5. Adapter les règles de la prise en charge par la branche AT-MP ?

Outre sa fonction de prévention, évoquée précédemment, la branche AT-MP est chargée d'indemniser le préjudice subi par les personnes victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

La branche prend faiblement en compte les accidents ou les pathologies résultant du stress ou d'autres troubles psychosociaux. Des évolutions ont cependant eu lieu, qui ont permis de reconnaître des suicides comme accidents du travail. Une charte consacrée au thème « acte suicidaire et accident du travail » a été publiée par la branche en 2008 ; une caisse primaire reconnaît que le suicide est un accident du travail s'il est survenu pendant le temps de travail et sur le lieu de travail, et s'il n'y a pas d'éléments médicaux ou administratifs qui démontrent que le suicide est totalement étranger au travail. Si la présomption d'imputabilité du suicide au travail ne joue pas quand celui-ci survient en dehors de temps ou du lieu de travail, la preuve de cette imputation peut néanmoins être apportée.

Faut-il aller plus loin et compléter les tableaux des maladies professionnelles, afin de faciliter, par exemple, l'indemnisation d'un salarié tombé en dépression à cause d'une situation de harcèlement ou celle d'un salarié victime d'une crise cardiaque à la suite d'un stress chronique ?

La mission a été sensible à l'argument avancé par Stéphane Seiller, directeur des risques professionnels de la Cnam, qui a jugé peu réaliste d'envisager d'établir un tableau des maladies professionnelles liées aux risques psychosociaux, en raison du caractère complexe et multifactoriel de ces pathologies. Il paraît très difficile de distinguer la part respective des facteurs professionnels et des facteurs personnels dans le déclenchement de ces pathologies.

Une exception pourrait cependant être envisagée, en suivant l'exemple du Danemark qui a reconnu le stress post-traumatique comme maladie professionnelle. Cette pathologie, qui apparaît après qu'un individu a subi un traumatisme, peut être facilement reliée à un événement survenu dans le cadre professionnel. Un employé de banque qui souffre d'angoisses et d'insomnies après un braquage devrait pouvoir faire reconnaître facilement le caractère professionnel de sa maladie 96 ( * ) .

Il existe, par ailleurs, une procédure complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles qui permet de reconnaître comme maladie professionnelle des pathologies qui ne sont pas répertoriées dans les tableaux ou qui ne répondent pas à toutes les conditions qu'ils fixent. L'instruction est assurée par un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) composé d'un médecin conseil de la sécurité sociale, d'un médecin inspecteur du travail et d'un praticien hospitalier.

Chaque année, environ cinq cents demandes sont déposées pour obtenir la reconnaissance comme maladie professionnelle de troubles psychologiques. Mais elles n'aboutissent à une reconnaissance que dans une trentaine de cas seulement.

Ce très faible taux de succès s'explique par les conditions restrictives qui doivent être remplies pour qu'une pathologie soit reconnue comme maladie professionnelle dans le cadre de la procédure complémentaire : d'abord, il appartient au malade d'établir le lien de causalité entre la pathologie et son travail ; ensuite, son état doit être stabilisé ; enfin, le malade doit être atteint d'un taux d'incapacité d'au moins 25 %, ce qui est un pourcentage élevé.

Ainsi, sur les cinq cents dossiers déposés chaque année, seuls 17,5 % sont réellement examinés par un comité régional ; les autres sont écartés d'emblée parce qu'ils ne remplissent pas l'une ou l'autre de ces conditions.

Afin de faciliter la reconnaissance des maladies psychologiques comme maladies professionnelles, ces critères pourraient être assouplis, par exemple en abaissant le taux d'incapacité exigé pour prétendre à la procédure de reconnaissance complémentaire.

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La mission espère que ces propositions et recommandations contribueront à nourrir le débat sur le bien-être au travail et qu'elles recevront une mise en oeuvre rapide. La mission est convaincue que le bien-être n'est pas un obstacle à l'efficacité économique mais que les deux vont au contraire de pair : des salariés qui souffrent, qui ne se sentent pas respectés, qui ne sont pas fiers de leur travail, ne sont guère susceptibles d'être investis dans leur travail et ne donneront pas le meilleur d'eux-mêmes. A l'heure où un allongement de la durée d'activité est envisagé, le bien-être au travail est plus que jamais d'actualité.


* 96 La mission a recueilli sur son blog le témoignage d'un responsable d'agence bancaire traumatisé après avoir subi deux hold-ups et licencié par son employeur après un avis d'inaptitude à exercer les métiers de la banque.

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