b) Les autres branches

La branche recouvrement et l'Acoss

La Cour des comptes, qui avait assorti la certification des comptes de la branche recouvrement de dix réserves en 2008 , en a levé plusieurs en 2009, portant notamment sur la comptabilisation de la CSG et des autres prélèvements sociaux sur les revenus de placement.

Néanmoins, la Cour formule à nouveau plusieurs réserves. Elle fait notamment valoir que le dispositif national de contrôle interne fait apparaître des insuffisances dans certains domaines (contrôles généraux informatiques, éléments déclarés par les cotisants, exonération de cotisations sociales, notamment dans les Dom...). Elle souligne surtout qu'il existe une incertitude de portée générale sur l'exhaustivité et l'exactitude des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants , notamment ceux relevant de l'interlocuteur social unique (Isu), du fait des anomalies qui affectent ces comptes cotisants.

Les comptes cotisants des travailleurs indépendants

L'une des principales réserves dont est assortie la certification des comptes de la branche recouvrement et de l'Acoss concerne le dispositif de l'interlocuteur social unique (Isu) instauré en 2008 pour la gestion des cotisations et contributions sociales des artisans et commerçants. La Cour note ainsi qu'« imputables à un défaut de préparation de ce dispositif, les défaillances du contrôle interne sont à l'origine d'anomalies significatives dans les comptes 2009 ».

La juridiction financière relève quatre séries d'anomalies relatives aux comptes cotisants des travailleurs indépendants :

- une couverture incomplète des fonctions du recouvrement

La régularisation du montant dû par les cotisants, au vu de leur revenu professionnel déclaré, par rapport aux cotisations provisionnelles versées, est assurée avec retard ou seulement à la demande des cotisants. Les majorations de retard ont été systématiquement remises en 2009, soit par un traitement informatique, soit sur demande du cotisant ; le recouvrement forcé, qui incombe au RSI, n'a pas été exercé à l'encontre des cotisants défaillants. Enfin, les contrôles sur les revenus d'activité des cotisants, effectués par les Urssaf sous le contrôle du RSI, sont restés suspendus, en dehors de quelques actions de lutte contre le travail illégal ;

- des anomalies affectant les comptes cotisants

De nombreuses anomalies affectant les comptes cotisants ont une incidence significative sur les comptes. Il existe un nombre élevé de comptes dits « singletons », qui ne comprennent pas la totalité des risques, ce qui affecte l'exhaustivité des cotisations et contributions. De même, un grand nombre de comptes ont un solde débiteur constitué par des taxations d'office sédimentées au titre de plusieurs années successives, ce qui affecte la réalité (dans le cas où le compte aurait dû être radié) et la valorisation des créances comptabilisées (dans la mesure où les perspectives de recouvrement ou de régularisation des taxations sont réduites). Certains comptes cotisants sont en outre radiés à tort en raison de désordres provoqués par la transmission par le RSI d'informations ayant un autre objet, ce qui affecte la réalité des dettes comptabilisées à l'égard des cotisants qui ont continué à régler des cotisations au titre de périodes postérieures à leur radiation ;

- des erreurs affectant les opérations sur les comptes cotisants

La Cour relève que les remboursements aux artisans et commerçants ou aux professions libérales ne font l'objet de contrôles qu'au-delà de certains seuils. Compte tenu de l'importance des erreurs que permettent de parer ces contrôles, les remboursements dont le montant est inférieur aux seuils de contrôle sont vraisemblablement affectés par des erreurs significatives qui revêtent un caractère définitif ;

- les limites des contrôles généraux informatiques

Selon la Cour, l'examen des contrôles généraux informatiques relatifs aux fonctionnalités de l'Isu intégrées à l'outil de production du réseau fait apparaître des facteurs particuliers de risques d'anomalies. En raison des insuffisances de la documentation disponible, la juridiction financière estime ne pas disposer d'une assurance raisonnable sur le champ et l'effectivité des contrôles automatisés de cohérence et de format des données.

Lors de son audition par la commission 2 ( * ) , Pierre Ricordeau, directeur de l'Acoss, a indiqué que « plusieurs mesures sont mises en oeuvre pour remédier aux anomalies constatées dans le recouvrement des cotisations et contributions des travailleurs indépendants : traitement des situations d'urgence, éventuellement par des interventions manuelles ; renforcement des moyens des caisses, notamment en termes d'accueil téléphonique ; mise en place, avec les administrateurs et les experts-comptables, de dispositifs de priorisation en fonction des urgences constatées. Certains processus sont par eux-mêmes à la source d'erreurs et doivent donc être améliorés. Ainsi, lors de l'affiliation, plusieurs structures sont susceptibles de classer les cotisants dans une catégorie, ce qui peut conduire à des classements différents. A partir du 1 er janvier 2012, sera mis en place un point unique de pré-instruction pour éviter ces classements différents. Les caisses travaillent également sur la question des systèmes informatiques. L'Isu implique en effet de faire fonctionner ensemble deux systèmes d'information très différents. Pour l'avenir, une base de données partagée sera mise en place ».

Les branches maladie et AT-MP et la Cnam

En 2008, la Cour avait certifié les comptes de la branche maladie avec sept réserves pour limitation ou incertitude. L'audit des comptes 2009 l'a conduit à lever quatre réserves portant sur les provisions hospitalières, les créances des caisses sur les hôpitaux, les prestations en espèces de la branche maladie et les dettes de la Cnam envers les régimes étrangers.

Pour 2009, la Cour assortit sa décision de certification de six réserves concernant :

- l'insuffisance des outils de contrôle interne en matière de prestations en nature ;

- l'absence de contrôle effectif des paiements effectués par les caisses au titre des médicaments rétrocédés par les pharmacies hospitalières (voir ci-dessous) ;

- l'insuffisante sécurisation des flux en provenance des mutuelles gestionnaires du régime général ;

- l'existence de risques liés aux procédures de contrôle interne et à leur appropriation par les caisses en matière d'établissements pour enfants et adolescents handicapés ;

- le refus de certification des comptes de la mutualité sociale agricole (MSA) par les commissaires aux comptes, qui a pour conséquence une incertitude sur la fiabilité des données sur la base desquelles la branche maladie doit assurer la prise en charge intégrale des soldes du régime agricole ;

- l'impossibilité de réconcilier les opérations comptabilisées par la branche maladie au titre des prises en charge de cotisations sociales en faveur des praticiens et auxiliaires médicaux avec les produits comptabilisés par l'activité de recouvrement à ce même titre.

Les contrôles en matière de rétrocession des médicaments

Parmi les réserves formulées par la Cour des comptes à l'égard des comptes de la Cnam, figure l'absence de contrôle effectif de la conformité des paiements effectués par les caisses au titre des médicaments rétrocédés par les pharmacies hospitalières .

Sous certaines conditions, les pharmacies des hôpitaux à usage interne peuvent être autorisées à rétrocéder à des patients en soins ambulatoires des médicaments en principe réservés aux patients traités dans l'établissement. Les médicaments ainsi rétrocédés aux assurés sociaux sont remboursés par l'assurance maladie sur la base du prix de cession au public.

Selon la Cour, dès lors que les hôpitaux sont exonérés de la production des pièces justificatives papier (prescription, titre de recettes), quand les factures émises par l'hôpital sont télétransmises aux CPAM, les caisses ne peuvent s'assurer aisément de la réalité des dépenses ainsi prises en charge dont le montant représente 1 milliard d'euros en 2009.

La Cnam a mis en place un contrôle a posteriori de l'existence et de la conformité des pièces justificatives des médicaments rétrocédés, mais la Cour souligne que ce dispositif ne concerne que les seuls CHU de métropole et que la période ciblée n'a porté que sur le premier semestre 2008 et non sur l'année 2009.

Votre rapporteur général, lors d'une visite au CHU de Lille, a constaté que la CPAM avait effectivement conduit un tel contrôle portant sur le premier semestre 2008, mais qu'elle entendait en extrapoler le résultat sur deux années pour fixer le montant du remboursement demandé à l'hôpital.

Au CHU de Lille, le contrôle de l'activité de rétrocession des médicaments a porté sur la totalité des patients « grands consommants » (31 patients représentant 182 factures pour 1 902 711 euros) et un échantillon aléatoire de 113 bénéficiaires (pour un montant de 322 142 euros). A l'issue du contrôle, la CPAM a constaté que les anomalies constatées par elle avaient entraîné des facturations indues à hauteur de 28 998 euros. Le CHU a accepté certaines rectifications tout en faisant valoir que certaines des anomalies relevées n'étaient pas de son fait.

La CPAM a alors proposé à l'établissement de rechercher une issue amiable aux résultats du contrôle tout en réclamant une somme de 255 613 euros, fixée en extrapolant les résultats du contrôle à l'ensemble de l'activité de rétrocession des médicaments pour une période de deux années.

Outre le fait que les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui autorisent les contrôles par échantillonnage, n'étaient pas encore en vigueur lors de cette vérification, une extrapolation portant sur la totalité de l'activité pour une période de deux années à partir d'un échantillon choisi dans l'activité d'un seul semestre paraît contestable.

Il est souhaitable que les conditions d'application des dispositions entraînant le contrôle par échantillonnage fassent l'objet d'une évaluation pour éviter qu'elles ne conduisent à des dérives.

Les comptes de la branche AT-MP pour 2009 font l'objet d'une certification sous trois réserves, portant sur les prestations en nature, les incertitudes liées au refus de certification des comptes de la MSA et celle portant sur l'exhaustivité et l'exactitude des produits de cotisations d'accidents du travail et de maladies professionnelles liée aux modalités de communication aux Urssaf des taux des cotisations AT-MP.

La branche famille et la Cnaf

Au cours des trois premiers exercices de mise en oeuvre de la certification, la Cour des comptes avait estimé ne pas être en mesure de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf, compte tenu du risque d'anomalies significatives dans les comptes du fait de désaccords sur des estimations comptables ou d'insuffisances dans les dispositifs de contrôle interne et les systèmes d'information.

Les comptes de la branche sont certifiés pour la première fois en 2009, la Cour faisant notamment valoir que les progrès accomplis par la branche, notamment grâce au répertoire national des bénéficiaires et aux échanges de données informatisées avec la direction générale des finances publiques et d'autres autorités contribuent à sécuriser les processus de liquidation des prestations.

La certification est néanmoins accompagnée de sept réserves portant sur :

- les incertitudes quant à l'assurance d'une maîtrise des risques inhérents à l'activité de la branche que ne dissipent pas les progrès du contrôle interne ;

- la complexité intrinsèque du dispositif de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), non compensée par le contrôle interne et le système d'information propres à ce dispositif ;

- la persistance de risques d'erreurs dans le processus d'établissement des comptes combinés en 2009 ;

- le caractère insuffisamment étayé de la méthode de calcul des charges à payer et provisions pour rappels de prestations ;

- une incertitude sur le montant des provisions pour dépréciation de créances d'indus ;

- une incertitude sur le montant des provisions pour dépréciation des créances relatives aux prêts à caractère social aux allocataires ;

- une incertitude liée au refus de certification des comptes du régime agricole par les commissaires aux comptes, qui affecte la fiabilité des données reprises dans les comptes de la branche famille en matière de cotisations et des prestations familiales gérées par les caisses de MSA pour les salariés agricoles et pour le régime des exploitants agricoles.


* 2 Audition de Pierre Burban, président du conseil d'administration, et Pierre Ricordeau, directeur, de l'Acoss, du 30 juin 2010, cf. p. 93.

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