Annexe 3 : La distinction entre maître d'ouvrage, maître d'oeuvre et l'assistance à maîtrise d'ouvrage : la loi MOP

I. Base juridique de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre publiques

Succédant à la réglementation de 1973, la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, dite loi MOP, a été instaurée pour clarifier les missions de chaque intervenant en la matière selon trois objectifs :

- donner à la maîtrise d'ouvrage publique un véritable statut en la définissant de manière extensive et en énumérant ses principales attributions ;

- fixer le cadre juridique du mandat de maîtrise d'ouvrage publique ;

- et définir la mission de maîtrise d'oeuvre que le maître de l'ouvrage peut confier à une personne de droit privé ou à un groupement de personnes de droit privé en énumérant les éléments de conception et d'assistance qui relèvent de cette mission 46 ( * ) .

Plusieurs modifications ont été successivement apportées à la loi.

Elle a été modifiée une première fois par la loi n° 88-1090 du 1 er décembre 1988, en ce qui concerne son champ d'application et le contenu de la mission de maîtrise d'oeuvre .

Une deuxième modification a été introduite par loi n° 91-662 du 13 juillet 1991, visant à exclure de son champ d'application certains ouvrages construits par les organismes énumérés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation.

Enfin, elle a été une troisième fois modifiée par l'ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 47 ( * ) , pour la mettre en adéquation avec le droit communautaire par rapport à la délégation de la maîtrise d'ouvrage à un mandataire et pour l'adapter à des situations complexes comme la construction d'ouvrages par plusieurs maîtres d'ouvrage .

En outre, cette loi MOP a fait l'objet de précisions au sein de plusieurs décrets d'application. Une première série de cinq décrets datés du 14 mars 1986 a d'abord été prise, complétée par trois décrets en date du 29 novembre 1993.

On retrouve alors les textes réglementaires suivants :

- décret n° 86-453 du 14 mars 1986 modifiant le code des marchés publics relatif aux conditions de passation des marchés de maîtrise d'oeuvre ;

- décret n° 86-520 du 14 mars 1986 pris pour l'application de l'article 1 er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

- décret n° 86-664 du 14 mars 1986 déterminant les conditions dans lesquelles les personnes morales visées à l'article 6-b de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée peuvent assurer la conduite d'opérations ;

- décret n° 86-665 du 14 mars 1986 déterminant les conditions dans lesquelles les personnes morales visées à l'article 6 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée peuvent continuer d'assurer la conduite d'opérations ;

- décret n° 86-666 du 14 mars 1986 fixant les règles d'organisation de la négociation des accords prévus par la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

- décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

- décret n° 93-1269 du 29 novembre 1993 relatif aux concours d'architecture et d'ingénierie organisés par les maîtres d'ouvrage publics ;

- et décret n° 93-1270 du 29 novembre 1993 portant application du I de l'article 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, qui a été explicité dans un arrêté du 21 décembre 1993 48 ( * ) .

La loi MOP et ses mesures d'application distinguent le maître d'ouvrage (MOA), le maître d'oeuvre (MOE) et les assistants à maîtrise d'ouvrage (AMO).

II. Le maître d'ouvrage (MOA)

A. La notion de maître d'ouvrage

La loi MOP ne donne pas de définition synthétique de la notion juridique de maîtrise d'ouvrage publique. Celle-ci résulte en fait de la combinaison de son article 1 er (qui liste les personnes auxquelles la loi MOP s'applique lorsqu'elles construisent, en qualité de maîtres d'ouvrage, certains ouvrages) et de son article 2 (qui donne une définition du rôle de maître d'ouvrage).

Ainsi, l'article 2 prévoit que : « le maître de l'ouvrage est la personne morale, mentionnée à l'article premier, pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre ».

Cette définition de la maîtrise d'ouvrage est par ailleurs identique à celle retenue dans le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG-Travaux 49 ( * ) ) qui considère le maître de l'ouvrage comme le pouvoir adjudicateur pour le compte duquel les travaux sont exécutés . Autrement dit, d'un point de vue générique le maître d'ouvrage est la personne qui commande les travaux .

Par ailleurs, en vertu de l'article 1 er de la loi MOP, ses dispositions sont applicables à tous les ouvrages de bâtiment ou d'infrastructure ainsi qu'aux équipements industriels destinés à leur exploitation dont les maîtres d'ouvrage sont :

- l'Etat et ses établissements publics ;

- les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics d'aménagement de ville nouvelle créés en application de l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes visés à l'article L. 166-1 du code des communes (soit l'article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales) ;

- les organismes privés mentionnés à l'article L. 64 du code de la sécurité sociale, ainsi que leurs unions ou fédérations ;

- et les organismes privés d'habitation à loyer modéré, mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les sociétés d'économie mixte, pour les logements à usage locatif aidés par l'Etat et réalisés par ces organismes et sociétés.

Dans ce cadre-là, l'ordonnance du 17 juin 2004 a conduit à des modifications de la loi MOP pour répondre à deux cas particuliers de délégation de maîtrise d'ouvrage :

- celui où les travaux relèvent de plusieurs maîtres d'ouvrage. Dans ce cas, l'article 2-II de la loi MOP modifiée indique que: « lorsque la réalisation, la réutilisation ou la réhabilitation d'un ouvrage ou d'un ensemble d'ouvrages relèvent simultanément de la compétence de plusieurs maîtres d'ouvrages, ces derniers peuvent désigner, par convention, celui d'entre eux qui assurera la maîtrise de l'opération. Cette convention précise les conditions d'organisation de la maîtrise d'ouvrage exercée et en fixe le terme ». Ce nouveau dispositif met en place une véritable délégation de maîtrise d'ouvrage au profit d'un seul qui sera chargé de la passation des marchés afférents à la réalisation de l'ouvrage ;

- et celui où les travaux relèvent d'un établissement public de l'Etat. L'article 2-III de la loi permet à l'Etat, lorsqu'il confie à l'un de ses établissements publics la réalisation d'ouvrages ou de programmes d'investissement, la possibilité de décider que cet établissement exercera la totalité des attributions de la maîtrise d'ouvrage . Il s'agit là encore d'une délégation de maîtrise d'ouvrage de l'Etat au profit d'un de ses établissements publics.

B. Les fonctions du maître d'ouvrage

L'article 2 de la loi MOP fixe l'ensemble des attributions relevant du MOA . Avant le début des travaux, le MOA doit s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée. Ensuite il lui appartient :

- d'en déterminer la localisation,

- d'en définir le programme,

- d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle,

- d'en assurer le financement,

- et de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d'oeuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l'exécution des travaux.

Plus particulièrement, le programme doit contenir : les objectifs de l'opération et les besoins qu'elle doit satisfaire, ainsi que les contraintes et exigences de qualité sociale, urbanistique, architecturale, fonctionnelle, technique et économique, d'insertion dans le paysage et de protection de l'environnement, relatives à la réalisation et à l'utilisation de l'ouvrage.

Enfin, il est permis au maître d'ouvrage de confier les études nécessaires à l'élaboration du programme et à la détermination de l'enveloppe financière prévisionnelle à une personne publique ou privée. Le recours à un « programmiste » entre dans la catégorie des métiers d'assistance à la maîtrise d'ouvrage .

III. L'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO)

Evoqué à l'article 2 de la loi MOP pour le recours à un programmiste, le recours à une assistance par le maître d'ouvrage est véritablement envisagé à l'article 6 de cette même loi qui dispose que : « le maître de l'ouvrage peut recourir à l'intervention d'un conducteur d'opération pour une assistance générale à caractère administratif, financier et technique ».

Le maître d'ouvrage peut avoir recours à un assistant qui l'aide à mettre en oeuvre l'opération au niveau administratif, en lui fournissant une assistance juridique notamment pour la passation des contrats ou les demandes d'autorisations éventuelles, au niveau financier (contraction d'un prêt) et au niveau technique (bureau d'étude en génie civil). Si l'assistance porte sur ces trois domaines on parle de « conducteur d'opération », mais elle peut porter sur un seul ou deux de ces domaines et on parlera de simple assistance à maîtrise d'ouvrage .

Au-delà de la loi MOP, l'assistance à maîtrise d'ouvrage doit se comprendre comme l'intervention de tout spécialiste visant à aider le maître d'ouvrage à la conduite du projet . Cette fonction ne doit en aucun cas être confondue avec une délégation de la maîtrise d'ouvrage à un mandataire qui assurera la maîtrise d'ouvrage en lieu et place de la personne pour le compte de laquelle l'ouvrage est réalisé. En toute hypothèse, l'assistant à maîtrise d'ouvrage, qui peut être une personne privée ou publique, est lié au maître d'ouvrage par un contrat écrit (article 6 de la loi MOP) qui constitue un marché public de prestation de service .

Enfin, la mission de conduite d'opération exercée par une personne publique ou privée est incompatible avec toute mission de maîtrise d'oeuvre, de réalisation de travaux ou de contrôle technique portant sur le ou les mêmes ouvrages, exercée par cette personne directement ou par une entreprise (article 6 de la loi MOP).

IV. Le maître d'oeuvre (MOE)

La notion de maître d'oeuvre privé (objet de la loi MOP) ne peut être appréhendée qu'en reprenant la multiplicité des définitions légales et réglementaires existantes.

Premièrement, l'article 7 de la loi modifiée du 12 juillet 1985, dite loi MOP, donne pour définition de la maîtrise d'oeuvre la mission « que le maître de l'ouvrage peut confier à une personne de droit privé ou à un groupement de personnes de droit privé » afin « d'apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme » défini par le maître de l'ouvrage.

Dans ce cadre, cet article 7 prévoit que « le maître de l'ouvrage peut confier au maître d'oeuvre tout ou partie des éléments de conception et d'assistance suivants :

1) les études d'esquisse ;

2) les études d'avant-projet ;

3) les études de projet ;

4) l'assistance apportée au maître de l'ouvrage pour la passation du contrat de travaux ;

5) les études d'exécution ou l'examen de la conformité au projet et le visa de celles qui ont été faites par l'entrepreneur ;

6) la direction de l'exécution du contrat de travaux ;

7) l'ordonnancement, le pilotage et la coordination du chantier ;

8) l'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement ».

Deuxièmement, l'article 74-I du code des marchés publics relatif au marché public de maîtrise d'oeuvre en donne une définition en lien avec la loi MOP. Il est ainsi indiqué que « les marchés de maîtrise d'oeuvre ont pour objet, en vue de la réalisation d'un ouvrage ou d'un projet urbain ou paysager, l'exécution d'un ou plusieurs éléments de mission définis par l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée et par le décret du 29 novembre 1993 pris pour son application ».

Troisièmement, selon l'article 2 du nouveau cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux publics, le maître d'oeuvre est « la personne physique ou morale, publique ou privée, qui , en raison de sa compétence technique , est chargée par le maître de l'ouvrage ou son mandataire, afin d'assurer la conformité architecturale, technique et économique de la réalisation du projet objet du marché , de diriger l'exécution des marchés de travaux, de lui proposer leur règlement et de l'assister lors des opérations de réception ainsi que pendant la période de garantie de parfait achèvement ».

Eu égard à ces trois définitions, le maître d'oeuvre a donc pour mission de concevoir, de coordonner et de contrôler la bonne exécution des travaux .

Cette mission est assurée en deux temps. Avant la réalisation des travaux, le maître d'oeuvre remplit une mission de « conception de l'ouvrage » tandis que pendant et après la réalisation des travaux, il remplit une mission « d'assistance » au maître de l'ouvrage qui consiste à coordonner et à surveiller le bon déroulement du chantier mais aussi à conseiller le maître d'ouvrage et à s'assurer du parfait achèvement des ouvrages.

Ces missions sont confiées, en tout ou partie, à un ou plusieurs maîtres d'oeuvres, par un contrat qui constitue un marché public de service. En toutes circonstances, ces fonctions doivent être distinctes, de celles assumées, pour la même construction, par le maître de l'ouvrage et par l'entrepreneur .


* 46 Droit de la Construction, Dalloz Action, Dossier 380 : Maîtrise d'ouvrage publique généralités, Jean-Pierre Jouguelet, 2007.

* 47 Ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 portant modification de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, JO 19 juin, p. 11020.

* 48 A. 21 déc. 1993, JO 13 janv. 1994, p. 713.

* 49 Dans sa version de 2009, d'ailleurs identique en terme de définition de la maîtrise d'ouvrage à la version de 1976.

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