2. Une protection des compétences insuffisamment assurée

Un des arguments retenus dans l'arrêt « Maastricht » pour repousser le grief selon lequel le droit de vote au Bundestag aurait été privé de sa substance était que l'Union conservait une compétence d'attribution, ne recevait pas la « compétence de la compétence ».

Or, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés a semblé, dans certains cas, étendre les compétences européennes au-delà de ce qui paraissait découler des traités.

On se souvient notamment que certains arrêts pris en 2005 par la Cour de Luxembourg ont été très controversés sous cet angle.

Tout d'abord, l'arrêt « poissons sous taille » du 12 juillet 2005 a condamné la France à une sanction pécuniaire qui combinait une amende forfaitaire et une astreinte semestrielle, alors que l'article 228 du traité instituant la Communauté européenne disposait que « si la Cour de justice reconnaît que l'État membre ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte » . Ainsi, dans cet arrêt, la Cour est allée à l'encontre de la lettre des traités pour s'attribuer un pouvoir supplémentaire, alors même que la plupart des États membres étaient intervenus au cours de l'instance pour défendre une interprétation apposée à celle finalement retenue par la Cour.

Ensuite, l'arrêt du 13 septembre 2005 « Commission contre Conseil » a reconnu une compétence en matière pénale à la Communauté européenne au titre de la protection de l'environnement , le sommaire de l'arrêt précisant que « s'il est vrai que, en principe, la législation pénale, tout comme les règles de la procédure pénale, ne relève pas de la compétence de la Communauté, cela ne saurait empêcher le législateur communautaire (...) de prendre des mesures en relations avec le droit pénal des États membres et qu'il estime nécessaires pour garantir la pleine effectivité des normes qu'il édicte en matière d'environnement ». La répartition des compétences paraissant découler des traités selon l'interprétation quasi-unanime des États membres se trouvait ainsi modifiée.

Enfin, dans l'arrêt « Mangold » du 22 novembre 2005, la Cour de Luxembourg a décidé que les juridictions allemandes devaient laisser inappliquées les dispositions d'une loi nationale jugées contraires au principe de non-discrimination en fonction de l'âge, en se fondant sur une directive communautaire dont le délai de transposition n'était pas arrivé à échéance. Elle a semblé reconnaître ainsi une forme d'« effet direct » aux directives communautaires dès leur publication, ce qui revenait, là encore, à accroître les pouvoirs du législateur communautaire au-delà de ce qui ressortait de la lettre des traités, en allant selon toute vraisemblance à l'encontre de ce qu'avaient souhaité leurs négociateurs.

De tels arrêts, par lesquels une institution communautaire paraissait modifier sans le consentement des États membres l'étendue des pouvoirs transférés, ne pouvaient qu'inciter la Cour de Karlsruhe à confirmer sa vigilance, puisque le raisonnement qu'elle avait adopté dans l'arrêt « Maastricht » reposait en partie sur le fait que la construction européenne résultait d'une attribution limitative de compétences par les États membres.

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