B. LES CAUSES DE L'ÉVOLUTION DE L'INGÉNIERIE PUBLIQUE

1. La remise en cause des conditions d'exercice de l'ingénierie publique par la Cour des comptes

Avec l'introduction de l'ordonnance du 1 er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence dans le code du commerce, traduite dans son article L. 410-1 soumettant aux règles de la concurrence les activités de production, de distribution et de services des personnes publiques, les remises en cause de l'ingénierie publique ont été de plus en plus nombreuses. Dès 1997, le rapport Santel 11 ( * ) préconise la mutation de la maîtrise d'ouvrage publique .

La Cour des comptes, dans son rapport de 2000, intitulé La fonction publique de l'Etat, va dans le même sens. Le chapitre qu'elle consacre aux rémunérations accessoires des fonctionnaires des ministères de l'équipement et de l'agriculture est relativement critique.

Les magistrats constatent que les services de l'équipement et de l'agriculture sont souvent en situation de concurrence entre eux et que les projets de rationalisation de leurs interventions respectives n'ont pas abouti. Le poids des rémunérations accessoires , qui constituent un complément de traitement substantiel pour certains fonctionnaires, est jugé excessif . D'autant que leur évolution, plus dynamique que celle des traitements, a conduit ces rémunérations accessoires à représenter, tant en valeur absolue qu'en pourcentage du revenu global, un avantage au bénéfice des corps techniques, au détriment de leurs collègues dits « administratifs ».

Le législateur a souhaité rebudgétiser ces rémunérations accessoires et a supprimé, en conséquence, les lois du 29 septembre 1948 et du 26 juillet 1955 12 ( * ) qui fondaient le concours des fonctionnaires des services techniques des DDE et des services des directions départementales de l'agriculture et des forêts « dans les affaires intéressant les collectivités territoriales » 13 ( * ) . Il a abrogé, par la même occasion, les comptes particuliers qui recevaient et distribuaient sous forme de primes les rémunérations dites accessoires.

C'est en fait la question de la légitimité de l'ingénierie publique qui est alors soulevée. Toutefois, le Gouvernement choisit alors de réaffirmer la possibilité pour ses services techniques de réaliser des prestations d'ingénierie publique dans le cadre du décret du 15 mars 2000 précité.

Rappelons que ce décret avait fait l'objet d'un recours auprès du Conseil d'Etat de la part des professionnels de l'ingénierie privée, qui s'estimaient lésés par l'intervention des services de l'Etat dans leur domaine d'activité.

Il apparaît que la prégnance du droit de la concurrence a précipité la réforme de l'ingénierie publique. En effet, le 28 décembre 1998, une plainte avait été déposée devant la Commission européenne par la Chambre des ingénieurs conseils de France pour violation par l'Etat français des normes communautaires en matière de concurrence 14 ( * ) .


* 11 Rapport de M. Gilbert Santel, directeur général de l'administration et de la fonction publique, délégué ministériel à la réforme de l'Etat, intitulé : « La modernisation de l'administration territoriale de l'Etat », octobre 1998.

* 12 Loi n° 55-985 du 26 juillet 1955 réglementant l'intervention des fonctionnaires du génie rural.

* 13 Ces lois ont été supprimées par l'article 49 de la loi de finances pour 2000 n° 99-1172 du 30 décembre 1999.

* 14 Une plainte complémentaire avait été déposée le 6 juin 2000.

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