boursiers, plutôt que les rachats d'actions, qui ont été limités au financement de plans d'attribution de stock-options et n'ont pas été engagés en 2008. Le taux de distribution du dividende au titre de l'exercice 2008 devrait être de 36 % du résultat net, et une option de paiement en actions - assorti d'une décote - sera proposée aux actionnaires, permettant, le cas échéant, de renforcer les fonds propres de la banque.

Concernant la rémunération variable des opérateurs de marché, il a tenu à prévenir tout « amalgame » entre les excès manifestes constatés dans certains pays et les pratiques courantes du marché français. Il a déclaré que les mécanismes en vigueur à la Société générale ont été revus, approuvés par le conseil d'administration et soumis au régulateur bancaire, de sorte qu'ils sont, pour l'essentiel, déjà conformes aux récentes recommandations formulées par le groupe de travail de place. Les bonus ont ainsi fortement baissé en 2008, en moyenne de près de 70 % par rapport à 2006 et de 40 % par rapport à 2007. La structure de la rémunération variable a également été révisée : elle peut désormais être différée, payée en actions et adossée à la performance future de la banque de financement et d'investissement.

En réponse à une question de Mme Nicole Bricq , il a précisé que la période durant laquelle la rémunération variable peut être retenue et différée est de trois ans, selon un mécanisme dit de « claw back ». De même, des travaux sont en cours pour mettre en place un système plus responsabilisant, qui repose sur la performance individuelle plutôt que collective. Il a néanmoins rappelé, en se fondant sur l'exemple de Lehman Brothers, que la rémunération n'est qu'un des éléments à prendre en compte dans l'analyse de la performance ou de la défaillance d'une banque d'investissement.

Puis, en réponse à une question de M. Jean Arthuis, président , M. Frédéric Oudea a jugé essentiel que la réforme de la régulation financière ait une portée internationale et non pas seulement française, et contribue en particulier à harmoniser la définition des fonds propres des banques. A ce titre, il a exposé certaines qualités du système français de supervision, qui, selon lui, devraient constituer une source d'inspiration : le rôle déterminant de la banque centrale qui induit une proximité des banques, et une réglementation homogène, sans les failles que la régulation américaine présente, par exemple, à l'égard des courtiers. La supervision des activités bancaires doit néanmoins se renforcer dans le domaine du risque de liquidité et s'adapter aux nouvelles contraintes de financement des bilans. Enfin, il a fait part de son intérêt pour les travaux visant à atténuer la procyclicité des normes prudentielles et comptables, tout en appelant à une certaine progressivité dans leur application, afin d'éviter que les banques ne soient soudainement conduites à constituer des provisions supplémentaires.

En réponse à une interrogation de M. Jean-Pierre Fourcade sur les flux de livrets A domiciliés à la Société générale, il a indiqué que, jusqu'à présent, un million de livrets ont été ouverts, représentant environ 2,5 milliards d'euros. Il a ajouté, en réponse à une question de M. Jean Arthuis, président , que le contrôle de la multidétention repose sur une déclaration sur l'honneur signée par le client.

En réponse à une question de Mme Nicole Bricq , il a estimé que la Société générale ne sera sans doute pas en mesure de rembourser par anticipation, dans l'année, les prêts contractés auprès de la SFEF. La Société générale saisira néanmoins toute opportunité de refinancement direct en cas de détente du marché.

Il a enfin exprimé sa solidarité à l'égard des salariés de la Société générale, soumis de manière injuste au flux des critiques et aux incivilités, alors qu'ils ne sont pas responsables de la situation créée. Il est, selon lui, nécessaire d'éviter que ces comportements hostiles ne portent un préjudice durable à des réseaux qui fonctionnent plutôt mieux que dans d'autres pays.

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