II. DEUXIEME PARTIE : LES MUTATIONS TECHNOLOGIQUES ET CULTURELLES DE LA RADIO

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Nous donnerons priorité à ce premier débat lors de la discussion avec la salle une fois que les orateurs de la deuxième table ronde se seront exprimés.

La parole est à M. Rachid Arhab.

M. Rachid ARHAB, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

Tout l'objet du débat est de savoir comment passer du passé au présent et comment aller vers l'avenir. Les données ont été fournies par les uns et les autres et nous allons maintenant pouvoir nous pencher sur les termes du débat.

Si le CSA travaille sur la radio numérique terrestre, c'est pour faire respecter les textes adoptés par le Parlement. Le premier remonte à juillet 2004. La loi relative à l'adaptation des technologies numériques prévoyait déjà la numérisation de la radio.

Puis, un certain nombre de lois comme celles du 5 mars 2007 et du 5 mars 2009 sont venues préciser ce cadre juridique. J'aurais pu également citer des arrêtés dont celui du 22 décembre 2008, par lequel le Premier ministre approuvait le schéma national de réutilisation des fréquences libérées par la diffusion analogique, précisant que le développement de la RNT bénéficierait de la totalité des fréquences libérées par la télévision en bande III.

Certains textes ont été réaménagés concernant la publicité, la RNT ou de nouveaux secteurs.

M. Michel Cacouault évoquait les annonces légales. On peut imaginer qu'avec une donnée associée bien faite, l'annonce légale puisse passer par un petit écran. Des solutions à un certain nombre de problèmes soulevés depuis le début de cette table ronde existent aussi grâce à la RNT.

Après trois consultations publiques dont la première remonte à 2006 et beaucoup d'échanges avec l'ensemble des opérateurs, le CSA a lancé un appel à candidatures en mars 2008. En mai 2009, il a réalisé sa première sélection concernant trois villes importantes : Paris, Marseille et Nice. Les autorisations sont prêtes. En 2010, la radio numérique peut et doit pouvoir démarrer au moins sur ces trois zones. C'est essentiel si l'on veut commencer à régler un certain nombre de problèmes que vous évoquiez. C'est certainement en avançant sur ces trois premières zones que l'on trouvera comment résoudre un certain nombre de problèmes évoqués en ce début d'après-midi.

Non, la RNT n'est pas une lubie ! La preuve : nous avons lancé une mission de déploiement de la RNT en novembre dernier ; depuis, plusieurs groupes de travail se sont réunis au sein du CSA avec l'ensemble des opérateurs. Ces groupes de travail se réunissent à nouveau en janvier et février. Nous ferons alors avec Alain Méar un nouveau grand débriefing, notamment sur les questions de calendrier et de planification de la ressource.

Aujourd'hui, nous avons acquis la conviction que la numérisation de la radio n'est pas seulement une obligation législative mais une urgence si l'on veut définir l'avenir du modèle de la radio. Je suis personnellement un grand consommateur de radio -plus de 3 heures par jour-, au-delà de la moyenne française. On a rappelé ici que les Français font confiance à la radio. Pour l'ancien journaliste que je suis, il est important, dans ce climat de défiance vis-à-vis des médias, d'Internet et de la télévision, que la radio conserve toute sa modernité. Je pense que celle-ci passe notamment par la numérisation.

Un certain nombre d'entre vous sont intimement convaincus que la diffusion terrestre hertzienne sera bientôt dépassée. Si d'autres réseaux se mettaient toutefois à diffuser la RNT, je crains qu'un certain nombre d'opérateurs perdent tout contrôle sur leur ligne éditoriale. S'ils veulent la conserver, elle risque de leur coûter très cher !

Pour le CSA, la diffusion de la radio sur des réseaux 3 G et 4 G est complémentaire de la diffusion numérique hertzienne mais ne peut s'y substituer sans mettre en cause le principe de neutralité technologique auquel nous tenons tous.

Il ne faut pas non plus avoir une vue trop parisianiste de la radio. Il y a en moyenne 20 stations par région. On ne peut donc affirmer que la RNT n'apportera pas une offre supplémentaire au public.

Les Français sont aujourd'hui inégaux devant la radio. Suivant la zone, tout le monde n'a pas accès au même nombre de radios. L'un des objectifs de la RNT est de faire en sorte que l'ensemble de nos concitoyens puisse avoir accès à la même offre. Il s'agit de pluralisme et c'est une chose à laquelle le CSA est particulièrement attaché.

Le CSA n'ignore pas les difficultés économiques que traversent les acteurs de la radio, de même que nous avons entendu les craintes du secteur associatif face à la numérisation. Nous avons réussi, je crois, à rassurer ce dernier et j'espère que nous réussirons à convaincre les autres opérateurs de radio que la numérisation ne comporte pas que des surcoûts et des problèmes économiques.

Ces difficultés économiques tiennent essentiellement à la question de la double diffusion durant un certain laps de temps. Il va falloir, si l'on veut réduire les coûts, parler réellement de l'extinction de l'analogique. Au moment où nous sommes en train de réussir la numérisation de la télévision, nous mettrions de côté celle de la radio ? Ce sera sans moi !

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Un certain nombre de questions ont fait l'objet de l'étude que le Premier ministre a confié à M. Marc Tessier, qui a été rendue au mois de novembre dernier. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

M. Marc TESSIER, président de Video Futur Entertainment Group et auteur d'un rapport sur la radio numérique terrestre

Cette étude nous a amenés à étudier l'ensemble du projet de RNT, un nombre important d'opérateurs ayant fait connaître leurs doutes sur sa viabilité économique. C'est à ce titre que nous avons examiné dans quelle mesure on pouvait trouver des solutions aux problèmes évoqués par la plupart d'entre eux.

Le monde dans lequel va se développer le projet de RNT change à une vitesse incroyable. Etant à l'origine de la TNT, j'étais loin de penser qu'en 2010, sur la simple région parisienne, plus d'un tiers des téléspectateurs recevraient la télévision par connexion ADSL. En 2011, la réception terrestre sera probablement de l'ordre de 50 %, l'ADSL représentant alors un pourcentage de l'ordre de 30 à 40 %.

Ces changements induisent pour les opérateurs de radio des opportunités nouvelles que nous avons souhaité souligner. Elles signifient aussi des pratiques nouvelles pour les auditeurs, qui auraient dû être prises en compte dans les perspectives commerciales. On peut s'interroger sur l'intérêt de ces pratiques nouvelles, notamment dans le domaine de la radio, et sur leur opportunité mais on ne peut éviter d'en tenir compte dans les perspectives économiques et financières.

Par ailleurs, un tel projet n'est pas simplement d'ordre technique, administratif ou économique. Il faut vendre la RNT si l'on veut qu'elle réussisse et que les équipements correspondants soient à la hauteur de l'attente des auditeurs.

Les Anglais ont changé plusieurs fois d'option en cours de développement et le nombre de récepteurs numériques vendus en Angleterre paraît important : 2,5 millions en deux ans. Toutefois, à ce rythme, il nous faudrait plus de dix ans pour basculer de l'analogique au numérique ! Il doit être conduit de manière plus dynamique. Il faut également que les industriels se mobilisent davantage. Des terminaux nouveaux sont nécessaires et le marketing doit être extrêmement fort. Or, nous n'avons pas trouvé cette volonté chez les partenaires et ceci nous a préoccupé. C'est un message que j'adresse ici : je pense que les opérateurs qui souhaitent développer ce projet doivent s'en préoccuper.

Ce projet nécessite de surcroît une ambition de couverture et la recherche d'une qualité de réception irréprochables. Ceci a un coût. A-t-il été chiffré ? Quel est son rapport face aux ressources actuelles du média radio ? Nos chiffres ne sont peut-être pas bons mais nous avons été frappés de la disproportion entre le coût de l'investissement global sous forme de double exposition et les ressources du secteur. Nous pensons qu'il faut absolument régler ce problème, surtout si, en cours de développement, la concurrence des autres modes de diffusion se révèle importante et conduit à investir encore plus pour assurer le succès.

En troisième lieu, la RNT doit être un lieu d'innovations. Je suis frappé pour avoir travaillé sur la presse, le livre et étant spécialiste de la partie vidéo de la VOD, par le fait que notre monde est aujourd'hui, aux yeux du consommateur final, conduit par l'innovation. Les consommateurs veulent de nouvelles radios ou des radios complètement renouvelées. Ils ont imposé ce rythme à la télévision et ils vont faire de même pour ce qui est du livre et de la presse. Tous les autres médias sont soumis à cette pression fantastique. L'innovation est la clé du succès commercial. Vouloir transposer le mode analogique en mode numérique revient à prendre des risques considérables sur une période de dix ans.

Il faut absolument que le modèle proposé intègre la capacité d'innovation. Le numérique, à la télévision, a permis d'avoir plus de chaînes. La télévision se développe à présent sur les nouveaux supports non terrestres, en lançant de nouvelles formules et en particulier la possibilité de revoir les programmes ex post après leur diffusion. C'est ce qui fait le succès de l'ADSL. C'est un service nouveau. Il y en aura un tous les ans dans le domaine de la télévision.

Je vous adjure donc de trouver un dispositif qui permette l'innovation et pas seulement la transposition de l'analogique vers le numérique, sous peine de connaître un certain nombre de désagréments.

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La parole est à M. Jacques Donat-Bouillud, directeur de la division radio à Télédiffusion de France.

M. Jacques DONAT-BOUILLUD, directeur de la division radio à Télédiffusion de France (TDF)

J'ai senti, à travers les différentes interventions, s'exprimer un consensus sur le passage de la radio au numérique, à la fois pour des raisons de ressources de fréquences FM et d'usage.

La question du tout numérique, pour un opérateur de réseaux, est de savoir si l'on choisit le réseau connecté ou si l'on utilise des émetteurs terrestres. Je rejoins l'argument selon lequel on perd quelque peu sa liberté lorsqu'on s'en remet totalement aux opérateurs 3 G. Ces réseaux 3 G ont-ils la capacité d'écouler tout ou partie de l'audience ? 50 % de l'audience est réalisée en voiture. Sans réseaux « broadcast », la plus grande partie de l'audience se retrouverait sur Orange, SFR, Free, etc.

Nous avons fait trois hypothèses. Dans la première, on est parti de l'idée qu'un peu plus de trente minutes d'audience quotidienne pourrait être basculées sur les réseaux 3 G. Cela ne serait pas pour tout de suite : il faut le temps que le parc se développe et que les habitudes changent.

Seconde hypothèse plus lointaine : sur les trois heures d'audience quotidienne que regroupe aujourd'hui le média radio, on irait jusqu'à une heure sur les réseaux 3 G.

Les coûts d'investissement représenteraient une charge pour les opérateurs mobiles dans le premier cas de 3,7 millions d'euros par an et dans le second, de 6,7 millions d'euros par an. Qui va payer ? Le consommateur ? La radio ? Il faudra bien que quelqu'un s'en charge !

Troisième hypothèse : les opérateurs ne sont pas prêts à investir aussi massivement pour développer les capacités de leur réseau et brident donc l'utilisation de la radio numérique, qui se développe peu sur les réseaux 3 G. Je pense que cette dernière hypothèse est la plus réaliste si l'on se met à la place des opérateurs mobiles. Pour eux, la radio n'est pas aujourd'hui un type d'application qu'ils savent valoriser correctement.

Je pense qu'il n'est pas possible de concevoir la radio selon un mode uniquement connecté et de faire l'impasse sur le broadcast ou alors à des coûts insupportables.

De quels coûts de diffusion s'agit-il ? Pour une desserte d'environ 40 % de la population, une radio FM va payer environ 1 million d'euros contre environ 500 000 euros en numérique, sur la base de la norme retenue par la France le T DMB. Pour une desserte de 70 % de la population, on est pour la FM à un peu plus de 3 millions d'euros et d'un peu moins de 1,5 million d'euros pour la radio numérique. Enfin, si l'on va jusqu'à 85 % de la population, il faut compter environ 6 millions d'euros pour la desserte en FM et environ 3 millions d'euros pour la radio numérique. On est donc en général dans un facteur de un à deux.

La question qui se pose est celle du Simulcast, avec une période extrêmement difficile durant laquelle il faudra supporter les doubles coûts de diffusion.

Nos voisins allemands sont sur le point de lancer leur appel à candidature pour une licence nationale en mode DAB. Ils ont l'intention de livrer les autorisations relativement rapidement, puisqu'ils affichent une mise en service des premiers émetteurs de radio numérique pour fin décembre 2010. Je forme donc le voeu que l'on puisse mettre en fonction les émetteurs numériques des deux côtés de la frontière avant fin 2010 !

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La parole est à M. Emmanuel Boutterin, président du Syndicat national des radios libres.

M. Emmanuel BOUTTERIN, président du Syndicat national des radios libres (SNRL)

M. Jacques Donat-Bouillud nous a donné les clés pour sortir de l'impasse. J'ai été longuement auditionné par M. Marc Tessier et lui ai fait part à plusieurs reprises de mon désaccord sur la façon dont nous nous y prenions pour conduire ce rapport.

Il faut préserver ce média historique qu'est la radio pour le conduire sur la voie de l'avenir, qui est incontestablement la RNT par voie hertzienne.

Le rapport de M. Tessier a été propulsé sur le devant de la scène au détriment de celui de M. Emmanuel Hamelin et l'on peut s'interroger sur les raisons de l'impasse qui a été faite sur ce dernier, notamment dans la presse.

M. Marc Tessier néglige totalement le potentiel que pourrait représenter le mode broadcast pour la radiodiffusion. Notre organisation professionnelle, au-delà même des mandataires qu'elle représente, n'est pas d'accord avec les préconisations de M. Tessier. Nous sommes d'accord pour l'utilisation des réseaux 3 G en complément du développement de certains services mais non pour briser la dynamique qu'offre aujourd'hui un média populaire, universel et gratuit !

En effet, le modèle économique est un peu particulier ; nous sommes attentifs au développement des radios commerciales pour le bon développement de la famille de la radio -dont fait partie le service public- et il est incontestable que les fondamentaux économiques doivent être préservés mais, en début d'année, on a entendu parler de pertes de revenus publicitaires. Or, selon l'étude Yacast sortie le 5 janvier, au dernier trimestre 2009, l'augmentation du volume publicitaire pour la radiodiffusion privée a augmenté de 9,3 %, gommant ainsi les dernières pertes publicitaires brutes.

Au demeurant, les résultats du modèle économique de la radio commerciale ne sont pas si négatifs que cela !

M. Marc Tessier a estimé qu'il était très difficile de lancer la RNT, les industriels et les commercialisateurs des récepteurs étant réticents à s'engager. C'est bien normal, n'ayant pas aujourd'hui de signal d'un récepteur pérenne ! Ceci est bien dû au choix -malheureux selon nous- d'une norme inadéquate pour la radiodiffusion choisie par Mme Christine Albanel, sous l'amicale pression des grands groupes commerciaux ; on peut se demander pourquoi ! Les industriels le savent tout comme nous ! Il s'agit d'une norme de télévision qui est coûteuse en termes de modèle économique et peu souple.

Nous avons depuis longtemps, avec l'association Digital Radio, dont le président est dans la salle, préconisé une norme en bande III, choisie par la quasi-totalité de nos partenaires européens, le DAB +. Ceci explique pourquoi les fabricants de récepteurs sont très réticents à lancer le signal commercial. Le DAB + offre toutes les potentialités et toutes les opportunités, contrairement à la norme technique qui nous est aujourd'hui imposée !

Il faut sortir de cette impasse ensemble. Les 600 opérateurs de catégorie A, tout au moins ceux dans les zones éligibles au multiplexage et à la bande III, sont prêts, financement ou non. Nous avons l'appui du ministre de la culture, qui n'est pas total concernant l'ensemble du surcoût de la radio numérique mais qui peut correspondre à environ 50 % de celui-ci. Nous sommes prêts à faire appel à tous les partenaires possibles. Le service public, dans son orientation 2010-2011, a d'ailleurs déjà budgété les crédits nécessaires à la radiodiffusion numérique. Cela concerne Paris, Marseille et Nice.

Le message est clair. Le déploiement de la radio numérique a démarré. Il manque des coups de tampons sur les conventions des opérateurs qui ont été désignés. Les radios associatives ont été correctement servies, conformément à la volonté du législateur. Nous sommes prêts à nous engager avec des opérateurs commerciaux ou avec le service public. Il faut donner au public le signal de la réussite de la radio numérique, pour la diversité de la radio diffusion dans notre pays et afin de maintenir un modèle de média qui est aussi un choix de société !

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Je cède la parole à M. Pierre Bellanger, président-directeur général de Skyrock.

M. Pierre BELLANGER, président-directeur général de Skyrock

Il est rare d'avoir la chance de participer à deux révolutions : la première celle des radios libres il y a quelques années et la seconde aujourd'hui de la radio par Internet fixe et mobile, la radio IP.

Les radios libres ouvrirent le monde fermé du monopole et multiplièrent l'offre de programmes par dix. La radio IP apporte, à son tour, une nouvelle ouverture mais avec une magnitude sans précédent : l'offre est illimitée.

On peut tirer de la première révolution des enseignements qui s'appliquent à la seconde. Le premier est une leçon d'humilité : le dernier mot appartient aux auditeurs, rien ne se fait sans eux. Ils constituent la première force de la radio. Le second est une leçon d'audace : ce sont les projets les plus enthousiastes et les rêves les plus ambitieux qui finalement s'affirment et remportent la mise. L'audace et l'humilité ne se contredisent pas ici mais se complémentent et c'est ce qui donne le paysage radio d'aujourd'hui : un hybride complexe. Hybride car résultants de plusieurs dynamiques et complexe par l'historique.

Donc pour aborder le futur qui nous attend, il faut se poser la question que veulent et voudront les auditeurs ? On peut répondre déjà : le plus de choix, de liberté, de facilité, d'interactivité et de gratuité. Ensuite, ne pas hésiter à penser loin, à penser un monde où l'accès à l'Internet mobile est généralisé. Enfin, il est probable que nous allons vers un hybride complexe où cohabiteront les différents réseaux de diffusion, les existants comme la FM parce qu'ils existent et les réseaux IP parce qu'ils sont les plus performants à terme.

Ce futur n'est pas si lointain, cette année plus de 60 % des terminaux mobiles qui seront vendus seront des terminaux Internet mobile. C'est une vraie révolution. La radio numérique non IP ou RNT, dans ce contexte, arrive trop en retard, comme si on lançait le compact disc aujourd'hui. C'est du vieux numérique dont la fenêtre de tir est passée.

Les enjeux du monde nouveau dans lequel nous entrons vont nous faire aborder de nouveaux problèmes comme la neutralité des réseaux, probablement une mission utile pour le CSA de demain.

Il faut que la révolution de la radio IP soit prise en compte par les pouvoirs publics, c'est pourquoi, j'en appelle à une nouvelle loi sur la radio pour rénover la réglementation de la radio et sortir de l'impasse actuelle..

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, vice-présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La parole est à M. Bruno Patino, directeur de France Culture.

J'excuse M. Alain Weill, président directeur général de NextRadio TV, qui nous a fait savoir ce matin qu'il avait un empêchement.

M. Bruno PATINO, directeur de France Culture

J'ai moi-même vécu plusieurs révolutions. Ayant été actif dans la révolution numérique, notamment dans le domaine de la presse ces dix ou onze dernières années, j'ai tendance à appliquer un certain nombre de règles avec la conviction absolue que la seule certitude que l'on a est l'incertitude ! Certains d'entre nous connaissent les usages d'aujourd'hui ; on imagine ceux de demain mais personne ne peut savoir avec certitude ce qu'ils seront vraiment.

S'agissant du service public, Radio France veut à la fois continuer à faire de la radio pour tous et être capable de mener à bien ses missions de service public. C'est à l'aune de ces deux volontés qui sont les nôtres que nous agissons sur ce qui se passe aujourd'hui dans le domaine de l'évolution de la radio.

Etre une radio pour tous n'a l'air de rien mais tous les interlocuteurs ont évoqué un paysage de fragmentation générale des usages qui dure depuis plusieurs années. En ce sens, un opérateur comme Radio France doit essayer de coller à tous les usages et à tous les auditeurs et accepter la fragmentation des contenus ainsi que les nouveaux acteurs. Nous sommes aujourd'hui en situation d'oligopole ; avec le numérique et Internet, on va assister à une hyper-offre. C'est ainsi !

Nous voulons également être capables de mener à bien notre mission de service public ; nous voulons pouvoir bénéficier d'une qualité de réception irréprochable, gratuite et universelle. Cela induit un certain nombre de réflexions. Penser que l'on pourra mener ces missions à bien avec un seul type de diffusion est une illusion. Je crois dans le broadcast et je vois mal comment on pourrait éviter de le numériser. Si Radio France a mis dans son contrat d'objectifs et de moyens un budget pour la RNT, c'est bien parce que nous pensons que notre mission doit être d'accompagner la numérisation du broadcast.

La radio sous IP va bien sûr exister également et ce de façon croissante. Je ne suis pas certain que le modèle qui va se développer en voiture ne soit pas in fine la radio sous IP, ce qui ne condamne pas pour autant le modèle du broadcast.

A titre personnel, j'encourage Jean-Luc Hees à prévoir non seulement la RNT dans notre contrat d'objectifs et de moyens mais aussi les autres modes de diffusion. On est là au coeur du débat. Les différents interlocuteurs ont évoqué la neutralité du réseau. C'est un thème central pour les fournisseurs d'accès, les opérateurs téléphoniques et les câblo-opérateurs. On sait que certains opérateurs de réseaux dégradent leur service quand l'individu consomme trop de 3 G. On sait qu'aux Etats-Unis, un certain nombre d'interlocuteurs ont essayé d'empêcher la connexion à Youtube depuis le réseau 3 G parce que cela coûte trop cher en bande. Qui va payer la facture : le consommateur ou l'opérateur ? Nous avons tous un rôle éminent à jouer pour convaincre le régulateur d'intervenir.

Au titre de Radio France, nous essayons aussi, tout en accompagnant la RNT et la numérisation du broadcast, de convaincre l'instance de régulation et le législateur de se pencher sur la question de la neutralité des réseaux, condition sine qua non pour pouvoir continuer à mener à bien notre mission d'universalité, de gratuité et de qualité pour tous.

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