B. DES DÉVELOPPEMENTS POLITIQUES RÉCENTS POSITIFS

Le bon déroulement des récentes élections présidentielles et les premiers pas des nouveaux dirigeants ukrainiens constituent autant de signaux positifs qui laissent à penser que les conditions qui permettront à l'Ukraine d'engager d'indispensables réformes sont enfin réunies.

1. Des élections présidentielles conformes aux standards internationaux

En apparence, les élections présidentielles du début 2010 ont tourné la page de la « Révolution orange ». Elles ont consacré la défaite de ses dirigeants historiques, le Président sortant, M. Viktor Iouchtchenko, qui n'a obtenu que 5,5 % des suffrages au premier tour, et le Premier ministre, Mme Ioulia Tymochenko, battue au second tour par M. Viktor Ianoukovytch, le président du Parti des régions et grand perdant des élections présidentielles de 2004.

Les résultats des élections présidentielles des 17 janvier et 7 février 2010

Le 17 janvier, M. Viktor Ianoukovytch et Mme Ioulia Tymochenko, parmi les 18 candidats qui briguaient les suffrages des électeurs ukrainiens, se sont qualifiés pour le second tour, avec, respectivement, 35,3 % et 25,0 % des suffrages. Les voix se sont assez peu dispersées, les deux candidats présents au second tour représentant 60 % des suffrages du premier tour et les cinq premiers candidats en rassemblant 85 %. Le vote protestataire a été faible, seuls 2,2 % des électeurs ayant déclaré ne soutenir aucun candidat, possibilité ouverte par la législation électorale ukrainienne.

Au second tour, le 7 février, M. Viktor Ianoukovytch l'a emporté, avec un peu moins de 49 % des suffrages, contre Mme Ioulia Tymochenko, qui a obtenu 45,5 %, soit environ 890 000 voix d'avance pour le premier. Environ 4,4 % des électeurs ukrainiens n'ont soutenu aucun candidat (8 % à Kiev), ce qui représente néanmoins plus d'un million d'électeurs, en particulier parmi la jeunesse et les anciens partisans de la « Révolution orange ». La participation a dépassé 69 %, soit deux points de plus qu'au premier tour.

Mme Ioulia Tymochenko l'emporte dans 17 régions, contre 10 pour M. Viktor Ianoukovytch. Toutefois, le poids démographique de ces dernières fait la différence.

La polarisation régionale à l'issue des élections présidentielles de 2010 reste forte, M. Viktor Ianoukovytch étant arrivé en tête dans l'Est et le Sud du pays, tandis que Mme Ioulia Tymochenko a réalisé ses meilleurs résultats à l'Ouest et au Centre. Les écarts de voix entre les deux principaux candidats sont parfois considérables. Ainsi, dans certaines circonscriptions, l'un ou l'autre peut atteindre plus de 80 %, voire 90 % des suffrages. Cependant, cette coupure est, dans l'ensemble, moins prononcée qu'en 2004, M. Ianoukovytch ayant amélioré ses résultats à l'Ouest et perdu des voix à l'Est, et Mme Tymochenko, arrivée parmi les trois premiers candidats dans l'ensemble des régions, obtenant la meilleure assise nationale.

Pourtant, ces élections ont incontestablement constitué un test réussi pour l'Ukraine. Elles ont confirmé l'ancrage démocratique du pays. En cela, elles sont conformes à l'esprit de la « Révolution orange ».

Les élections présidentielles n'ont certes pas été exemptes de reproches.

La campagne électorale, qui a été calme, n'a guère permis de différencier les deux principaux candidats à partir de leurs programmes. La confrontation d'idées a été très limitée, et le candidat Ianoukovytch a refusé de participer à un débat télévisé avec son adversaire entre les deux tours. La campagne a également été marquée par des accusations ad hominem et des discours populistes. Elle a donné lieu à la mobilisation d'importants moyens médiatiques et constitué à cet égard un changement fondamental par rapport aux élections présidentielles précédentes, lorsque l'accès de l'opposition aux grands médias était très difficile. Pour autant, elle n'a guère passionné les citoyens.

Quelques mois avant le scrutin, le processus électoral suscitait de nombreuses interrogations, voire des inquiétudes sur les possibilités de fraudes, engendrées par les lacunes de la législation applicable touchant, par exemple, la formation des commissions électorales locales ou l'élaboration des listes électorales. Des modifications ont d'ailleurs été apportées à la loi électorale de façon permanente, y compris quelques jours avant chacun des deux tours.

Les observateurs internationaux présents sur place (5 ( * )) ont considéré que les élections présidentielles s'étaient bien déroulées. Si des violations de la loi électorale ont pu être établies, elles n'ont pas été de nature à remettre en cause la sincérité du scrutin.

Dans un communiqué de presse, la mission internationale d'observation des élections a ainsi estimé que « le premier tour de l'élection présidentielle en Ukraine a été d'une grande qualité, a montré de nets progrès par rapport au scrutin précédent et a respecté la plupart des normes de l'OSCE et du Conseil de l'Europe [...] . Les observateurs ont constaté que l'élection a respecté les droits civils et politiques et a offert aux électeurs un réel choix entre des candidats représentant les divers courants politiques. Les candidats ont pu librement faire campagne, et celle-ci a été, dans l'ensemble, calme et ordonnée ».

Les observateurs internationaux n'en ont pas moins relevé des difficultés et des sources d'inquiétudes, en particulier le manque de stabilité de la législation électorale, « la place de l'argent et des oligarchies dans la vie politique en Ukraine en général et dans le processus électoral notamment », ou encore « le manque de transparence lié à l'actionnariat des médias ».

La mission internationale d'observation des élections a confirmé ses conclusions à l'occasion du second tour : « Le deuxième tour de l'élection présidentielle en Ukraine a confirmé l'évaluation de la mission d'observation internationale, selon laquelle le processus électoral a respecté la plupart des engagements pris auprès de l'OSCE et du Conseil de l'Europe ».

Au total, les élections présidentielles de 2010 se sont révélées réellement démocratiques et ont permis de confirmer la maturité politique des Ukrainiens.

Par ailleurs, la campagne a été l'occasion de voir émerger de nouvelles figures politiques, plus jeunes, qui permettent d'envisager un renouvellement du personnel politique ukrainien, en particulier M. Serhii Tihipko, ancien ministre et ancien proche de M. Viktor Ianoukovytch, qui a obtenu 13,0 % des suffrages, arrivant en troisième position, et M. Arsenyi Yatseniouk, qui, à 35 ans, a occupé les fonctions de vice-président de la Banque centrale, ministre de l'économie, ministre des affaires étrangères et président du parlement, et qui occupe la quatrième place, avec près de 7 % des voix.

* (5) La mission internationale d'observation des élections comprenait des délégations de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, du Parlement européen et de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Était par ailleurs présente une mission d'observation des élections du Bureau européen des institutions démocratiques et des droits de l'Homme (BIDDH) de l'OSCE.

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