Audition de Jean-Paul BAILLY, président,
et Georges LEFÈBVRE, délégué général, directeur
des ressources humaines et des relations sociales,
du groupe La Poste
(mercredi 30 juin 2010)

La mission d'information a ensuite entendu Jean-Paul Bailly, président, et Georges Lefèbvre, délégué général, directeur des ressources humaines et des relations sociales du groupe La Poste.

Jean-Paul Bailly, président du groupe La Poste , a d'abord indiqué avoir été surpris, sur le fond comme sur la forme, par la lettre du syndicat professionnel des médecins de prévention dans la mesure où ceux-ci sont étroitement associés, sur le terrain, aux actions menées en matière de santé et de sécurité au travail. Les médecins de prévention participent ainsi activement, par l'intermédiaire du médecin coordinateur, à l'Observatoire de la santé au travail, créé au sein de l'entreprise ; ils ont contribué à définir, en lien avec les managers, une charte de coopération avec la médecine du travail et sont les acteurs principaux du dispositif d'évaluation du stress au travail mis en place depuis plus d'un an. Le courrier des médecins de prévention ne repose, par ailleurs, sur aucune analyse scientifique des conditions de travail mais sur le seul recoupement d'opinions appuyées sur des cas individuels. Enfin, certains éléments factuels évoqués dans cette lettre, comme l'arrêt supposé du dispositif d'évaluation et de suivi du stress professionnel, sont tout simplement inexacts.

Il n'en reste pas moins que la direction prend très au sérieux la question de la santé au travail et qu'il s'agit d'un sujet de préoccupation majeur, pour lequel il faut savoir faire preuve d'humilité. Dès réception du courrier des médecins de prévention, un rendez vous leur a été immédiatement proposé et une réponse écrite leur a été faite le 2 juin. Des éléments d'information sur la poursuite des efforts du groupe en matière de prévention des risques, notamment psychosociaux, ont été communiqués à l'ensemble des médecins du travail ainsi qu'aux managers, dont certains ont été choqués par les propos du syndicat, afin d'éviter, sur le terrain, une incompréhension entre cadres et médecins du travail.

Jean-Paul Bailly a ensuite souligné qu'il y a peu d'entreprises au sein desquelles le comité exécutif lui-même se soit saisi de la problématique du stress au travail et dont le directeur des ressources humaines soit par ailleurs le numéro deux du groupe. Depuis 2003, la santé et la sécurité au travail figurent parmi les priorités stratégiques de La Poste, ce qui s'est notamment concrétisé par l'adoption d'un plan « santé et sécurité au travail » couvrant la période 2007-2010 : il fixe des objectifs en matière de prévention des accidents du travail, des risques routiers et psychosociaux, clarifie les responsabilités en matière d'occupation des sites, développe les actions du CHSCT, etc. Un accord sur la santé au travail est en cours de négociation et sera prochainement soumis à la signature des organisations syndicales.

Pour illustrer les actions conduites en matière de prévention des risques professionnels, Georges Lefèbvre, délégué général, directeur des ressources humaines et des relations sociales , a indiqué que les meilleures pratiques sont distinguées par la remise de palmes d'or, d'argent ou de bronze aux établissements. Par ailleurs, un protocole est appliqué par les managers de l'entreprise lors des opérations de réorganisations, afin de bien prendre en compte les situations individuelles.

Jean-Paul Bailly a indiqué travailler à la prévention des incivilités dans les bureaux de poste, celles-ci constituant l'un des principaux facteurs de stress pour les guichetiers. Il a ensuite détaillé les moyens mis en oeuvre pour améliorer la santé et la sécurité au travail. Environ mille trois cents personnes sont mobilisées sur ces objectifs : cent cinquante médecins du travail, cent infirmiers, quatre cent cinquante spécialistes de la prévention, trois cents conseillers mobilité et près de trois cents assistantes sociales. L'Observatoire de la santé au travail, mis en place en 2008, suit l'évolution de l'état de santé des postiers et veille à identifier les facteurs de risques et à conduire les actions appropriées, en se concentrant sur cinq priorités : l'absentéisme, les accidents du travail, les troubles musculo-squelettiques, l'inaptitude médicale et le stress au travail. Suivant les préconisations de l'Observatoire, une formation consacrée au stress a été dispensée aux membres du comité exécutif, ainsi qu'aux quatre cents cadres dirigeants de La Poste, et l'impact humain est intégré, en amont, dans tous les projets de réorganisation. Le dispositif d'évaluation du stress au travail se déploie dans tous les métiers, même si les médecins du travail ont souligné que les managers ont surtout pour rôle de veiller au respect des règles collectives et non de repérer les difficultés individuelles. Enfin, chaque directeur d'établissement doit élaborer un plan d'action « vie au travail », qui entrera en vigueur d'ici à la fin de l'année.

Un délai minimal de dix-huit mois s'écoule entre deux réorganisations et les situations individuelles sont prises en compte de façon systématique, au travers notamment d'entretiens personnalisés et de programmes de formation pour les personnels en transition. La charte de coopération avec la médecine du travail a permis d'expliciter les responsabilités des différents acteurs et constitue un point d'équilibre entre la nécessaire indépendance des médecins et le développement d'un véritable partenariat avec l'encadrement.

Le dispositif d'évaluation du stress est apprécié par les médecins du travail, dans la mesure où il leur permet d'avoir une approche collective de ce sujet, tout en permettant une meilleure identification des situations individuelles de fragilité. Il ressort des premières études menées dans ce cadre que l'incertitude face à l'avenir et à la conduite du changement et le risque d'incivilités, spécifique aux guichetiers, sont les premières causes de stress dans l'entreprise.

A Gérard Dériot, rapporteur, qui lui demandait si l'ouverture à la concurrence ou la transformation de La Poste en société anonyme ont pu être facteur de mal être pour les agents , Jean-Paul Bailly a répondu que l'adaptation de l'entreprise à l'avènement de la société numérique est une absolue nécessité et que le management aurait été coupable s'il n'avait rien fait pour anticiper ces changements. Si la baisse du volume du courrier et la moindre sollicitation des guichets constituent la plus grande mutation de l'histoire de La Poste, cette réorganisation doit être conduite dans le respect du modèle social propre à l'entreprise. Celui-ci se caractérise d'abord par la garantie de l'emploi, qui oblige à « internaliser » le changement, en organisant des mobilités et l'acquisition de compétences nouvelles par les personnels. Ce processus de transformation requière des efforts de la part de chacun et peut parfois conduire à certaines situations difficiles, surtout lorsqu'il se combine à des fragilités personnelles.

La Poste veille également à réduire la précarité : la proportion de salariés en CDD est ainsi passée de 7 % à 3 % en quelques années et le temps partiel subi a quasiment disparu. Les programmes de rénovation et de modernisation des bureaux de poste et des centres de tri ont permis d'améliorer considérablement le cadre de travail - réduction du bruit, limitation des déplacements, création de lieux de détente, etc. - ce qui, combiné à la diminution des horaires de nuit, a permis de réduire la fatigue des agents.

La mobilité demandée aux postiers à l'occasion d'opérations de réorganisation est limitée à un rayon de trente kilomètres autour de leur lieu de travail et s'accompagne d'entretiens individuels et de formations, notamment lorsqu'ils sont appelés à travailler en centres d'appel. Sur ce point, Jean-Paul Bailly a considéré que les plateaux téléphoniques de La Poste sont des modèles par leur taille - quarante personnes environ -, leur implantation équilibrée sur le territoire national et leur management exemplaire. Entre 2003 et 2009, 800 millions d'euros auront été consacrés à l'accompagnement de la mobilité et à l'acquisition des compétences, et près d'1,5 milliard d'ici à 2015.

Enfin, les managers sont incités à concilier le respect des objectifs qui leur sont fixés avec l'attention portée au personnel puisque 40 % de la part variable de leur rémunération dépend de critères de qualité manageriale.

Réagissant au reproche formulé par le syndicat des médecins de prévention, selon lequel l'indépendance des médecins du travail n'est pas toujours parfaitement assurée , Georges Lefèbvre a indiqué que les médecins de prévention, dont le nombre a doublé en dix ans, sont des salariés rémunérés par l'entreprise dont l'indépendance est totalement garantie, pour ce qui relève de leur activité médicale, par les textes réglementaires applicables. Dans le cadre de la charte de coopération, leurs préconisations ont en outre vocation à être mieux prises en compte par les managers.

Alain Gournac a souhaité savoir pourquoi l'inspection du travail ne peut pas contrôler les établissements de La Poste. La direction de l'entreprise a-t-elle ressenti une aggravation du mal-être chez les agents et les relations avec la clientèle se sont-elles effectivement dégradées au cours des dernières années ? Les objectifs imposés aux conseillers financiers sont-ils différenciés selon les secteurs géographiques ?

Georges Lefèbvre a répondu que l'impossibilité, pour l'inspection du travail, d'effectuer des contrôles à La Poste s'explique par le fait que l'entreprise a longtemps eu un statut d'établissement public. Sa transformation récente en société anonyme autorise désormais les visites de l'inspection du travail, sous réserve de la parution d'un décret d'application toujours en cours d'élaboration. Toutefois, La Poste disposait, jusqu'à présent, d'un système d'inspection interne indépendant, rattaché administrativement à la direction des ressources humaines. Quant à l'évolution globale de l'entreprise, il est vrai que l'adaptation à la pression concurrentielle a conduit à des changements rapides et qu'une inquiétude existe parmi les personnels.

A cet égard, Jean-Paul Bailly a indiqué qu'une autre forme d'inquiétude, mettant en cause la pérennité même du groupe, aurait pu naître si cette mutation n'avait pas été menée ; le choix a été fait de dire la vérité aux postiers - par exemple sur la baisse attendue de 30 % du volume de courrier à traiter - et d'accompagner au mieux ces changements.

Annie David a considéré que, à entendre la direction, tout va bien au sein de l'entreprise, ce qui est pourtant contredit par le courrier du syndicat des médecins de prévention comme par les témoignages qu'elle a pu elle-même recueillir sur le terrain, notamment sur des cas de suicides liés à l'activité professionnelle des postiers. Afin de répondre aux incivilités au guichet, la direction envisage-t-elle de mobiliser plus de personnel aux heures de pointes et dans les bureaux les plus fréquentés ? L'organisation des plateaux téléphoniques de La Poste est-elle si exemplaire que cela ? Comment la mobilité des personnels est-elle accompagnée ? Si le nombre de salariés en CDD a baissé, qu'en est-il du nombre des intérimaires ? Enfin, quel premier bilan peut-on tirer du plan « santé et sécurité au travail » couvrant la période 2007-2010 ?

Jean-Pierre Godefroy, président , a indiqué que, selon le syndicat des médecins de prévention, la fréquence des troubles musculo-squelettiques a été multipliée par quatre dans la période récente. Certains médecins du travail auraient par ailleurs subi des pressions inadmissibles de la part de l'encadrement.

Annie Jarraud-Vergnolle a rappelé que le syndicat des médecins de prévention regrette que les médecins du travail soient exclus de la politique de santé au travail, l'entreprise préférant recourir à des consultants extérieurs.

Georges Lefèbvre a précisé que, à ce jour, aucun suicide directement lié à l'activité de La Poste n'a été identifié, même si des situations difficiles ont pu être signalées, parfois avec l'aide des organisations syndicales. Aucune mobilité n'est imposée au-delà de trente kilomètres et l'accompagnement financier des mobilités peut être très important.

Le chiffre évoqué par le syndicat des médecins de prévention concernant les troubles musculo-squelettiques est erroné. Il existe au sein de l'entreprise des métiers physiques - un facteur peut ainsi manipuler jusqu'à une tonne de charge par jour - mais ce problème réel est traité par l'aménagement des conditions de travail - la multiplication des vélos à assistance électrique ou des chariots pour le transport du courrier, notamment. A cela s'ajoute le fait que les personnels vieillissent, leur moyenne d'âge s'établissant désormais à quarante-cinq ans.

Le recours aux intérimaires, qui représentent seulement environ 1 % des effectifs, a diminué en 2009. Quant à l'absentéisme pour maladie, La Poste connaît des taux comparables à ceux des autres entreprises de main d'oeuvre, comme la grande distribution par exemple, si l'on tient compte de deux éléments objectifs : un âge moyen des salariés plus élevé et le fait que l'entreprise emploie autant de femmes, qui s'absentent pour leurs congés maternité, que d'hommes.

En matière de gestion des incivilités, Jean-Paul Bailly a indiqué que de nombreux bureaux de postes ont déjà été réorganisés afin de réduire les temps d'attente, ce qui limite l'énervement des usagers. Pour juguler les phénomènes d'engorgement, La Poste a, par ailleurs, obtenu des organismes sociaux qu'ils versent leurs prestations à des dates différentes. Ses visites régulières dans les centres d'appels montrent que de nombreux personnels reconvertis, en provenance notamment des centres de tri, sont heureux d'être en contact avec la clientèle. Les médecins de prévention sont associés aux actions entreprises en matière de santé au travail et leur indépendance n'est pas en cause, sauf cas exceptionnel qu'il convient alors de faire remonter à la direction : en une occasion, un manager a effectivement été sanctionné pour avoir demandé au médecin de revoir son diagnostic.

Enfin, en réponse à Muguette Dini, qui voulait savoir si les objectifs fixés aux conseillers de la Banque postale sont les mêmes sur l'ensemble du territoire, Georges Lefèbvre a précisé que ceux-ci sont bien sûr différenciés en fonction de l'environnement local.

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