B. UNE PÉRÉQUATION HORIZONTALE ENCORE TROP PEU DÉVELOPPÉE ?

1. La péréquation horizontale repose sur trois dispositifs principaux

Trois dispositifs représentent des outils spécifiques à la péréquation horizontale entre collectivités territoriales. Les sommes consacrées à ce type de péréquation sont évaluées à environ 1,2 milliard d'euros soit pratiquement 50 fois moins que pour la péréquation verticale.

a) Les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP)

L'article 15 de la loi n° 75-678 du 29 juillet 1975 supprimant la patente et instituant une taxe professionnelle, codifié à l'article 1648 A du code général des impôts (CGI), complété par le décret n° 88-988 du 17 octobre 1988 relatif au fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, a institué les fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle (FDPTP).

Ils ont pour objet de répartir, dans chaque département, le produit de la taxe professionnelle des grands établissements industriels (centrales nucléaires, barrages, usines de production automobile, etc.), qualifiés « d'établissements exceptionnels » , entre la commune d'implantation, les communes proches et les communes défavorisées du département. Les établissements « exceptionnels » sont ceux dont les bases de taxe professionnelle par habitant dépassent deux fois la moyenne constatée au niveau national . La fraction excédant cette moyenne est écrêtée et le montant de la taxe professionnelle correspondant versé à un fonds départemental.

D'autre part, l'abondement des fonds est complété par un abondement des recettes fiscales de certains EPCI à taxe professionnelle unique et, pour une partie plus restreinte, par des attributions compensatrices (compensation de la part salaire, compensation de l'abattement de 16%).

Ce sont au total 918 millions d'euros qui ont été distribués par les FDPTP au titre de l'année 2007.

La gestion du FDPTP relève de la compétence du conseil général ou, le cas échéant, de celle d'une commission interdépartementale si les communes concernées se situent dans d'autres départements que celui de la commune d'implantation de l'établissement exceptionnel.

Sur la partie du fonds alimentée par l'écrêtement des bases communales de taxe professionnelle , le conseil général prélève, par priorité, au profit des communes ou syndicats de communes bénéficiaires de ces ressources et à concurrence du montant de l'écrêtement, les sommes qui leur sont nécessaires pour permettre le remboursement des annuités d'emprunts contractés par eux avant le 1 er juillet 1975 .

Le solde est ensuite réparti entre les communes dites concernées et les collectivités territoriales défavorisées, sans que l'une de ces catégories ne puisse se voir attribuer une part inférieure à 40 %.

La liste des communes concernées est arrêtée par le conseil général du département où est implanté l'établissement dont les bases sont écrêtées ou par la commission interdépartementale lorsque plusieurs départements sont concernés. Ces communes dites concernées sont les communes qui, situées à proximité de l'établissement exceptionnel écrêté, subissent un préjudice ou une charge. Conformément à l'article 4 du décret du 17 octobre 1988 précité, les communes concernées de droit sont celles dans lesquelles « sont domiciliés, au 1 er janvier de l'année de l'écrêtement, au moins dix salariés travaillant dans l'établissement et dans lesquelles ces salariés et leurs familles représentent au moins 1 % de la population totale de la commune ». Les deux conditions relatives au nombre de salariés et à leur proportion dans la population de la commune d'implantation d'un établissement exceptionnel, tel que défini à l'article 1648 A du CGI, sont appréciées de manière cumulative. Sont également des communes concernées de droit les communes d'implantation des barrages réservoirs et retenues conçus et construits en vue de régulariser le débit des fleuves auprès desquels sont situés des établissements produisant de l'énergie en traitant des combustibles nucléaires, mais à l'exclusion des communes d'implantation des barrages réservoirs et retenues dont l'objet principal est la production d'énergie électrique.

Par ailleurs, bénéficient de la répartition des ressources du FDPTP les collectivités considérées comme défavorisées . Il s'agit des communes concernées à titre accessoire qui, situées à proximité de l'établissement, subissent de ce fait un préjudice ou une charge quelconque. Il appartient dans ce cas au conseil général de définir les critères objectifs permettant de qualifier ces communes .

Les ressources du FDPTP en provenance d'une alimentation intercommunale font l'objet de modalités spécifiques de répartition. En effet et avant toute répartition, le conseil général ou la commission interdépartementale effectue un prélèvement prioritaire au profit de l'établissement public de coopération intercommunale écrêté ou prélevé. Ce prélèvement prioritaire peut aller de 20 à 75 % en fonction de la nature et de l'historique du groupement.

Le solde des ressources est affecté en priorité au remboursement des annuités d'emprunts dans les mêmes conditions que celles décrites précédemment. Le solde des ressources est ensuite réparti par le conseil général ou la commission interdépartementale entre communes concernées et collectivités territoriales défavorisées.

La fonction redistributive des FDPTP pourrait être largement améliorée puisque l'on considère qu'ils sont 3 à 4 fois moins péréquateurs que le fonds de solidarité de la région Ile-de-France.

Les fonds départementaux de péréquation des taxes additionnelles
aux droits de mutation à titre onéreux

Pour mémoire, on peut citer un autre dispositif de péréquation horizontale : celui des fonds départementaux de péréquation des taxes additionnelles aux droits de mutation à titre onéreux .

La taxe communale additionnelle aux droits de mutation est un impôt obligatoire, perçu soit au profit des communes de plus de 5.000 habitants et des stations classées comme stations touristiques au sens de l'article L. 133-13 du code de tourisme, soit, pour les communes de moins de 5.000 habitants et autres que celles susvisées, au profit d'un fonds de péréquation départemental. Les ressources du fonds sont ensuite réparties entre ces communes suivant un barème établi par le conseil général prenant en compte des critères fixés par la loi (importance de la population, effort fiscal et montant des dépenses d'équipement brut).

Le fonctionnement de ces fonds est codifié aux articles 1584 et 1595 bis du code général des impôts (CGI).

b) Le fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF)

L'article 14 de la loi n° 91-429 du 13 mai 1991 5 ( * ) , codifié aux articles L. 2531-12 à L. 2531-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT), modifié par la loi n° 96-421 du 26 mars 1996 portant diverses dispositions relatives aux concours de l'État aux collectivités territoriales et aux mécanismes de solidarité financière entre collectivités territoriales, a institué un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France (FSRIF).

Le FSRIF a pour objectif de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines d'Ile-de-France supportant des charges particulières au regard des besoins sociaux de leur population sans disposer de ressources fiscales suffisantes. Il assure une redistribution entre les communes de la région Ile-de-France par prélèvement sur les ressources fiscales des communes les plus favorisées au profit des communes les plus défavorisées . En 2008, 173 millions d'euros ont été distribués par le biais du FSRIF.

Le FSRIF est alimenté par deux prélèvements :

- au titre du premier prélèvement prévu par l'article L. 2531-13 (I) du code général des collectivités territoriales (CGCT), est contributrice toute commune dont le potentiel financier par habitant est supérieur d'au moins 25 % au potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes de la région Ile-de-France pour l'année considérée 6 ( * ) . Toutefois, les communes remplissant cette condition mais par ailleurs éligibles à la DSU ou au FSRIF sont déclarées non contributrices. Le premier prélèvement au titre du FSRIF ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice ;

- au titre du second prélèvement de l'article L. 2531-13 (II) du CGCT sont contributeurs : les communes dont les bases de taxe professionnelle par habitant sont supérieures à 3 fois la moyenne des bases de TP par habitant constatée au niveau national, les EPCI ayant opté pour l'instauration d'une taxe professionnelle de zone (TPZ), dont les bases de taxe professionnelle par habitant sont supérieures à 3,5 fois la moyenne des bases de TP par habitant constatée au niveau national et les EPCI de la région Ile-de-France faisant application des dispositions de l'article 1609 nonies C du CGI, à savoir les communautés de communes et les communautés d'agglomération à taxe professionnelle unique (TPU), dont les bases de taxe professionnelle par habitant sont supérieures à 2,5 fois la moyenne des bases de TP par habitant constatée au niveau national. Le montant du prélèvement est égal au produit du taux de taxe professionnelle en vigueur dans la commune 7 ( * ) par 75 % des bases par habitant excédant le seuil précité, multiplié par la population totale de la commune ou de l'EPCI. Un plafond fixé à 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement est prévu pour les communes et EPCI dont le revenu par habitant est inférieur à 90 % du revenu moyen par habitant de la région Île-de-France. En outre, la contribution des communes, dont les bases totales d'imposition à la taxe professionnelle sont inférieures à 3 fois la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant de la région Île-de-France, et celle des EPCI, dont les bases sont inférieures à 2,5 fois cette même moyenne, sont plafonnées respectivement à hauteur de 1,1 fois le montant du premier prélèvement de la commune et à hauteur de 1,1 fois la somme des premiers prélèvements des communes membres. Par ailleurs, lorsque la commune ou l'EPCI fait l'objet d'un prélèvement au profit du FDPTP, sa contribution est minorée du montant de ce prélèvement constaté l'année précédente. Le second prélèvement est lui aussi plafonné, à hauteur de 10 % des dépenses réelles de fonctionnement des communes et EPCI constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, sont éligibles au FSRIF 8 ( * ) :

- la première moitié (50 %) des communes de 10.000 habitants et plus de la région Île-de-France, classées par ordre décroissant de la valeur de leur indice synthétique de ressources et de charges, soit 125 communes en 2009 ;

- les premiers 18 % des communes de 5.000 à 9.999 habitants de la région, classées de la même manière, soit 20 communes en 2009.

L'indice synthétique de ressources et de charges

L'indice synthétique ci-dessus mentionné est prévu pour la DSU. La loi du 26 mars 1996, précitée, a transposé au FSRIF le mécanisme de l'indice synthétique de ressources et de charges existant pour la DSU.

Cet indice fait intervenir quatre critères :

- le potentiel financier par habitant de la commune à hauteur de 55 % ;

- la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune à hauteur de 15 % ;

- la proportion de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement (APL) à hauteur de 20 % ;

- et le revenu par habitant à hauteur de 10 %.

Une garantie de sortie du dispositif, non renouvelable, a été mise en place par la loi du 26 mars 1996. Elle alloue aux communes rendues inéligibles au FSRIF par le jeu du classement en fonction de leur indice synthétique un montant de garantie égal à 50 % de l'attribution perçue l'année précédente au titre de l'éligibilité au FSRIF.

Une fois encore, il apparaît que les logiques de péréquation et de garantie des ressources se retrouvent étroitement imbriquées, au détriment des sommes allouées à la péréquation dans le cadre d'une enveloppe fermée.

c) Le cas particulier de l'intercommunalité

La solidarité financière entre les communes appartenant à un même EPCI à fiscalité propre se matérialise sous la forme de dotations, relevant d'une forme de péréquation horizontale entre elles.

L'intercommunalité permet aux communes membres de bénéficier :

- d'un « effet ressources », par la spécialisation fiscale de chaque échelon et la solidarité financière entre les communes membres, grâce, notamment, à la dotation de solidarité communautaire (DSC) ;

- et d'un « effet charges » , par le transfert du niveau communal au niveau intercommunal de dépenses de fonctionnement et d'investissement, ainsi que par la répartition inégale de l'usage des services communautaires.

En effet, une étude de l'Assemblée des districts et communautés de France (AdCF), réalisée en 2006 auprès de communautés d'agglomération , démontre que 83 % d'entre elles avaient mis en place une dotation de solidarité communautaire , dont le produit était évalué à 546 millions d'euros, soit 30 euros par habitant .

2. La nouvelle architecture des dispositifs de péréquation horizontale rend incertaine l'appréciation de leur performance péréquatrice

La suppression de la taxe professionnelle , prévue par la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, introduit un bouleversement dont il est nécessaire de mesurer les effets et les opportunités.

La taxe professionnelle est remplacée par la cotisation économique territoriale (CET), elle-même composée de deux nouvelles cotisations :

- la cotisation foncière des entreprises (CFE) ;

- la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

La CVAE s'applique à la valeur ajoutée produite par l'entreprise. Elle est théoriquement due par toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152.500 euros .

L'abaissement du seuil d'assujettissement, à l'initiative du Sénat, de 500.000 euros, proposé par le gouvernement, à 152.500 euros, vise à renforcer le lien entre les entreprises et la collectivité territoriale. En effet, chaque collectivité territoriale percevra le produit correspondant à la valeur ajoutée des entreprises situées sur son territoire.

Le taux de la CVAE est fixé à 1,5 %. La valeur ajoutée taxable est plafonnée à 80 % du chiffre d'affaires pour les entreprises de moins de 7,6 millions d'euros et à 85 % pour les autres.

En pratique, l'État prendra en charge tout ou partie de l'imposition des entreprises de moins de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires par un dispositif de dégrèvement :

- pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 152 500 et 500 000 euros , le dégrèvement sera total si bien qu'elles ne s'acquitteront pas de l'impôt ;

- pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 500 000 et 50 millions d'euros , le dégrèvement est partiel et dégressif : plus le chiffre d'affaires de l'entreprise approchera 50 millions d'euros, moins la fraction de l'impôt prise en charge par l'État au titre du dégrèvement sera importante.

Par conséquent, le nouveau système limite, pour les entreprises, le montant de la cotisation sur la valeur ajoutée à hauteur de 11,5 milliards d'euros , tandis que les collectivités territoriales percevront 15,3 milliards d'euros au titre de cette cotisation, la différence étant prise en charge par l'État sous la forme de dégrèvements.

Pour permettre aux collectivités territoriales de bénéficier d'un niveau de ressources équivalent à celui dont elles bénéficiaient avant la réforme, la loi de finances pour 2010 prévoit le maintien des FDPTP et du FSRIF en 2010, la mise en place de nouveaux dispositifs de péréquation ainsi que trois rendez-vous législatifs destinés à affiner les dispositifs ainsi créés.

a) Le maintien des FDPTP et du FSRIF pour 2010 et la mise en place de nouveaux dispositifs de péréquation à partir de 2011

La loi de finances pour 2010 précitée garantit le maintien des FDPTP pour 2010, à titre conservatoire. Les communes se verront donc reverser en 2010 les mêmes sommes que celles perçues en 2009 et selon les règles applicables pour cette année.

Ensuite, à partir de 2011 , une péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sera organisée au niveau régional et départemental. En effet, le quart de la CVAE perçue par les régions et les départements sera mis en péréquation respectivement dans deux fonds, un au profit des régions, un au profit des départements.

La répartition sera effectuée pour les régions en fonction de trois critères : la population ; l'effectif des élèves scolarisés dans les lycées publics et privés et celui des stagiaires de la formation professionnelle ; et la superficie, retenue dans la limite du double du rapport entre d'une part, le nombre d'habitants de la région et d'autre part, la densité de population moyenne de l'ensemble des régions.

Pour les départements , la répartition du fonds est fonction de trois critères : la population ; le nombre de bénéficiaires de minima sociaux et de l'allocation personnalisée d'autonomie ; et la longueur de la voirie départementale.

Enfin, à partir de 2011 , et en complément de ce système, il est prévu de mettre en place un système de péréquation pour les départements , fondé sur l'écart du potentiel fiscal entre départements et alimenté par une partie de la dynamique de la croissance de la CVAE calculée sur la base des constatations de l'année précédente. Un système équivalent sera créé pour les régions .

S'agissant du FSRIF, à partir de 2011, les modalités de son fonctionnement seront transformées pour prendre en compte l'impact de la modification de la notion de potentiel financier et de la suppression de la taxe professionnelle sur les versements du fonds. Les modalités plus précises de réforme du FSRIF seront définies dans le contexte des rendez-vous législatifs, évoqués ci-après.

Enfin, il est prévu la mise en place d'un fonds départemental de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) à partir de 2011.

Un conseil général sera contributeur à ce nouveau fonds dès lors que le produit par habitant des DMTO du département sera supérieur au produit moyen par habitant des DMTO de l'ensemble des départements. Les ressources de ce fonds seront réparties, chaque année, entre les départements dont le potentiel financier par habitant sera inférieur à la moyenne des potentiels financiers par habitant de l'ensemble des départements, au prorata de l'écart avec ladite moyenne.

b) Les effets péréquateurs de ces fonds demeurent encore incertains

Selon M. Yves Fréville, le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pourrait reproduire les mêmes inégalités.

Rappelons que la répartition de la taxe professionnelle sur les territoires était inégale, 5 % des communes concentraient environ 80 % des bases de taxe professionnelle. Or, le mécanisme de remplacement de la taxe professionnelle prévoit de garantir le niveau de ressources équivalent à celui d'avant la réforme prévue par la loi de finances pour 2010, pour chaque collectivité territoriale. Le maintien du niveau actuel des ressources des collectivités territoriales sera ainsi assuré, à partir de 2011, par le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Ce mécanisme de compensation « neutralisera » en 2011 les impacts de la réforme : les territoires qui disposeront de ressources fiscales supplémentaires par rapport à la situation ex ante seront écrêtés à due concurrence au profit de ceux dont les produits fiscaux seront inférieurs à leur ancienne taxe professionnelle.

Certaines analyses conduisent à penser que la création de la CVAE ne va pas simplement reconduire les inégalités, mais pourrait les aggraver. Ainsi, lors de la table ronde sur la péréquation du 10 février 2010, M. Yves Fréville, ancien sénateur, membre du Conseil national de l'information statistique, a observé que le remplacement de la taxe professionnelle par la CVAE ne réduirait pas les écarts de ressources entre collectivités territoriales, et créerait même de nouvelles inégalités. De plus, il a noté que ce nouvel impôt réduisait les ressources des communes hébergeant des industries dont la valeur ajoutée comprend une forte composante foncière, en faveur des communes comptant sur leur territoire des activités du secteur tertiaire.

Le graphique sur la page suivante présente les gains ou les pertes de ressources pour les départements, après redistribution du quart « péréquateur » de CVAE, prévue par les dispositions de la loi de finances pour 2010.

Sont ainsi mis en évidence les gains et les pertes de CVAE, par rapport aux ressources des départements en l'absence de péréquation. Ainsi, il apparaît que les départements des Hauts-de-Seine et de Paris 9 ( * ) seront les deux principaux contributeurs au fonds départemental de péréquation de la CVAE, tandis que le département de la Creuse en sera le principal bénéficiaire. On constate par conséquent une répartition très inégale de la valeur ajoutée sur le territoire et une inégalité du produit de la CVAE qui en est issu.

Par ailleurs, force est de constater que la réforme de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale (CET) pourrait renforcer les inégalités de situation entre collectivités territoriales de même niveau.

Péréquation départementale : gain (en rouge) ou perte (en noir)
par habitant par rapport à l'absence de péréquation

(montant de cvae en € par habitant)

Source : présentation de M. Yves Fréville, lors de la table ronde sur la péréquation organisée le 10 février 2010 au Sénat

Le graphique suivant présente, pour les EPCI, la dispersion du produit de la taxe professionnelle par habitant ainsi que celui de la CET par habitant, en tenant compte des simulations actuellement existantes et mises à disposition par les services du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. On constate une dispersion prononcée des ressources issues de la taxe professionnelle comme de la CET entre les EPCI, avec une légère inflexion pour la nouvelle imposition, traduisant ainsi une baisse timide des inégalités en la matière.

La dispersion du produit de la TP et de la CET des EPCI

Source : présentation de M. Yves Fréville, lors de la table ronde sur la péréquation organisée le 10 février 2010 au Sénat

Par ailleurs, selon les services du ministère de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, la mise en place des nouveaux dispositifs de péréquation nécessiterait environ deux années pour étalonner les instruments permettant d'en mesurer les effets. Autrement dit, le bilan du système de péréquation issu de la loi de finances pour 2010 ne serait pas disponible avant 2013, voire 2014.

c) Un paysage législatif en devenir

Le Parlement a adopté le principe de trois rendez-vous législatifs, prévus entre juin 2010 et fin 2012 , afin de réajuster les dispositions votées en loi de finances en fonction de la réforme des collectivités territoriales et de la nouvelle répartition des compétences.

Avant le 1 er juin 2010 , le gouvernement devra transmettre au Parlement un rapport présentant, par catégorie de collectivités territoriales, des simulations détaillées des recettes ainsi qu'une estimation de leur variation à court, moyen et long termes, en application de la réforme des finances locales.

Au vu de ce rapport, et avant le 31 juillet 2010 , une loi précisera et adaptera le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre et mettra en place des mécanismes de péréquation fondés sur les écarts de potentiel financier et de charges entre les collectivités territoriales.

Avant le 31 décembre 2011 , dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2012, un nouveau rapport devra être transmis au Parlement par le gouvernement, présentant, entre autres, les recettes perçues par chaque catégorie de collectivités territoriales, ainsi que l'évolution des prélèvements locaux sur les entreprises et les ménages. Dans les deux mois qui suivront la remise de ce rapport, un nouveau projet de loi proposera la reconduction ou la modification du dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre.

Enfin, dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi relative à la répartition des compétences des collectivités, visée à l'article 35 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, le gouvernement transmettra au Parlement un rapport précisant les évolutions des ressources des collectivités territoriales rendues nécessaires par les modifications de leurs compétences. Dans les deux mois qui suivront la remise de ce rapport, un projet de loi proposera la reconduction ou la modification du dispositif de répartition des ressources entre collectivités territoriales ainsi qu'une réforme de la DGF destinée à conforter sa vocation péréquatrice .

Rappelons que l'article 35 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales fixe un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi de réforme des collectivités territoriales, pour qu'une nouvelle loi précise la répartition des compétences entre les régions et les départements, ainsi que les règles d'encadrement des cofinancements entre les collectivités territoriales.

* 5 Loi n° 91-429 du 13 mai 1991 instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes

* 6 L'assiette du prélèvement est constituée par le produit de la population DGF de l'année considérée de la commune par le montant du potentiel financier par habitant de la commune excédant le potentiel financier moyen de la région Île-de-France. A l'assiette ainsi définie, sont appliqués trois taux de prélèvement de respectivement 8, 9 et 10 % selon que le potentiel financier par habitant de la commune est égal ou supérieur à respectivement 1,25 ; 2 et 3 fois le potentiel financier moyen des communes de la région Île-de-France.

* 7 Pour les EPCI à TPZ, c'est le taux de zone qui est retenu. Pour les EPCI à TPU, c'est le taux de TP en vigueur sur le territoire communautaire.

* 8 L'ensemble des communes éligibles bénéficie d'une attribution du FSRIF calculée selon la formule suivante : FSRIF = Pop DGF x Indice x EF x VP (Pop DGF = population au sens de la DGF de la commune, Indice = indice synthétique de ressources et de charges, EF = effort fiscal de la commune, plafonné à 1,3 (autrement dit, la fraction de l'effort fiscal excédant 1,3 n'est pas prise en compte), VP = « valeur de point » de cette dotation, qui, en 2009, était égale à 24,81 pour les communes de 10.000 habitants et plus et à 22,09 pour les communes de 5.000 à 9.999 habitants).

* 9 La CVAE de Paris est la somme de la CVAE de Paris en tant que département avec celle de Paris en tant que commune.

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