C. SUR LE PLAN POLITICO-ÉCONOMIQUE : DEUX DÉMARCHES QUI SE HEURTENT AUX MÊMES OBSTACLES

Sur le terrain, mutualisation et intercommunalité se heurtent aux mêmes contraintes que l'on peut rapidement présenter sous deux catégories.

1. Les contraintes financières

Dans son « Bilan d'étape de l'intercommunalité en France » publié en 2005, la Cour des comptes écrivait : « le développement de l'intercommunalité à fiscalité propre n'a pas provoqué les économies d'échelle que l'on pouvait en attendre ». Et pour cause : ce constat sous forme de regret correspond à une vision purement arithmétique qui n'est pas celle de nombre de promoteurs de l'intercommunalité, dans les rangs desquels se situent vos rapporteurs.

Pour eux, la finalité de l'intercommunalité et de la mutualisation n'est pas, en soi, de générer des économies, mais d'abord -et sans forcément que ceci empêche cela- de dégager les marges de manoeuvre pour améliorer des prestations, pour en mettre en place, voire pour continuer à assurer celles qui seraient menacées par une évolution défavorable des finances publiques locales (tendance de long terme à une augmentation des dépenses et à une stagnation des ressources).

Dans son rapport précité, M. le député Hervé Mariton portait sur l'intercommunalité un jugement que vos rapporteurs partagent et qu'ils estiment en outre tout à fait transposable à la mutualisation : « dans la mesure où le service public offert dans le cadre intercommunal n'était pas offert antérieurement par les communes isolées, la création d'un groupement ne peut pas induire une substitution entre la dépense communale et la dépense intercommunale et donc a fortiori une baisse du taux cumulé d'imposition ».

A cet égard, une distinction doit être faite entre le court et le moyen termes :

- l'intercommunalité et la mutualisation sont généralement génératrices de coûts supplémentaires à court terme. Il en va notamment ainsi pour les dépenses de personnel : même effectuée à effectifs globaux (communes + EPCI) constants, la création d'une intercommunalité ou une mutualisation s'effectue au moins dans le respect des droits acquis et, souvent, en donnant lieu à un alignement par le haut des régimes indemnitaires. Le législateur lui-même a, par exemple, exigé que, en cas de transfert de services dans le cadre d'un EPCI, les agents concernés « conservent, s'ils y ont intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui leur était applicable ». Une telle situation n'a d'ailleurs rien de choquant, tant au regard des principes fondamentaux du droit de la fonction publique qu'au regard de l'équité ;

- à plus long terme, toutes deux sont synonymes d'amélioration de l'action publique locale, grâce aux redéploiements des marges de manoeuvre dégagées : ce qui était auparavant fait par 10 employés au sein de services séparés le sera par 6 au sein d'un service commun et les 4 postes « économisés » seront utilisés pour de nouvelles prestations. Des illustrations en ont été données à vos rapporteurs lors de leurs auditions. C'est ainsi que les économies d'échelle obtenues par la mutualisation des services entre la Communauté d'agglomération de Mulhouse et la ville centre (cf. annexe n° 4) ont permis de renforcer plusieurs services (périscolaire, transports...).

De surcroît, quand bien même serait réalisé, en sus de l'amélioration des services, un gain financier, cette « cagnotte » n'irait pas forcément dans la poche des collectivités : dans son bilan précité sur l'intercommunalité, réalisé en 2005, la Cour des comptes cite ainsi le cas d'une mutualisation au sein de la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées dont les bénéfices ont notamment permis de baisser de 12,6 % le prix unitaire du repas de cantine. Il apparaît donc que le citoyen-consommateur peut, au final, récupérer peu ou prou l'augmentation subie par le citoyen-contribuable pour bénéficier de prestations meilleures.

Une approche purement comptable, qui consisterait à comparer les économies réalisées à moyen terme avec les coûts de mise en place, n'a pas donc pas de signification : les économies d'échelle que permettraient, mutatis mutandis, l'intercommunalité et la mutualisation étant transformées en services nouveaux ou améliorés, l'appréciation de la « rentabilité de l'investissement » ne peut se mesurer uniquement en termes financiers. De plus, le succès d'une mutualisation comme d'une entreprise d'intercommunalité réside aussi, en partie, dans leurs vertus péréquatrices ; mais celles-ci ne se mesurent pas en termes exclusivement financiers : en réalisant des services dans des communes qui n'ont pas les moyens de les financer, la mutualisation et l'intercommunalité opèrent une forme de péréquation qualitative, difficile à faire figurer dans un bilan comptable.

La comparaison, si comparaison financière il doit y avoir, doit en réalité porter sur les coûts auxquels devraient faire face les collectivités publiques pour assurer ces services nouveaux ou pour continuer à assurer les services existants en menant des actions séparées. Ce coût, à n'en pas douter, est largement supérieur à celui résultant d'une action commune. La différence est telle que, bien souvent (et ce fait n'est pas sérieusement contesté), l'accomplissement (création ou maintien) des services en question serait purement et simplement impossible dans le cloisonnement.

Réelle au moment de l'initiative mais purement optique à moyen terme, la contrainte financière n'en reste pas moins un obstacle auquel se heurtent tant la mutualisation que l'intercommunalité.

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