2. La Méditerranée

Le document-cadre fait de la Méditerranée la deuxième zone prioritaire de la coopération française.

Il souligne que le bassin méditerranéen est « traversé par toutes les fractures du monde contemporain : écarts de revenu sans équivalent entre ses rives, trajectoires démographiques opposées, et croisement de certaines des lignes de tensions idéologiques et identitaires parmi les plus préoccupantes de la planète. » Cette tension s'accompagne d'une relative faiblesse des flux de marchandises et de personnes. Toutefois, cela n'empêche pas la surexploitation riveraine d'un des espaces écologiques les plus fragilisés au monde.

La Méditerranée mobilise actuellement environ 16 % de l'Aide au développement française. Le renouveau de notre coopération dans cette région implique l'ensemble des acteurs français, acteurs étatiques bien sûr, mais aussi collectivités territoriales.

Le document-cadre préconise des interventions majoritairement sous forme de prêts éventuellement bonifiés, complétées le cas échéant par des ressources de subventions et/ou d'assistance technique.

Votre commission estime que la question de l'aide au développement est une thématique qui peut donner corps au cadre politique de l'Union pour la Méditerranée, à travers des projets concret concernant par exemple la dépollution de la mer, le soutien à l'énergie solaire, ou la gestion durable de l'eau.

Votre commission reconnaît l'importance d'un renouveau de la coopération en Méditerranée et souhaite que la politique de coopération contribue au développement de l'Union pour la Méditerranée.

3. Les pays émergents

Le document-cadre observe que les pays émergents sont de trois types : les grands pays à enjeux systémiques, tels la Chine, l'Inde et le Brésil, les pays à enjeux régionaux, tels l'Indonésie et l'Afrique du Sud, et au-delà, tous les pays à revenus intermédiaires confrontés à une accélération du changement économique et social.

Ces pays occupent une place majeure dans le paysage mondial, car ils représentent un impact important sur les équilibres globaux, et un défi environnemental de grande ampleur.

Le document-cadre définit trois enjeux prioritaires de notre coopération avec les pays émergents :

- inventer un nouveau modèle de développement, moins énergivore, moins émetteur, prometteur d'une gestion des ressources naturelles plus durable et davantage assis sur la demande intérieure et des mécanismes de protection sociale ;

- participer à la gouvernance collective sur les biens publics globaux, à l'établissement de normes pour éviter le dumping social ou environnemental, et à la régulation économique et financière d'ensemble ;

- instituer une coopération triangulaire avec certains pays émergents et certains pays récipiendaires de l'aide en Afrique.

Il est indiqué que le besoin de financement n'étant pas le besoin premier, l'investissement vaut surtout comme point d'entrée sur les politiques publiques et la promotion d'expertise, de savoir-faire et de technologie.

La coopération scientifique, culturelle et universitaire représente à la fois le complément des partenariats technologiques, et le moyen d'un approfondissement des liens avec les pays émergents.

Ces actions passent donc par des prêts, éventuellement bonifiés, complétés le cas échéant par une composante d'assistance technique.

Cette nouvelle priorité géographique s'est déjà traduite par une extension, du champ d'intervention de l'AFD, comme l'illustre la carte des implantations de ses agences ci-après :

Source : AFD

Votre commission ne doute dans son principe ni de l'intérêt d'asseoir un partenariat fort avec des grands pays comme la Chine, ni de l'intérêt d'inciter ces pays à prendre le chemin d'une croissance plus durable.

La nécessité d'infléchir le modèle de croissance des pays émergents n'est guère discutable . Ne serait-ce que par leur poids démographique, ces pays sont la clef de la préservation du climat. Comme l'a rappelé devant notre commission M. William C. Ramsay, directeur du programme « Energie » de l'Institut français des relations internationales (IFRI) « 80 % de l'augmentation de la consommation d'énergie fossile dans la décennie à venir viendra des pays non OCDE » 14 ( * ) .

M. Serge Michaïlof a souligné lors de la table ronde que : « l'objectif est de participer, dans les grands pays émergents, à la redéfinition des politiques publiques portant sur la gestion d'un certain nombre de biens publics mondiaux dont la destruction en cours pose un problème existentiel à l'humanité ».

Evolution de la consommation d'énergie d'ici 2030

Source : IFRI

L'intérêt de nouer des partenariats avec les « grands émergents » n'est pas plus contestable. La gouvernance mondiale dans des structures comme les Nations unies ou le FMI pourrait être redessinée dans les décennies à venir et modifier la place de la France dans le concert des nations. Notre pays, pour maintenir son rang, se doit d'entretenir des relations de partenariat avec les grands pays émergents.

Cela étant dit, la multiplication des interventions dans des pays comme la Chine suscite des interrogations légitimes. Alors que la Chine est aujourd'hui en mesure de financer un fonds souverain de 300 milliards de dollars, la France s'endette sur les marchés pour financer son budget et indirectement celui de l'aide au développement.

De même, la récente décision d'autoriser l'AFD à intervenir par exemple en Colombie et aux Philippines suscite des interrogations. Dans ces pays, nos interventions, et par conséquent notre rôle, sont souvent très minoritaires dans les projets soutenus.

Vos rapporteurs souhaiteraient savoir quelles sont les retombées de ces interventions et leurs intérêts au regard de la stratégie française d'aide au développement ? Si ce bilan s'avérait décevant, ils préconiseraient une plus grande sélectivité dans le choix des pays émergents en se focalisant sur des pays stratégiques.

Votre commission juge souhaitable, au moment où la France redéfinit ses objectifs, d'avoir une vision claire du coût budgétaire de nos interventions dans les pays émergents et des charges de fonctionnement des agences de l'AFD dans ces pays.

Vos rapporteurs ont parfois eu le sentiment que certains projets pourraient utilement être financés par des bailleurs multilatéraux, voire par les pays eux-mêmes. Une évaluation du coût et des avantages de ces interventions permettrait de faire un bilan et de définir les critères sur lesquels l'AFD se fonde pour choisir les pays et les projets sur lesquels elle intervient .

Ils souhaiteraient savoir s'il est vrai que pour un coût budgétaire mineur qui ne semble représenter qu'environ 6 % de notre aide bilatérale, un impact environnemental et diplomatique majeur est bien obtenu.

L'intervention de l'AFD dans les pays émergents est actuellement plafonnée à 15 % du volume total des bonifications mises en oeuvre par l'AFD sur le programme 110 issu du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Vos rapporteurs estiment ce plafond raisonnable et souhaitent qu'il soit inscrit dans le document-cadre.

* 14 Audition de M. William C. Ramsay, directeur du programme Energie de l'Institut français des relations internationales (IFRI), mercredi 17 février 2010, commission des affaires étrangères. http://www.senat.fr/bulletin/20100215/etr.html

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