PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Recommandation n° 1 : Votre rapporteur souhaiterait que toutes les directions départementales des territoires (DDT) puissent présenter leur plan de redéploiement des capacités d'ingénierie publique de façon systématique à leurs personnels et aux collectivités territoriales concernées. Il lui paraîtrait également utile que ces plans soient harmonisés , en tenant compte de la spécificité des territoires, afin que l'unité de l'ingénierie publique qui a fait sa force soit préservée.

Recommandation n° 2 : Votre rapporteur suggère que les conseils généraux qui en font la demande soient autorisés à expérimenter la prise en charge, dans le domaine de l'ingénierie publique, de la mission de solidarité et d'aménagement du territoire au profit de communes ou d'établissements publics de coopération intercommunale volontaires . Les conditions d'exercice de cette mission de solidarité seraient déterminées par une convention signée entre le conseil général et les communes ou groupements concernés. Cette convention préciserait les modalités de rémunération de cette « ATESAT décentralisée » 1 ( * ) . Les critères d'éligibilité devraient être revus afin que lorsqu'une solution intercommunale doit être recherchée pour un meilleur résultat en ingénierie publique, les seuils d'éligibilité des groupements de communes n'empêchent pas la réalisation du projet.

Recommandation n° 3 : Votre rapporteur recommande que les expérimentations en cours, visant à permettre l'exercice par les collectivités territoriales, dans le cadre départemental notamment, d'une nouvelle forme d'ingénierie publique territoriale soient soutenues. Il s'agit de permettre l'exercice d'une mission de service public , par des collectivités territoriales et pour elles seules, sans mise en concurrence mais dans le strict respect des règles communautaires . Enfin, votre rapporteur suggère la mise en place d'un réseau des agences techniques départementales et autres formes d'ingénierie publique territoriale afin que les bonnes pratiques puissent être recensées.

Recommandation n° 4 : Votre rapporteur note que l'initiative de la création de l'IDRRIM 2 ( * ) est porteuse d'une amélioration immédiate de la gouvernance du RST 3 ( * ) . Les CoTITA 4 ( * ) semblent également être des instances efficaces et prometteuses . Il serait sans doute souhaitable de poursuivre dans ces voies , et de les approfondir avant de développer de nouvelles initiatives. Votre rapporteur propose donc de privilégier ces formes d'association des collectivités territoriales au RST.

Recommandation n° 5 : Votre rapporteur souhaite que toute diligence soit faite afin de clarifier le code des marchés publics et son application pour que les collectivités territoriales puissent librement choisir les prestataires les mieux-disants lorsqu'elles le souhaitent. Les critères permettant le choix du mieux-disant pourraient être élargis. Par ailleurs, les collectivités territoriales se regroupent pour passer un marché à bons de commande . Si ce type de procédure semble particulièrement adapté à la voirie ou à l'entretien de réseaux d'assainissement, il paraît plus difficile à mettre en oeuvre dans d'autres domaines. Là encore un effort d'information des collectivités territoriales et de simplification de la législation pourrait être mené.

I. LA REMISE EN CAUSE DE L'INGÉNIERIE PUBLIQUE

La définition première de l'ingénierie recouvre « l'ensemble des plans et des études qui permettent de déterminer, pour la réalisation d'un ouvrage ou d'un projet d'investissement , les tendances les plus souhaitables, les modalités de conception les meilleures, les conditions de rentabilité optimales, les matériels et les procédés les plus adaptés » 5 ( * ) .

Le terme d'ingénierie est vaste et regroupe concrètement le champ de la maîtrise d'ouvrage (assistance à maîtrise d'ouvrage, conseil en amont, conduite d'opérations), le champ des études générales (diagnostic, analyse, dessins), pour aller jusqu'à la maîtrise d'oeuvre (direction de la maîtrise d'oeuvre, conduite des chantiers, réalisation des travaux, contrôle de l'exécution des travaux).

L'ingénierie, phase essentielle de l'acte de construire, est dite publique lorsqu'elle est réalisée par une collectivité publique . Cette définition est déjà le signe d'une profonde évolution. L'ingénierie publique était, jusqu'à une date relativement récente, exercée de façon quasi exclusive par l'Etat .

A. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE L'INGÉNIERIE PUBLIQUE

1. Une tradition ancienne et protéiforme

L'ingénierie publique est une spécificité française , qui explique en grande partie pourquoi les grands groupes internationaux de BTP 6 ( * ) sont français, mais aussi pourquoi les équipements et les infrastructures français sont aussi développés.

Les infrastructures nationales et locales ont été réalisées grâce à l'ingénierie publique, qui émanait essentiellement du corps de l'Etat des ingénieurs des ponts et chaussées. Rappelons que toutes les routes « modernes », dites de troisième génération 7 ( * ) , ainsi que les voies navigables sont issues de l'ingénierie publique. En revanche des équipements ferrés ont été réalisés plus tardivement au XIX e siècle par des acteurs privés.

L'origine des prestations de services que l'Etat réalise au profit d'autres collectivités publiques et notamment au bénéfice des collectivités territoriales remonte au décret du 5 fructidor an XII 8 ( * ) sur l'organisation du corps des ingénieurs des ponts et chaussées.

Les départements et les communes disposaient également d'un service de l'Etat, le service vicinal , dépendant du ministère de l'intérieur qui réalisait pour leur compte les missions d'ingénierie publique. La fusion du service vicinal et du service des ponts et chaussées, en 1940, a, par la suite, donné naissance à un service relevant du ministère des travaux publics, puis du ministère de l'équipement, découpé en directions départementales de l'équipement, les fameuses DDE.

Les fonctionnaires des services de l'équipement et des services de l'agriculture concourent ainsi depuis longtemps à l'accomplissement des missions des collectivités territoriales. Ils aident les élus dans le cadre d'opérations très diversifiées telles que : la conception des travaux, la gestion de services , les études , la maîtrise d'ouvrage , le conseil et l'assistance , la maîtrise d'ouvrage déléguée , l'organisation administrative des marchés publics en conformité avec la loi, l'aide à la sélection des entreprises, le montage des dossiers de subventions , la maîtrise d'oeuvre, la conduite d'opérations d'investissement ou encore le contrôle des factures et du règlement des subventions.

Rappelons qu'en leur sein, les collectivités territoriales ont également développé des compétences fortes dans ces secteurs, grâce à leurs propres personnels, et ont agi aussi sur l'aménagement de leur territoire. On retrouve aujourd'hui cette excellence , basée sur une profonde diversité des parcours et un très fort investissement des personnels auprès des élus locaux , au sein de la fonction publique territoriale .


* 1 L'ATESAT est l'assistance technique de l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire.

* 2 Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité.

* 3 Réseau scientifique et technique.

* 4 Conférence technique interdépartementale sur les transports et l'aménagement.

* 5 Définition du dictionnaire Larousse.

* 6 Bâtiments et travaux publics.

* 7 La France s'équipe actuellement de routes de cinquième génération.

* 8 Soit le 23 août 1804.

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