II. MIEUX ANTICIPER LE RISQUE DE SUBMERSION MARINE

A. RENOVER LES SYSTEMES D'ALERTE

Rappel des premières préconisations de la mission dans son rapport d'étape

- Mettre en place un véritable système d'avertissement destiné aux autorités et aux populations, reposant sur :

une prévision de hauteur d'eau , réalisée à partir de l'intégration des informations produites par le SHOM (marée) et Météo-France (vagues, surcotes), qui se substituera à la prévision actuelle de vagues et de surcote ;

un avertissement explicite et lisible du niveau de risque à l'échelle du littoral d'un département, basé sur un code couleur, un pictogramme spécifique et une appréciation des conséquences possibles ;

des conseils de comportement proportionnés au niveau de risque annoncé ;

- Prévoir une proposition de programme détaillé pour le programme national Litto3D, sous la maîtrise d'ouvrage du secrétariat général de la mer avant fin 2010 ;

- Prévoir dans les missions prioritaires affectées au BRGM, la réalisation d'une modélisation à l'échelle locale du risque de submersion marine au moyen d'une numérisation du phénomène de « jet-de-rive » ;

- Rapprocher les différents organismes en charge de la prévision par une meilleure collaboration sur des programmes communs.

L'objectif est de parvenir à informer et conseiller de façon pertinente et efficace des personnes n'étant pas au fait des risques encourus, le tout dans les quelques minutes qui précèdent l'occurrence d'un évènement aussi peu prévisible qu'un tsunami. Pour qu'une telle alerte, qui se produit dans l'urgence, se déroule de façon satisfaisante, il importe en tout premier lieu qu'elle ait été planifiée de façon détaillée en amont.

Au Japon , les administrations établissent des cartographies indiquant les risques naturels et les moyens d'y faire face, dites « hazard maps ». Ces cartes regroupent un certain nombre d'informations primordiales telles que les prévisions de passage des typhons, les contacts urgents, les mécanismes d'action des lames déferlantes, les risques en cas d'inondation, les comportements recommandés lors de l'évacuation ...

En France, des documents comparables existent et doivent être utilisés. Les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR), qui établissent l'inventaire des risques de sécurité civile d'un département et fixent des objectifs de couverture en termes d'orientations fondamentales d'aménagement du territoire, doivent être mobilisés en ce sens. Prescrits par l'article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales, ce sont des schémas directeur sans effet juridique sur les particuliers et ne fixant pas d'obligation de résultat, et donc non notifiés à ce titre. Les SDACR ont pour principale fonction de déterminer l'implantation des casernes de sapeurs-pompiers ainsi que leur dotation en personnel et en matériel.

Ensuite, il importe de s'assurer que le contenu des messages est adapté à leur destinataire et surtout parvient à ces derniers. Au premier titre, il convient de s'assurer que l'intensité de l'alerte correspond bien au degré de risque anticipé . Beaucoup d'élus locaux se sont en effet plaints de recevoir chaque année plusieurs dizaines de messages d'alerte, sans qu'ils soient hiérarchisés selon le degré de dangerosité de l'évènement attendu, et même parfois erronés. Or, ainsi que l'a fort justement souligné le maire de Macau devant la mission lors de son déplacement en Gironde, « trop d'alerte tue l'alerte ».

Il convient donc de développer un dispositif d'alerte dont les messages soient clairement gradués en fonction des risques prévus . « Xynthia nous a appris que nous devons définir de nouveaux seuils de vigilance », a reconnu M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile. Il a indiqué que son administration travaillait actuellement, sous la maîtrise d'ouvrage de Météo France, avec le service hydrographique et océanographique de la marine, le SHOM et le CEA « pour élaborer un système d'alerte en fonction de l'évaluation du risque » en matière de submersion marine. Pour cela, il est prévu de mettre au point « une modélisation du risque, selon différents schémas de rupture et agrémenté de codes couleurs adaptés (vert, orange, rouge) capable de « provoquer les bons réflexes en fonction de la situation ».

Très concrètement, votre mission considère que le contenu des messages d'alerte devrait être rédigé de façon à être directement assimilé par leurs destinataires . La mission interministérielle a formulé des recommandations dans ce sens : intégrer une référence à un niveau de cote, et non de surcote, beaucoup moins parlant pour les non techniciens, présenter les risques de ruptures d'ouvrages et leurs conséquences potentielles sur les biens et les personnes ...

Il a été demandé à Météo-France, par le Conseil supérieur de la météorologie, d'étudier, avec les partenaires concernés, la faisabilité de la prise en compte des risques maritimes littoraux d'origine météorologique dans le dispositif de vigilance météorologique . Ainsi qu'il a été indiqué à votre mission par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM), le travail de mise au point du nouveau dispositif est en cours . Cette nouvelle vigilance, qui intégrera le phénomène « vague-submersion littorale » dans le dispositif de vigilance météorologique, sera diffusée au moyen d'une colorisation selon la graduation à quatre couleurs à échelle départementale. Elle sera basée sur les ATFV produits par Météo France.

L'objectif est de mettre en place un véritable système d'avertissement destiné aux autorités et aux populations , reposant sur :

- une prévision de hauteur d'eau , réalisée à partir de l'intégration des informations produites par le SHOM (marée) et Météo-France (vagues, surcotes), qui se substituera à la prévision actuelle de vagues et de surcote ;

- un avertissement explicite et lisible du niveau de risque à l'échelle du littoral d'un département, basé sur un code couleur et un pictogramme spécifique et une appréciation des conséquences possibles ;

- des conseils de comportement proportionnés au niveau de risque annoncé.

En outre, et comme l'a reconnu M. Alain Perret, « les relations entre les préfets et les maires , qui sont leurs interlocuteurs naturels, méritent d'être rénovées ». Le « temps de la gestion de crise » requiert en effet, comme l'a rappelé M. Daniel Canepa, président de l'association du corps préfectoral, « une unité de commandement et une bonne coordination entre le préfet et le maire ».

M. Paul-Henri Bourrelier, membre du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM), a souligné la « nécessité de disposer, dans les préfectures, de services aptes à transcrire les informations en messages d'alerte immédiatement compréhensibles » par les élus locaux.

Il conviendrait donc de formaliser davantage les relations préfectures-communes en mettant en place, dans les premières, des cellules de veille et d'alerte spécifiquement dédiées à l'information des maires en temps de crise. Dotées d'une forte réactivité, elles seraient censées délivrer aux élus des messages adaptés aux circonstances - en leur conseillant, notamment, de décider l'évacuation ou le confinement de leurs administrés -, et s'assureraient de leur bonne délivrance par une communication directe avec eux.

Ces cellules seraient évidemment coordonnées au niveau régional et interrégional.

Propositions n° 23, n° 24, n° 25, n° 26 et n° 27 de la mission :

- Mieux intégrer l'alerte « submersion marine » dans les documents de planification régionaux existants, notamment dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR).

- Diffuser des messages d'alerte « submersion marine » qui permettent à leurs destinataires d'évaluer précisément le niveau du risque anticipé.

- Accentuer le programme de travail inter-administrations visant à mieux adapter les messages d'alerte au regard des risques anticipés, devant être opérationnel d'ici fin 2011.

- Faire aboutir dès que possible la mise en place d'un véritable système d'avertissement destiné aux autorités et aux populations, reposant sur une prévision de hauteur d'eau qui complètera la prévision actuelle de vagues et de surcote, ainsi que sur une explicitation claire et concrète des effets attendus d'une rupture ou d'une surverse des ouvrages de défense des côtes et des conseils de comportement adaptés.

- Pour ne pas se contenter d'un message impersonnel (fax ou SMS), définir, dans chaque préfecture, une cellule d'alerte dédiée à la communication avec les élus locaux en cas de risque avéré de submersion marine.

La capacité à avertir la population en lui diffusant un message d'alerte explicite constitue un enjeu majeur.

Interrogé par le président de la mission d'information, M. Thierry Baure, responsable de la gestion des risques et des crises chez SFR, a indiqué, au cours de son audition, que les opérateurs mobile avaient les moyens techniques d'envoyer en masse des SMS pour prévenir les populations. On peut s'étonner que la réflexion de la commission interministérielle sur une question aussi essentielle n'en soit qu'à ses débuts. Votre mission juge indispensable de la mener au plus vite pour aboutir à des solutions opérationnelles.

Il importe par ailleurs que les destinataires des messages en prennent effectivement connaissance . Certains élus ont en effet témoigné n'avoir consulté qu'après-coup les textos ou courriels les prévenant de la tempête. Comme cela a été rappelé devant la mission, les messages d'alerte lors de la tempête de 1953, qui avait fait plus de 2 000 morts aux Pays-Bas et en Angleterre, ne sont jamais parvenus jusqu'aux communes concernées. Aux Pays Bas, une alerte n'est considérée comme acquise que si elle a donné lieu à une conversation avec la personne concernée, soit téléphonique, soit lors d'une réunion.

Des crédits budgétaires sont destinés à mettre en place des dispositifs permettant de s'assurer de la bonne transmission, au niveau individuel, des messages d'alerte, dans les périmètres où le risque est notoire. Ces crédits n'ont visiblement pas été utilisés. Ils pourraient financer des formules d'abonnement à divers supports technologiques d'alerte incluant des dispositifs garantissant l'information effective des destinataires.

En outre, comme l'a fait observer, lors de son audition, M. Christian Sommade, délégué général du Haut Comité français pour la défense civile, en termes d'alerte pure, le self broadcast , avec les téléphones portables, fonctionne bien le jour. Mais la nuit, surtout si le téléphone filaire est mis hors d'état par la catastrophe, il n'y a que les sirènes pour informer d'un danger immédiat. Il est donc essentiel d'avoir un système de sirènes parfaitement opérationnel.

Propositions n° 28, 29 et 30 de la mission :

- Prévoir un dispositif permettant d'envoyer en masse des SMS pour prévenir les populations du risque anticipé de submersion marine.

- Mettre en place un dispositif technique permettant de s'assurer que les destinataires des messages d'alerte se les sont bien vu transmettre, passant, dans les zones à risque, par l'abonnement à des systèmes d'appels groupés (fax, email, SMS et téléphone).

- Pour la population, assurer la mise en place et l'entretien d'un système de sirènes opérationnel.

Divers instruments pourraient être utilisés de façon efficace à cet effet, en s'inspirant notamment des exemples étrangers. Aux Pays-Bas, le dispositif dit cell broadcast permet de lancer un message d'alerte par allumage automatique des postes de télévision, couplé à un message d'alerte sur portable.

L'expérience du Royaume-Uni est également intéressante.

La prévision des crues et les messages d'alerte au Royaume-Uni

En matière de prévision, le centre de prévision des inondations a été créé en avril 2009 et couvre l'Angleterre et le Pays de Galles. Son objectif est de produire une information plus claire, plus consistante et plus ciblée, permettant de donner des alertes plus en amont aux intervenants locaux. Le centre de prévision des inondations combine l'expertise météorologique et hydrographique du service météorologique national et de l'agence de l'environnement pour prévoir les inondations fluviales et les submersions marines, ainsi que les fortes pluies qui peuvent entraîner des inondations de surface. Le centre fournit un service 24h/24 et 7 jours/7 à destination des intervenants d'urgence. Il établit des prévisions à 4 jours pour le gouvernement, le gouvernement local du pays de Galles et les intervenants de « première catégorie ».

Il donne des prévisions concernant les épisodes pluvieux extrêmes et dispose d'un site internet. Les intervenants de « première catégorie » doivent, en application de la loi sur les contingents civils de 2004 (loi sur la protection civile), avertir et informer le public d'une catastrophe à venir ou qui commence. Différents modes d'information sont utilisés, dont les médias, le téléphone, le porte-à-porte etc.

L'agence de l'environnement a enfin en charge le service téléphonique sur les alertes aux inondations. Il s'agit d'un service gratuit, qui couvre les risques fluviaux et maritimes, et délivre des alertes aux personnes par message sur téléphone fixe ou mobile, courriel ou fax. Depuis février 2010, toutes les personnes situées en zones inondables sont automatiquement enregistrées et, si elles ne veulent plus recevoir d'alerte, elles doivent demander expressément à en être exclues. Ainsi, environ 1 million de ménages et entreprises sont dans le listing de ce service.

Source : Ambassade du Royaume-Uni en France

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