TABLE RONDE OUVERTE À LA PRESSE SUR L'AVENIR DE LA RADIO

I. PREMIÈRE PARTIE : LE PAYSAGE RADIOPHONIQUE FRANÇAIS

Mme Laurence FRANCESCHINI, directeur du développement des médias au Ministère de la culture et de la communication

Je vous remercie d'avoir organisé cette table ronde sur l'avenir de la radio. Il est très important d'en parler de manière distincte des autres médias ; vous avez d'ailleurs relevé qu'il n'existe pas de texte spécifique sur la radio. La radio est en effet englobée dans la loi du 30 septembre 1986 modifiée, en même temps que la télévision, la loi portant sur la communication au public et s'adressant aux médias qui relèvent de la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). On a vu, dans le passé, certaines dispositions adoptées pour remédier à des sujets concernant la télévision et dont on ne mesurait pas forcément l'incidence qu'elles pouvaient avoir sur la radio. Votre remarque est donc bienvenue.

Le paysage radiophonique français est assez spécifique, notamment au sein de l'Union européenne, du fait de sa richesse et de sa diversité. J'en profite pour saluer la présence d'Alain Méar et de Rachid Arhab. Cette diversité des services de radio, cette amélioration de leur couverture n'a fait que s'accentuer avec les travaux entrepris par le CSA depuis le mois de janvier 2006. Pour autant, est-on passé dans le domaine de l'abondance ? Pas forcément et de nombreuses radios demeurent contraintes dans leur développement en raison de la pénurie de fréquences.

Par ailleurs, la vision de l'offre que nous avons à Paris ne doit pas nous faire oublier qu'il n'en est pas ainsi sur l'ensemble du territoire. Dans certaines régions, notamment rurales, l'offre de radio est beaucoup plus limitée. Sous le contrôle des membres du CSA, je dirais qu'on estime que près d'un tiers de la population française, soit environ 30 %, reçoit moins de dix programmes. On voit donc combien notre vision peut être approximative quant à l'abondance de l'offre. C'est une question que l'on retrouve également en matière de télévision. C'est presque un vrai sujet de citoyenneté, voire de démocratie.

Par quoi l'avenir de la radio doit-il passer ? Il me semble qu'il doit passer par un enrichissement de l'offre, en particulier là où elle est la moins abondante. Il est vrai que l'ensemble des nouvelles technologies permettent de répondre à ce besoin et à cette aspiration d'égalité devant l'offre radiophonique, que ce soit par le vecteur de la numérisation du hertzien terrestre ou, là où il ne sera pas possible de la recevoir, par d'autres vecteurs comme Internet.

Le cadre législatif de la radio numérique terrestre a été adopté en 2004, complété en 2007 avec, dans l'année qui a suivi, l'adoption des normes de diffusion. Il existe beaucoup de réflexions autour de ce sujet parce que lorsque la radio numérique terrestre démarrera en grandeur réelle sur le territoire, elle aura une obligation de réussite : elle ne doit pas décevoir et sa qualité de réception doit être absolument équivalente à ce qu'on connaît dans le domaine de la bande FM. On parle beaucoup de mobilité, de diversité à propos des autres médias. La radio est un média extraordinairement moderne car elle se définit par cette mobilité et cette diversité depuis fort longtemps.

Les radios associatives, par leur mission de communication de proximité, occupent une place essentielle dans le paysage radiophonique français qui ne peut se mesurer seulement par des sondages d'audience. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, au sein du monde de la radio, ce sont les radios associatives qui sont de longue date aidées par le fonds de soutien à l'expression radiophonique, en contrepartie du fait que leur financement commercial est limité.

Cette volonté de mobilisation a été partagée avec le CSA, qui a eu à coeur, depuis de nombreuses années, de préserver la place et le rôle de ces radios associatives dont on connaît l'importance en termes de lien social ainsi que sur le plan éducatif et culturel. Elles jouent un rôle d'animation au sens élevé du terme. Je rappelle qu'on parle aujourd'hui de plus de 600 radios.

Ces radios associatives ont connu une évolution de leur financement public. La taxe alimentant le fonds de soutien à l'expression radiophonique depuis le 1 er janvier 2009 n'étant plus affectée, ce sont des crédits budgétaires qui ont pris le relais, ce qui a au demeurant protégé les radios associatives de la rétraction des ressources publicitaires due au contexte économique.

L'effort du Gouvernement se traduit à travers le chiffre de la dotation au fonds de soutien pour 2010 : le FSER disposera en effet de 29 millions d'euros. Je rappelle que la dotation, en 2009, était de 26,5 millions d'euros. Il s'agit donc d'un signe extrêmement tangible de l'engagement du Gouvernement, des investissements devant être réalisés en matière de fabrication de données associées de manière à les rendre les plus attractives possibles. Il faut également accompagner les coûts de diffusion, sujet partagé avec les autres catégories de radios. Le fait que la durée du « simulcast » soit un peu longue entre la diffusion de la radio numérique et le maintien pendant un certain temps de la radio analogique va peser sur les coûts. Il y a probablement là un message à faire passer et une évaluation à réaliser.

M. Emannuel Hamelin a rendu un rapport pour accompagner les radios associatives numériques. C'est en s'appuyant sur ses préconisations que nous allons définir les modalités d'aide à l'investissement des radios.

Pour le ministère de la culture et de la communication, les radios associatives constituent un point capital, même si l'on sait que ce défi numérique doit être relevé par l'ensemble des catégories de radios si l'on veut maintenir, voire accroître, la diversité et le pluralisme du paysage radiophonique français. Il n'est pas mauvais que certaines réflexions n'aillent pas dans le même sens que les autres. Il faut avoir envisagé toutes les facettes d'un sujet pour prendre des décisions pertinentes éclairées.

La radio numérique a également fait l'objet d'un rapport de la part de M. Marc Tessier ; j'imagine que MM. Alain Méar et Rachid Arhab parleront des groupes de travail organisés par le CSA, qui doit être en train de réaliser la synthèse et les préconisations de leurs travaux. La radio numérique démarre à Lille, Nice et Marseille dans le second semestre 2010. Ceci va nous permettre de préciser les ajustements techniques et également d'avoir un retour de la part de nos concitoyens afin de vérifier si l'offre rencontre la demande.

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La parole est à M. Alain Méar, membre du CSA.

M. Alain MÉAR, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

Je vous remercie, Madame la Présidente, de la pertinence de l'initiative que vous avez prise en réunissant aujourd'hui la grande famille de la radio autour de deux tables rondes.

Avec Rachid Arhab, nous formons un binôme indissociable et indissoluble mieux qu'un couple ! Nous sommes complémentaires et parfois interchangeables. Il prendra donc ma place dans le cadre de la seconde table ronde et j'occuperai la sienne comme nous en étions convenus.

Deux ou trois choses que je sais de la radio, du CSA et de sa philosophie... Tout d'abord, une conviction : je suis intimement convaincu que la radio n'est pas un média ringard. Je suis exaspéré par cette manie qu'a la famille de la radio de s'auto-flageller en invoquant des risques de pseudo-ringardise. La radio est un média moderne, populaire, qui jouit d'une grande vitalité. Vous avez cité des chiffres : plus de huit français sur dix écoutent la radio chaque jour, trois heures en moyenne.

Certes, on ressent une légère érosion de l'audience mais celle-ci est limitée. La radio commence à sortir de la crise. Elle a même été le premier média à retrouver un peu d'oxygène.

Les jeunes sont sans doute tentés par d'autres approches des médias et d'autres modes de consommation mais la relève est assurée. La proportion de jeunes écoutant la radio est importante même si la durée moyenne d'écoute est sensiblement inférieure, deux heures au lieu de trois.

Lorsqu'on interroge nos concitoyens, le média le plus fiable, le plus crédible en matière d'information politique ou générale est la radio.

Le paysage radiophonique français est jeune : il n'a que 28 ans dans sa configuration actuelle qui date de la fin des années 80 et a, d'ores et déjà, atteint une grande maturité. Je le trouve très original. A ce titre, il participe à 300 % de l'expression culturelle. Je suis comme M. Michel Boyon : je n'aime pas l'expression « d'exception culturelle française » mais préfère le concept positif d'« expression culturelle ».

C'est donc un paysage radiophonique sans précédent et sans équivalent. C'est également un paysage radiophonique d'une grande richesse. Mme Laurence Franceschini l'a rappelé à juste titre et l'a bien illustré par sa densité et sa diversité.

Sa densité, c'est ce maillage territorial qu'a rappelé Mme Laurence Franceschini, tout en soulignant les risques d'inégalité, un tiers de la population recevant moins de dix stations.

La densité est cependant très forte. Je suis surpris par le nombre de fréquences qui, en métropole, s'élèvent à près de 7 000, même si, après la préemption du service public, il n'en reste plus que 4 600 pour les radios privées, hors autoroutes.

La radio, ce sont 880 opérateurs, toutes catégories confondues. Le plan FM + imaginé par le CSA s'est traduit par une manne supplémentaire de 1 200 fréquences, essentiellement par un travail de rationalisation et de planification fondé sur l'iso-fréquence. Sur ces 1 200 fréquences, la moitié a donc un « fil à la patte ». Elles constituent une extension d'une fréquence qui existait dans un autre lieu et sont donc pré-affectées, prédestinées...

Il n'en reste pas moins que le CSA a réussi à desserrer les contraintes de l'exercice. Il a pu préserver la part des fréquences dévolues aux radios de catégorie A. Il a également conforté l'extension de radios de proximité commerciales de catégorie B et a pu donner un peu d'oxygène, dans le respect d'un juste équilibre, aux réseaux nationaux, multi-villes ou régionaux.

Ce paysage est fragmenté mais équilibré. L'équilibre, comme le pluralisme et la diversité, sont les maîtres mots de l'action du CSA.

Le pluralisme des médias est maintenant consacré dans l'article 34 de la Constitution, qui détermine le domaine de la loi. Il est également assigné au CSA par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, loi fondamentale pour le CSA. Ces contraintes convergent pour encadrer les choix du CSA et guider son action.

Les radios associatives de catégorie A constituent, à mes yeux, la diversité dans la diversité, la diversité au carré, la « mise en abîme » de Gide. Que nous assigne le législateur, ces amendements étant très souvent le produit des parlementaires, très sensibles aux radios qui peuplent leur terre d'élection ? La loi dispose que le CSA doit attribuer une « part suffisante » de ressources en fréquences aux radios associatives. Elle les définit comme des radios de communication sociale de proximité de nature à favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différences socioculturelles, le soutien au développement durable local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion.

Au moment où nous parlons, les radios de catégorie A sont attributaires de 22,2 % des 4 600 fréquences dont j'ai parlé. Cette part a été préservée en dépit de l'évolution. J'ai même été réprimandé par Mme Laurence Franceschini, un surcroît d'opérateurs non négligeable ayant émargé au fonds de soutien pour l'expression radiophonique. Cela explique que les crédits soient passés de 25 à 26,5 millions d'euros, puis à 29 millions d'euros, hors préparation du passage au tout numérique.

Les radios associatives ont donc été préservées. Cela n'a pas toujours été facile. Les radios de catégorie B également. Elles sont en pleine évolution avec 16,6 % des fréquences. La catégorie C, celle des décrochages locaux de réseaux, est en baisse. La catégorie D connaît une grande vitalité : 33,9 % des fréquences. Un gros tiers des fréquences est attribué à ces réseaux multi-villes ou régionaux. La catégorie E recouvre les trois réseaux nationaux privés, RMC, RTL et Europe 1, qui se partagent 15,8 % des fréquences.

Pour le CSA, les radios de catégorie A sont les pupilles du paysage radiophonique. Nous jouons à leur égard un rôle de tuteur, au sens arboricole du terme. Nous les aidons à grandir, à croître, à prospérer. Pour nous, serviteurs de la Loi, elles ont un rôle essentiel et constituent le reflet de la diversité de notre société. Il existe des radios confessionnelles, des radios communautaires, des radios culturelles, des radios d'échanges, des radios de paroles, des radios de liens sociaux et citoyens, etc...

Leur audience, qui représente 3 %, ne mesure pas leur importance citoyenne et leur influence dans notre société. Tant que le législateur ne nous demandera pas d'en faire un peu moins -et il nous ne le demandera pas- nous continuerons à les préserver, à les faire vivre et surtout à essayer de préparer leur avenir.

Vous aurez sans doute un problème de relève des générations car l'enthousiasme des héros de la conquête des ondes des années 1980 s'est peut-être un peu tari. Le bénévolat, en outre, n'est pas toujours au rendez-vous. L'avenir réside dans un plus grand partenariat avec les collectivités territoriales, notamment dans les zones touchées par un certain dépeuplement, zones dans lesquelles le CSA a essayé de développer des réseaux de radios afin de maintenir le lien social. Le véritable enjeu sera l'avenir numérique, si numérique il y a. Il faut qu'il existe une radio numérique. Il faudra alors préparer les radios associatives à ce tournant technologique. La vague numérique ne doit en aucun cas être conçue comme un accélérateur de sélection naturelle.

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La parole est à M. Arnaud Decker, directeur des relations institutionnelles du groupe Lagardère Active.

M. Arnaud DECKER, directeur des relations institutionnelles du groupe Lagardère Active

Merci de cette initiative importante. On constate en effet le plébiscite dont continue à bénéficier la radio ; nous disposons d'une richesse et d'un pluralisme sans doute uniques en Europe qui doit beaucoup à l'action du CSA (notamment depuis le communiqué 34 de 1989) et à sa recherche d'équilibre et de croissance harmonieuse entre les différentes catégories de radios, en fonction de leurs collectes publicitaires.

Je parlerai au nom des catégories E mais aussi C et D, Lagardère Active étant constituée d'une grande radio catégorie E, Europe 1, et de deux réseaux musicaux actifs au titre des catégories D et C, Virgin Radio et RFM.

Je suis d'accord avec l'emploi du terme « oxygène » utilisé par le conseiller Alain Méar, dont cet écosystème a vraiment besoin.

Le média que constitue la radio, par excellence gratuit et qui vit uniquement du marché publicitaire, connaît une évolution à moyen terme assez défavorable. Nous avons perdu environ 20 % de nos recettes nettes depuis quatre ans. Le média radio attirait un milliard d'investissements publicitaires nets en 2006. Si les tendances observées pour le 1 er semestre de 2009 se confirment au second, nous risquons de nous situer à environ 800 millions d'euros en 2009.

Nous ne retrouverons jamais certains taux de marges et nous ne réussirons peut-être plus à gravir certaines marches publicitaires. Nous nous trouvons pour les exercices 2010 et 2011, face à de potentielles augmentations de nos coûts de diffusion et de programmes si nous voulons continuer à être performants.

Nous sommes heureux de ce dialogue, d'autant qu'à travers les 45 ou 47 modifications de la loi de 1986, deux par an, la télévision a été privilégiée par rapport à la radio. Nous avons peut-être manqué un certain nombre d'opportunités de modernisation en matière numérique mais aussi économique. Toujours est-il que le paysage offre un retour au marché publicitaire de 2001.

Le cadre réglementaire peut être aménagé sur certains points ; il restera aux régulateurs, au Parlement, au Gouvernement, de savoir si cela relève systématiquement de la loi. Un certain nombre d'aménagements n'en relèvent pas forcément selon nous et peuvent être d'ores et déjà entrepris.

M. Michel Cacouault m'a dit qu'il reviendrait plus en détail sur les mentions légales qui se sont notamment accumulées depuis 2006 en matière de contraintes liées au crédit ou à la consommation. Celles-ci peuvent représenter 50 % et plus de la durée d'un spot radio, ce qui dissuade certains annonceurs dans les domaines des télécommunications, de l'automobile, du crédit, de la banque, des assurances notamment, de continuer à investir, la radio n'étant plus pour eux aussi pertinente qu'auparavant. Or, certains de ces secteurs nous aident à cultiver la force distinctive publicitaire de la radio et la capacité qu'elle offre, comme pour l'automobile, de fournir à l'annonceur une réponse rapide à des déstockages ou à des promotions.

Selon Lagardère Active, il faut aménager le dispositif des concentrations, qui n'a pas évolué depuis quinze ans, époque de la loi Carignon, une même personne physique ou morale ne pouvant disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies par ces différents réseaux n'excède pas 150 millions d'habitants. Cette règle a été établie en 1994 sur la base du recensement de 1990. On devait être alors 58 millions d'habitants ; selon les statistiques de l'INSEE publiées, on est à 65 millions, outre mer compris. Il nous paraît donc légitime de réfléchir à l'aménagement du seuil.

On en a beaucoup parlé avec les pouvoirs publics en fin d'année, le passage de 150 à 180 millions de ce plafond nous paraissant une première étape assez équilibrée.

Le rapport Tessier a permis à cette concertation sur l'opportunité d'aménager les seuils d'avoir lieu. Un certain nombre de feux étant passés au vert, cet aménagement nous semble urgent du fait du risque de mise en cause de la capacité de nos groupes à progresser. Il faut, comme dans n'importe quel secteur de la vie économique, que ceux qui veulent croître puissent le faire.

Europe 1 doit disposer d'une couverture analogique FM inférieure à 75 % de la population. 15 millions d'habitants des territoires métropolitains ne disposent pas des sessions d'information FM qui occupent 100 à 130 journalistes de la rédaction d'Europe 1. C'est un peu comme si Le Monde ou Le Figaro n'étaient pas disponibles en région Rhône-Alpes ! Cette contribution au pluralisme de l'information est bornée mécaniquement du fait du seuil anti-concentration. Il serait regrettable, et selon nous inenvisageable, que nos groupes ne bénéficient pas de nouvelles fréquences au titre des prochains appels à candidatures qui auront lieu pour Rhône-Alpes et Alsace-Lorraine.

Il est important d'éviter la mort lente de l'écosystème que représente la radio. Je citerai ici le rapport Tessier : « Dans le domaine de la télévision, les seuils retenus permettent à un même groupe de contrôler sept services nationaux sur un total de trente, soit un pourcentage de 23 % d'audience potentielle ». TF1, dans l'univers tout numérique qui se prépare, pourra capitaliser jusqu'à 23 % d'audience potentielle avec trois chaînes généralistes. Nous ne demandons pas nécessairement un alignement sur le régime existant en télévision. Mais nous constatons simplement qu'un groupe comme Lagardère Active ne peut disposer qu'entre 7 et 10 % d'audience potentielle au titre des réseaux qu'il contrôle, dont une radio généraliste.

Enfin, compte tenu de la banalisation des usages et des modes d'accès à la musique, sans doute le temps va-t-il venir où les autorités se poseront la question de la façon dont on peut maintenir la compétitivité des réseaux musicaux. Je parle là pour Virgin et RFM.

Nous ne sommes pas forcément partisans d'un grand soir ou d'une grande loi sur la radio mais un certain nombre d'aménagements sont, selon nous, indispensables à court terme, les chiffres ne laissant pas de nous inquiéter.

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La parole est à M  Michel Cacouault, président du Bureau de la radio.

M. Michel CACOUAULT, président du Bureau de la radio

Je voudrais revenir sur un point essentiel : on ne peut envisager aucune évolution sans un regard économique. Les radios nationales de mon groupe ont perdu 10 % de chiffre d'affaires cette année, soit environ 60 millions d'euros. Je parle ici des radios privées. La chute est très forte, de l'ordre de 15 % en quatre ans !

Il y a différentes raisons à cela. Nous ne sommes pas les seuls ; l'ensemble des médias sont atteints. On sait que la presse est également durement touchée. A l'heure actuelle, tous mes adhérents sont confrontés à des réorganisations et à des suppressions de postes.

Nous ne sommes évidemment pas contre la RNT, qui constitue un apport extraordinaire mais il faut lui donner un éclairage économique.

L'autre aspect consensuel que je veux souligner concerne les mentions légales. J'ai vu Mme Christine Lagarde, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), Mme Laurence Franceschini, un certain nombre de sénateurs, de députés pour leur expliquer notre problème. Ce ne sont pas les mentions légales relatives à la santé ou à l'alimentaire qui nous posent problème mais les mentions obligatoires qui concernent les crédits.

Il suffirait d'agir sur cet article pour pouvoir modifier les choses. Nous avons obligation de citer toutes les données précises relatives à un crédit lorsque nous faisons de la publicité pour une voiture ou un autre bien d'équipement. L'automobile constitue 25 à 30 % des recettes publicitaires des radios. C'est un secteur vital pour nous : plus de la moitié de l'audience se fait en automobile. Or, contrairement à la télévision, nous n'avons pas la possibilité de superposer ces mentions à l'image.

Personne ne sait comment agir et c'est un énorme problème pour l'ensemble des radios qui subissent une discrimination terrible. Les annonceurs automobiles vont plutôt vers la télévision où ils ont la possibilité de faire comme ils le souhaitent. C'est mon principal combat.

S'agissant des concentrations, nous sommes en train de passer hors la loi malgré nous ! La démographie nous dépasse et si vous ne touchez pas au réseau de diffusion, dès lors que les bassins de population s'élargissent, ce qui est le cas, nous passons dans l'illégalité. Il faut y réfléchir et que cela se fasse dans des conditions acceptables pour tout le monde.

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La parole est à M. Philippe Gault, président du SIRTI.

M. Philippe GAULT, président du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes

Le SIRTI est le syndicat des radios et des télévisions indépendantes. Notre « base line » est depuis toujours le Syndicat des indépendants de l'audiovisuel. Les radios libres constituent une grande famille qui remplit le paysage radiophonique ; avant les radios libres, il n'existait ni CSA, ni catégories radiophoniques. Seules existaient trois radios qui allaient donner naissance à la catégorie E, tout le reste du paysage, Radio France mise à part, s'étant développé depuis.

Comme dans toute famille, certaines choses nous réunissent et d'autres nous divisent. L'essentiel du débat lié à la première partie a été ouvert par M. Arnaud Decker. Il s'agit de la question des équilibres du paysage radiophonique et du relèvement des plafonds de concentration qui semble très importante pour quelques groupes nationaux.

Le plafond de concentration n'empêche pas toutefois les catégories C, D et E de grandir ! Le groupe Lagardère a obtenu plus de 70 fréquences pour Europe 1 et 144 fréquences nouvelles pour le groupe dans son ensemble au cours des trois dernières années. Nous avons à la fois la loi et la régulation. C'est aujourd'hui la chance de notre secteur. On peut avoir une loi qui donne de grandes lignes directrices au CSA et un CSA qui l'applique avec une certaine intelligence. Rien n'est parfait mais cela permet de faire preuve de souplesse.

Il ne me semble pas que le plafond de concentration ait empêché le groupe Lagardère, il y a deux ans, d'acheter une radio indépendante, « Sport MX » devenue « Europe 1 Sports », qui bénéficie d'une fréquence à Paris et couvre un bassin de population de 12 millions d'habitants ! Si l'on ajoute les 3 millions d'habitants que représentent les fréquences nouvelles que vous avez obtenues, en trois ans, le groupe Lagardère a progressé de 15 millions d'habitants, soit 10 % du plafond fixé actuellement par la loi !

Je pourrais dire la même chose des principaux groupes radiophoniques qui font partie du Bureau de la Radio, qu'il s'agisse de RTL, de NRJ ou de NextRadio, très loin du plafond de concentration. De 2006 à 2009, ces différents groupes ont tous obtenu des fréquences au cours des appels à candidature.

Quel est donc le rôle du plafond de concentration ? On a tout à l'heure évoqué les radios associatives, l'attention des pouvoirs publics, du Gouvernement, le tutorat du CSA mais c'est le plafond de concentration de 150 millions d'habitants fixé par la loi qui permet aux radios indépendantes de tenir et qui autorise le CSA à tempérer ou à limiter, de temps en temps, la tendance à la concentration que connaît notre secteur, comme beaucoup d'autres secteurs économiques.

En 1994, le Parlement a relevé le plafond de concentration, à l'initiative du Gouvernement, la plupart des radios indépendantes qui existaient à l'époque -locales et commerciales- ont disparu, massivement rachetées par les groupes, qui ont alors construit le paysage de réseau que l'on connaît aujourd'hui.

Heureusement, il existait encore un peu de réserve. Le CSA a travaillé. Une sorte de « Yalta des fréquences » a eu lieu. Un certain exercice d'équilibrage a été mis en oeuvre mais il s'est révélé extrêmement difficile et peu convaincant ; en 2010, le CSA est encore en train de rattraper le retard que nous avons pris à ce moment. Ainsi, à Rouen, la seule radio indépendante a disparu à cette époque et il a fallu attendre 2009 pour qu'une autre s'y implante à nouveau !

J'attire l'attention des parlementaires sur le fait qu'il faut prendre garde à ce qui apparaît comme une évidence. A l'époque, le plafond de concentration a triplé et tout un secteur indépendant a failli disparaître ! Avant de toucher à nouveau à ce plafond, il convient de bien réfléchir, d'étudier la réalité et ne pas croire ceux qui prétendent qu'on ne peut aujourd'hui écouter RTL et Europe 1 à Annecy à cause du plafond de concentration. Ce n'est pas la raison !

On peut très bien écouter à Annecy une radio du groupe Lagardère, qui édite Europe 1 et une radio du groupe RTL ! Ces groupes ont fait, à un moment donné, le choix de privilégier leurs radios musicales en FM. C'est pourquoi ils ont pris un certain retard en modulation de fréquences. Aujourd'hui, ils sont en train, grâce au CSA, de se rattraper rapidement. Cela ne leur donne pas pour autant un droit supplémentaire.

Par ailleurs, Annecy est en région Rhône-Alpes ; or, celle-ci n'a pas encore fait l'objet d'un appel à candidature FM +. Le plan de fréquences pour Annecy prévoit six ou sept fréquences nouvelles. Il y a donc de fortes chances pour qu'Europe 1 et RTL trouvent leur place à Annecy sans qu'il soit besoin pour cela de modifier le plafond des concentrations.

Vous avez indiqué que la radio n'a pas bénéficié depuis longtemps d'un examen du Gouvernement et du Parlement. De ce point de vue, les radios indépendantes sont scandalisées par le fait que, lors du débat sur la lutte contre la fracture numérique, on ait failli relever le plafond de concentration sans concertation, contrairement à ce qui a été dit jusqu'à présent !

Je suis très heureux que vous nous ayez réunis et j'espère que vous pourrez prendre des décisions raisonnées respectant les équilibres. Le paysage des nouveaux développements est celui du numérique et non de l'analogique. Mme Laurence Franceschini l'a dit : relever un plafond de concentration ne créera pas de fréquences !

M. Michel CACOUAULT, président du Bureau de la radio

Je répète que sans autres fréquences, nous sommes hors la loi ! C'est incontournable ! Il faut donc l'intégrer.

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

On a bien compris qu'il y a débat sur le seuil de concentration.

La parole est à M. Jean-Eric Valli, président du GIE « Les Indépendants ».

M. Jean-Eric VALLI, président du GIE « Les Indépendants »

Je voudrais insister sur le fait que nous sommes très attentifs à un vrai travail de concertation. Il est extrêmement choquant de voir une donnée aussi essentielle que celle des seuils anti-concentration modifiée par un simple amendement ! Cela me donne l'impression de ne pas avoir progressé.

Un autre point me laisse songeur, c'est le fait d'entendre Mme Laurence Franceschini et M. Alain Méar ne pratiquement parler que des radios associatives. Nous n'avons bien entendu rien contre, les radios indépendantes en sont issues, mais c'est une façon d'esquiver le débat : à un bout de la chaîne, on s'intéresse à un certain nombre de stations qui représentent 2 % de l'audience et à l'autre, on se préoccupe en catimini des seuils de concentration autour d'une poignée d'opérateurs représentés par quatre groupes. Entre les deux, on ne situe pas bien les indépendants, ce qui est regrettable.

La France compte aujourd'hui 140 indépendants, dont 120 dans le GIE que je représente, soit 8 millions d'auditeurs quotidiens. Il est curieux, au bout de 25 ans, de tenir ce genre de discours caricatural, voire démagogique pour les radios associatives puisqu'on parle de choses que l'on néglige tout compte fait !

Les indépendants représentent pour les radios locales, régionales et thématiques, le point d'entrée permettant d'accéder aux annonceurs nationaux. Ce GIE apporte 30 à 50 % du chiffre d'affaires de ses adhérents. Cela contribue à la bonne santé de ces radios, qui ont résisté en 2009 alors qu'elles n'auraient pas pu il y a cinq, voire dix ans.

Nous sommes extrêmement inquiets à propos de la question du seuil anti concentration. C'est en fait un outil pour nos confrères nationaux afin de nous évincer du marché national. Ces grands groupes ont eu environ 150 fréquences chacun dans FM 2006 et ont donc pu se développer. Le nombre de fréquences qui leur a été attribuées est considérable.

Par ailleurs, parmi les populations estimées par le CSA, les trois principaux groupes représentent 120 à 136 millions d'habitants et non 150 millions. Je ne m'explique donc pas la stratégie du CSA.

Nous pensons que dès lors qu'on relève le seuil, on relance une chasse aux fréquences. Tout le monde aspire à se développer mais on ne fabrique pas de fréquences. Il faut donc bien les prendre à ceux qui sont en difficulté. Les indépendants contribuent aujourd'hui de manière vitale au fonctionnement des radios commerciales indépendantes ; éliminer le groupement revient à éliminer les radios indépendantes ! Il s'agit d'un véritable enjeu. Les groupes ne peuvent atteindre le GIE par ce biais ; or, nous sommes dans un paysage radiophonique plutôt sain ; il existe une grande diversité de radios et on laisse le choix à l'auditeur.

Nous serons donc particulièrement vigilants sur ce point. Nous ne souhaitons pas que la loi désigne par avance les gagnants et les perdants.

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La parole est à M. Valère Corréard, directeur général du réseau RAJE.

M. Valère CORRÉARD, directeur général du réseau RAJE

Le réseau RAJE est né en 2001, de fréquences temporaires en fréquences temporaires. Une première autorisation d'émettre définitive sur Languedoc-Roussillon a été donnée en 2007. Une seconde a été donnée en PACA en 2008 et nous venons d'être autorisés sur Aix-en-Provence, Marseille et Aubagne dans le cadre de la radio numérique terrestre (RNT) avec beaucoup de satisfaction. Nous verrons ce qu'il va en être mais, pour les radios de catégorie A, le numérique constitue peut-être l'avenir par défaut.

Ce réseau est une forme de fédération intégrée verticale, avec des radios locales indépendantes. Il représente 25 salariés, 200 bénévoles et 1 million d'euros de chiffre d'affaires annuel environ.

Nous avons mis en place une dynamique expérimentale. RAJE est un projet qui se veut à la fois utile et efficace. Nous sommes partis du constat selon lequel occuper le domaine public hertzien était une responsabilité importante ; notre seul statut d'opérateur associatif, commercial, local, de réseaux ou autres nous oblige à proposer des programmes répondant à l'attente d'un auditoire, correspondant à un projet de départ, si possible en faisant la plus grande audience possible. Si l'on peut réaliser dix points dans nos régions, nous le ferons.

Toutefois, nous avons un cahier des charges que nous essayons de remplir bien volontiers. Peut-être parle-t-on des radios de catégorie A pour être politiquement correct mais la question est de connaître les moyens dont nous disposons pour le faire correctement ? En effet, aux termes des arrêtés, des décrets ou des conventions que nous signons avec le CSA, nous devons remplir une mission de service public adaptée à notre projet de départ. C'est donc une lourde responsabilité, dans un encadrement juridique qui nous ne permet pas de le faire à notre niveau !

Nous n'avons en effet ni GIE -nous n'y sommes pas autorisés alors que nous le souhaiterions pour résoudre nos problèmes de financement- ni régie nationale, ni fréquences surdimensionnées. Nous essayons donc de créer de petites régies locales mais nous ne devons pas dépasser le seuil de 19,99 % de notre chiffre d'affaires afin d'émarger au fonds de soutien à l'expression radiophonique. Nous cherchons du renfort auprès des collectivités territoriales mais sans pouvoir dépasser 200 000 €, faute de quoi nous perdrions le bénéficie du FSER. Tout est fait pour que la radio associative reste petite, si possible isolée, sans trop d'argent.

Les nouvelles générations sont passionnées par la radio et ont envie de créer des tremplins locaux qui serviront peut-être aux futurs journalistes des grands groupes. Remplir cette mission de communication sociale de proximité leur paraît tout à fait normal, mais dans quelles conditions ? Si la radio associative doit rester petite et travailler dans des conditions difficiles, il y aura un problème de relais de génération. C'est un vrai souci que nous avons : les collectivités territoriales ne peuvent pas forcément aller au bout de nos besoins ; cela pose des problèmes d'indépendance.

Nous demandons par exemple qu'on réduise notre subvention du FSER au prorata si nous dépassons 20 % sans que cela ne nous disqualifie. Des lois sur les associations existent : on peut, sans chercher à faire du lucratif, avoir une activité dans le secteur concurrentiel. Ce sera peut-être l'occasion de nous donner plus d'indépendance. On ne demande pas d'argent public mais de pouvoir lancer des dynamiques. Nous sommes aussi des acteurs économiques, avec des salariés qui ont eux aussi envie de faire carrière, de gagner correctement leur vie et d'évoluer ! Peut-être est-ce complémentaire de tout ce que l'on vient de dire ? Je crois qu'il existe une taxe qui revient aux radios associatives au travers du FSER. En nous donnant la possibilité d'agir, on pourrait à terme la réduire. Les réseaux tendent à faire baisser la présence sur le terrain.

Ce sont des éléments de réflexion qui nous semblent relever du bon sens, afin de nous permettre de mieux remplir notre mission de communication sociale de proximité qui, pour nous, constitue un credo. La question est de savoir dans quelles conditions le faire aujourd'hui et demain.

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