D. RESPECT DE LA LIBERTÉ DES MÉDIAS

Prenant acte d'une augmentation du nombre d'agressions envers les médias - une vingtaine de journalistes ont été assassinés depuis 2007, dont treize en Russie) -, la commission de la culture, de la science et de l'éducation a souhaité porter devant l'Assemblée un débat sur la place des médias dans les Etats membres. Le rapport qu'elle a présenté distingue trois niveaux d'atteintes à la liberté des médias :

- agressions physiques, meurtres, intimidation ou impunité ;

- violations liées à une utilisation abusive des prérogatives de l'Etat pour orienter les médias ;

- menaces liées à la propriété des médias et absence de déontologie professionnelle.

Aux yeux de la commission, l'un des grands enjeux de la protection de la liberté des médias réside dans les garanties qui leurs sont accordées en vue de protéger la confidentialité de leur source. Le rapport insiste parallèlement sur les risques que fait courir à la liberté de la presse le renforcement des législations contre la diffamation.

La concentration des médias et l'absence d'impartialité de ceux-ci en période électorale dans certains pays, comme la Russie, l'Italie ou l'Ukraine, demeurent également des sujets d'inquiétude.

Invité à intervenir devant l'hémicycle, M. Miklós Haraszti, représentant de l'OSCE pour la liberté des médias, a insisté sur le cas préoccupant de la télévision où le pluralisme semble atteindre ses limites. Il relève ainsi le renforcement des monopoles et la mainmise par les gouvernements des médias télévisuels. Seul Internet semble, à ses yeux, permettre l'affirmation d'une totale liberté de la presse. M. Haraszti insiste néanmoins sur la vigilance à exercer dans ce domaine par le Conseil de l'Europe tant certaines tendances s'affirment en vue d'une fragmentation de la toile par certains gouvernements et un contrôle concomitant.

La recommandation telle qu'adoptée insiste sur la nécessité d'une évaluation régulière de la liberté des médias au sein des Etats membres. Le texte vise parallèlement un certain nombre de gouvernements en vue d'une modification de leurs législations sur la diffamation et l'insulte (Russie et Turquie) et les exhorte à garantir à toutes les formations politiques un accès équitable et juste aux médias.

E. DÉBAT SUR LA REPRÉSENTATIVITÉ AU SEIN DES DÉMOCRATIES

L'Assemblée a organisé en son sein un débat conjoint autour de deux textes de la commission des questions politiques et de celle de la commission sur l'égalité des chances visant chacun à améliorer la représentativité des systèmes politiques des Etats membres.

1. Les seuils électoraux et autres aspects des systèmes électoraux ayant une incidence sur la représentativité des parlements dans les États membres

S'il souligne l'incidence notable du système électoral sur la représentativité et par delà sur la vie politique de chaque Etat, le rapport de la commission indique qu'il ne saurait y avoir de modèle unique en la matière tant le choix de la meilleure formule repose notamment sur des facteurs tant historiques que culturels.

Le Conseil de l'Europe a néanmoins un rôle à jouer tant les enjeux sont importants. L'amélioration de la représentativité confère une confiance supplémentaire dans le système démocratique et ne peut que renforcer la participation à son fonctionnement.

La résolution adoptée préconise un certain nombre de mesures au premier rang desquelles la possibilité d'abaisser les seuils légaux supérieurs à 3 %, et de supprimer d'autres obstacles et notamment les cautions électorales élevées, qui empêchent la représentation des petits partis ou des candidats indépendants. Le texte invite par ailleurs les Etats membres à réfléchir à l'octroi du droit de vote aux immigrants résidant légalement sur leurs territoires. La résolution envisage également un certain nombre de réflexions à mener en matière de financement de la vie politique. Plus largement, le texte promeut le partage de bonnes pratiques entre Etats membres et souhaite que les Etats membres s'entendent pour définir les critères selon lesquels des élections pourraient désormais être considérées comme « libres et équitables ».

2. Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux

La participation des femmes à la vie politique est un des objectifs poursuivi depuis des décennies par le Conseil de l'Europe. Les résultats apparaissent néanmoins plus que relatifs au regard des efforts déployés. A l'échelle mondiale, moins de 20 % des sièges de parlementaires et des portefeuilles ministériels sont détenus par des femmes, et moins de 5 % des chefs d'Etat sont des femmes.

La commission pour l'égalité entre les hommes et les femmes rappelle dans son rapport la faiblesse de toute démocratie ne facilitant pas l'accès des femmes aux responsabilités.

La résolution telle qu'adoptée insiste notamment sur la nécessité d'amender les constitutions des Etats membres en vue, à l'instar de la France, d'autoriser des mesures de quotas ou de discrimination positive. Le texte assortit ces mesures d'objectifs chiffrés. Ainsi, dans le cadre de scrutin à la proportionnelle, les listes devraient prévoir au moins 40 % de candidates et des règles strictes de placement. Dans le cas du scrutin uninominal, il appartient d'inviter les partis à choisir des candidatures féminines. Des dispositifs de sanctions effectives doivent accompagner ce type d'incitations.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR), intervenant au nom du groupe GUE, a, pour sa part, appelé de ses voeux un nouveau type de sanction :

« Le rapport sur les seuils électoraux et les préconisations aux États nous semblent être le minimum démocratique à défendre au sein des États membres du Conseil de l'Europe. Cependant, nous devons être attentifs à l'augmentation de l'abstentionnisme dans un grand nombre d'États. Certains représentants politiques ont été élus avec moins de 20 % du corps électoral. Ne faut-il pas agir dans les systèmes éducatifs pour défendre davantage le concept de démocratie ?

Le point commun entre les deux rapports reste néanmoins la nécessité d'une représentation juste et équilibrée des femmes en politique. Les barrières mentales sont les plus difficiles à abattre. La représentation des femmes en politique est l'une d'entre elles. Aux obstacles réels - désignation par les partis dans une position éligible, nomination à des postes de ministres d'envergure - répondent les obstacles symboliques. Eu égard à la faible représentation des femmes en politique, combien de femmes s'auto-persuadent que les cercles de la décision publique ne sont pas de leur ressort ou sont découragées d'emprunter un chemin qu'elles savent inévitablement semé d'embûches ? On se trouve alors dans une situation où les femmes, à force d'être le « deuxième sexe » de la représentation politique, le demeurent.

Le temps des beaux discours, des incantations déclamatoires est révolu. Nous devons passer à l'action. N'ayons pas peur des mots : seule la discrimination positive en politique, par l'instauration de quotas de femmes, voire des deux sexes, comme y invite le rapporteur, permettra de changer ce que les mentalités tardent à faire.

Comme le souligne notre rapporteure, la Commission de Venise a mis en évidence que les pays appliquant un système de représentation proportionnelle comptent dans leurs parlements une proportion plus élevée de femmes que ceux appliquant un système à scrutin majoritaire. Le groupe de la Gauche unie européenne, ici, et le groupe communiste, en France, militent depuis plusieurs années pour la réinstauration d'un scrutin proportionnel, seul scrutin véritablement équitable à même de refléter la réalité du paysage politique.

De la même manière, notre rapporteure insiste sur le fait que les circonscriptions plurinominales sont jugées plus favorables à la désignation et à la représentation des femmes que les circonscriptions uninominales.

Je profite de ce débat pour dénoncer le fait que la réforme territoriale envisagée en France, par le Gouvernement, pour désigner les élus territoriaux ne sera pas favorable aux femmes.

En outre, pour être efficace, l'instauration de quotas doit être assortie d'autres types de sanctions que financiers. L'exemple français est à ce titre édifiant : les partis politiques préfèrent la sanction financière à l'élection féminine. Ces sanctions devraient prévoir l'illégalité d'une liste qui ne présenterait pas des femmes en position éligible ou dans des circonscriptions « gagnables ». A ce titre les quotas de résultats seraient une meilleure incitation à la promotion d'une égalité des sexes en politique.

Le chemin est long et ardu vers la voie de l'égalité, mais il n'est pas impraticable. C'est ainsi que se lèveront les barrières mentales, l'exemple inspirant l'exemple. Il n'est pas de véritable État de droit sans une participation équitable de toutes les parties de la population à l'élaboration de la décision publique, comme nous le rappellent les rapports. Il n'est pas de véritable État de droit sans une véritable représentation paritaire des femmes en politique. Sachons construire ici même un véritable État de droit. L'inscription dans un Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme du droit à l'égalité pour les hommes et les femmes serait le socle de l'édifice que nous souhaitons ériger. Notre groupe soutient cette proposition. »

La limitation du cumul des mandats politiques, tant aux niveaux local, régional que national ou européenne fait également partie des pistes avancées par la résolution. Les partis politiques sont également incités à adopter des quotas au sein de leurs propres instances.

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