N° 557

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur l' ingénierie publique ,

Par M. Yves DAUDIGNY,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Alain Lambert, président ; MM. Dominique Braye, Philippe Dallier, Yves Krattinger, Hervé Maurey, Jacques Mézard, Jean-Claude Peyronnet, Bruno Sido, Jean-François Voguet, v ice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, secrétaires ; M. Jean-Michel Baylet, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot , Claude Bérit-Débat, Pierre Bernard-Reymond, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Gérard Collomb, Jean-Patrick Courtois, Yves Daudigny, Yves Détraigne, Éric Doligé, Mme Jacqueline Gourault, MM. Didier Guillaume, Pierre Hérisson, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Claude Jeannerot, Antoine Lefèvre, Roland du Luart, Jean-Jacques Mirassou, Rémy Pointereau, François Rebsamen, Bruno Retailleau, René Vestri, Mme Dominique Voynet .

3INTRODUCTION

Les collectivités territoriales : moteurs d'une nouvelle ingénierie publique

Ce rapport s'adresse aux élus des plus de 30 000 communes ou groupements de communes de France qui n'ont pas la capacité d'organiser leurs propres services d'ingénierie. Il aurait pu s'intituler « chronique d'une mort annoncée de l'ingénierie publique d'Etat »...

C'était le vieux monde. Les plus anciens des élus en sont, à tort ou à raison, nostalgiques. Dans ce temps, les services publics irriguaient les campagnes. Le maire bénéficiait du premier conseil et de l'expertise de l'ingénieur de subdivision de la devenue mythique DDE (direction départementale de l'équipement). Les discussions techniques se déroulaient souvent dans un climat cordial. Les dossiers étaient préparés et les chantiers étaient suivis à des coûts adaptés aux moyens des petites communes. La direction départementale de l'agriculture pour sa part accompagnait les programmes d'amélioration des réseaux de distribution d'eau potable de la conception des travaux aux contrôles des factures, elle garantissait le sérieux des projets dans le respect des normes du moment. Ce monde semblait immuable, être un aboutissement. Qui aurait pu imaginer un seul instant qu'il n'existerait plus un jour en France de ministère de l'équipement, ni même simplement de direction des routes ?

Mais des forces se sont mises en mouvement. L'Europe et ses directives dont le rôle fut peut-être moins exclusif que je ne l'imaginais au début de ce travail, la remise en cause des conditions d'exercice de l'ingénierie publique par la Cour des comptes posant de fait la question de la légitimité même de celle-ci, les affirmations par l'ingénierie privée d'une concurrence déloyale, l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'Etat. L'ingénierie publique déjà redéfinie s'inscrivait alors dans le cadre des marchés publics mais elle était toujours présente. De nouvelles décisions d'Etat fondées elles essentiellement sur des considérations financières, à travers la première étape de la révision générale des politiques publiques (RGPP), allaient apporter le coup de grâce : au 1 er janvier 2012, les services de l'Etat n'exerceront plus aucune mission de type assistance à maîtrise d'ouvrage ou maîtrise d'oeuvre en dehors du conseil apporté dans le cadre de l'assistance technique fournie par l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT).

Cassure brutale vers un monde nouveau. La notion de concurrence devient la référence absolue. Le vide soudain autour de beaucoup d'élus. « Je me suis senti abandonné. Vouloir rompre le contrat signé en 2006 et m'avertir soudainement, alors que nous sommes à la phase d'élaboration du dossier nécessaire à la mise en concurrence me désempare » écrit le maire d'une commune de l'Aisne.

Pourtant la multiplication des lois et normes, la complexification technique et juridique des dossiers, la prise en compte des orientations de développement durable, la nécessité de projets qui abordent les aspects de gestion et de maintenance exigent une ingénierie de plus en plus performante, seule garante d'une bonne élaboration des dossiers et d'une exécution de travaux de qualité. Sont perceptibles les dangers de prestations intellectuelles qui ne seraient soumises qu'à la seule loi de la concurrence sans aucune référence à des missions de service public, les dangers de la perte de connaissance du terrain local. Apparaît vite la difficulté de trouver un modèle économique viable pour des prestations en direction de petites communes dans des territoires peu denses. Apparaît, à un autre niveau, le danger de perte de compétences de l'Etat dans notre pays d'ingénierie publique et où ont émergé de grands groupes mondiaux privés de travaux publics.

Plusieurs recommandations sont formulées. Deux d'entre elles reposent sur l'appréciation du département comme niveau souvent le plus pertinent pour l'organisation d'une nouvelle ingénierie publique, à coté de celle déjà existante dans les villes ou agglomérations. Ce constat n'est pas sans intérêt au moment d'une nouvelle définition du rôle des collectivités territoriales.

Cependant si l'ingénierie publique de demain appartiendra aux collectivités territoriales ou disparaîtra totalement, le rôle de l'Etat, à travers son réseau scientifique et technique, demeurera indispensable et déterminant. L'Etat prestataire s'éteint progressivement quand s'affirment ses missions d'impulsion, d'animation, de contrôle. La mission d'Etat expert , dans un contexte d'ouverture aux collectivités, est un fondement indispensable pour cette nouvelle ingénierie publique que les élus espèrent et attendent à côté de l'ingénierie privée.

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