3. La problématique des « transferts rampants »
a) Définition

La terminologie des « transferts rampants » est évoquée dans le rapport de M. Alain Lambert consacré aux relations entre l'État et les collectivités territoriales 21 ( * ) . Cette expression désigne l' ensemble des décisions de l'État qui entraînent une augmentation des charges pesant sur les collectivités territoriales , sans qu'elles puissent prétendre à une compensation financière de l'État.

L'exemple le plus emblématique est celui, présenté par l'Association des maires de France 22 ( * ) , de la sécurité publique. La fermeture d'une gendarmerie nationale ou d'un commissariat conduit les communes à renforcer leur police municipale afin de répondre aux attentes des citoyens en la matière. Or, le renforcement des polices municipales ne s'apparente pas à une obligation légale des communes, mais relève du principe de libre administration des collectivités territoriales. C'est la raison pour laquelle les communes ne peuvent prétendre à une compensation financière de la part de l'État.

b) Le cas particulier des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS)

Quoique d'une autre nature, peut être rattachée aux « transferts rampants » la problématique des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Ces derniers s'apparentent à un transfert de charges et non de compétences au sens de l'article 72-2 de la Constitution, vers les départements qui ne disposent d'aucune compétence en matière de sécurité civile alors qu'ils sont les premiers financeurs des SDIS.

Le rattachement des SDIS aux conseils généraux s'est opéré en deux temps.

Tout d'abord, la loi du 3 mai 1996 23 ( * ) a substitué à la logique d'organisation communale de ces services une logique d'organisation départementale afin de rationaliser et d'optimiser les moyens ainsi mis en oeuvre.

Puis la loi du 27 février 2002 24 ( * ) a institué la départementalisation institutionnelle des SDIS : ces derniers sont « arrimés » financièrement aux conseils généraux, sans pour autant que ces derniers disposent de la compétence « incendie et secours » au sens strict, qui demeure du ressort de l'État, ce qui se traduit par 25 ( * ) :

• l'attribution de la majorité des sièges, au sein des conseils d'administration des SDIS, aux représentants du département, le président du conseil général, ou son représentant, en étant de droit le président ;

• la consécration du département comme financeur principal des SDIS.

Les relations entre le conseil général et le SDIS sont définies par une convention pluriannuelle, prévue à l'article L. 1424-35 du CGCT, dans laquelle est fixée la contribution financière du département.

En 2008, sur un budget global des SDIS égal à 4,2 milliards d'euros, la part de financement des départements représentait 54 % du budget total de ces derniers, contre 43 % en 2000. Or, la contribution des communes ayant été gelée par l'article 116 de la loi de finances rectificative pour 2008 26 ( * ) applicable depuis le 1 er janvier 2010, toute évolution du budget des SDIS est désormais supportée par les départements. La contribution des départements aux SDIS devrait ainsi augmenter, dans les années à venir, en moyenne de l'ordre de 4 à 5 % au-dessus de l'inflation 27 ( * ) .

La question de la participation des communes au budget des SDIS

L'article 122 de la loi « démocratie de proximité » prévoyait la suppression, à compter du 1 er janvier 2006, des contributions des communes et des EPCI au financement des SDIS, en contrepartie d'une réfaction opérée sur leur dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ou sur leur dotation d'intercommunalité, selon le cas. Parallèlement, la DGF des départements devait être augmentée d'une dotation égale au total de ces deux réfactions.

Dans l'attente de cette suppression, l'alinéa 6 de l'article L. 1424-35 du CGCT disposait que, pour une année donnée, « le montant global des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ne pourra excéder le montant global des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de l'exercice précédent, augmenté de l'indice des prix à la consommation ». Ainsi, le conseil d'administration des SDIS ne pouvait fixer le taux d'évolution de la contribution financière des communes et des EPCI que dans la limite du taux d'inflation.

Mais deux difficultés ont retardé la mise en oeuvre de cette réforme :

- la volonté des maires et des sapeurs-pompiers de maintenir un lien financier entre la commune et le SDIS, afin de favoriser le service de proximité ;

- les disparités des contributions constatées tant entre les communes et les EPCI qu'entre les départements, qui risquaient de provoquer des reports de charges importants entre les collectivités territoriales, et notamment de pénaliser certains départements par rapport à d'autres. Les niveaux de contribution des communes et des EPCI étant très hétérogènes, la réforme proposée aurait eu pour effet de figer ces écarts, interrompant les efforts de rapprochement souvent engagés au sein des SDIS.

C'est pourquoi le Parlement a été conduit à deux reprises à repousser l'entrée en vigueur de cette mesure, initialement prévue au 1 er janvier 2006. En effet, à l'initiative du Sénat, les articles 59 et 60 de la loi précitée de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 ont repoussé l'échéance au 1 er janvier 2008. Les difficultés de mise en oeuvre persistant, l'article 162 de la loi de finances rectificative pour 2006 28 ( * ) a, à nouveau, retardé l'entrée en vigueur de cette réforme au 1 er janvier 2010.

Il résulte de cette mesure que l'augmentation des dépenses des SDIS est prise en charge par les départements, augmentant leur part dans le financement des SDIS, comme le montre le tableau suivant.

Bien que les départements soient devenus les premiers financeurs des SDIS, ces derniers demeurent sous l'autorité du maire ou du préfet, seuls détenteurs du pouvoir de police, conformément aux dispositions des articles L. 1424-3 et L. 1424-4 du CGCT. Or, comme l'écrivent les députés MM. Georges Ginesta, Bernard Derosier et Thierry Mariani 29 ( * ) dans leur récent rapport consacré au financement des SDIS « on peut se demander s'il faut continuer à inclure la sécurité civile dans la compétence du maire et du préfet en matière de police, alors que les SDIS sont désormais financés majoritairement par les conseils généraux », et ce, depuis 2005.


* 21 Les relations entre l'État et les collectivités territoriales, rapport du groupe de travail présidé par Alain Lambert, décembre 2007.

* 22 Rappelé également par Mme Jacqueline Gourault lors de l'audition de MM. Gilles Carrez et Michel Thenault, devant la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, le 18 mai 2010 (voir annexe 3).

* 23 Loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours.

* 24 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 de démocratie de proximité.

* 25 La loi précitée « démocratie de proximité » prévoyait la possibilité de dissoudre le SDIS afin de l'intégrer dans les services du Conseil général. Cette possibilité a cependant été supprimée par la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, cette disposition n'ayant pas été utilisée par les départements.

* 26 Loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

* 27 Les finances des SDIS, Cabinet François Lamotte, mars 2010.

* 28 Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

* 29 Rapport d'information sur le financement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), de MM. Georges Ginesta, Bernard Derosier et Thierry Mariani, députés, n° 1829, Treizième législature, juillet 2009.

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