M. Daniel Rouvreau, Président de la Chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, membre du bureau de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), M. Thierry Fellmann, responsable du pôle politique agricole de l'APCA

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M. Bruno Retailleau, président. - La mission va maintenant procéder à l'audition de M. Daniel Rouvreau, président de la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, membre du bureau de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), et de M. Thierry Fellmann, responsable du pôle politique agricole de l'APCA.

Après avoir largement auditionné les chambres d'agriculture et les syndicats, je me suis rendu sur le terrain, le weekend de la Pentecôte, pour obtenir du ministre de l'agriculture, à l'occasion du projet de loi de modernisation agricole, l'accélération de l'indemnisation de la filière agricole qui n'avait pas encore touché un euro. Depuis lors, le ministre a annoncé le versement d'acomptes. Je m'en tiendrai donc à une seule question : où en est aujourd'hui l'indemnisation concernant, d'une part, le « 10 % vétusté » pour les assurances et, de l'autre, le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA)? Je pense, en particulier, à la question de l'apport de gypse aux terres noyées pour lutter contre les effets du sel, autrement dit le gypsage, car, en la matière, des initiatives différentes ont été prises en Vendée et en Charente-Maritime.

M. Daniel Rouvreau, président de la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, membre du bureau de l'APCA. - M. Vasseur, président de l'APCA, retenu aujourd'hui, m'a demandé de le remplacer. Face aux conséquences dramatiques de la tempête sur les familles d'exploitants agricoles, la filière, très solidaire comme toujours, s'est immédiatement mobilisée. Les chambres d'agriculture de la Vendée et de la Charente-Maritime ont procédé à une estimation très précise des surfaces touchées, de l'ensemble des dégâts matériels et des pertes de fonds avant de travailler aux différentes procédures pouvant être mises en place. Pour autant, les agriculteurs demeurent très inquiets quand, d'après nos évaluations, le potentiel d'indemnisation serait au maximum de 50 %, du moins pour la Vendée, sans compter que certaines de ces familles ont déjà emprunté de manière importante pour réparer les dégâts causés par la tempête de 1999, notamment pour le gypsage des sols, et devaient rembourser leur dernière traite cette année. Pour l'heure, les agriculteurs n'ont perçu aucune indemnité.

M. Bruno Retailleau, président. - Il est prévu qu'ils reçoivent entre mardi et demain un acompte au titre du FNGCA en attendant l'accord de Bruxelles. L'État, me semble-t-il, a eu raison de ne pas suivre la procédure classique d'indemnisation à l'hectare car celle-ci aurait empêché de prendre en compte la perte de fonds liée la salinisation, soit la perte de la capacité des sols et, donc, des revenus futurs. La machine s'est bloquée à Bruxelles car la Commission européenne a considéré cette formule forfaitaire en fonction des surfaces touchées comme une surcompensation. Après des échanges avec la direction générale de l'agriculture et le service juridique, nous avons bon espoir que ce projet passe devant le collège des commissaires le 15 juin ou, au plus tard, fin juin. D'où l'idée d'acomptes, qui ne soient pas inclus dans les de minimis afin de ne pas bloquer les autres indemnisations, qui seront versées aux 150 exploitations en Vendée et 300 en Charente-Maritime, soit 5000 € pour chacune. L'idée est d'amorcer la pompe pour que les agriculteurs reprennent espoir.

Afin d'encadrer la discussion, je vous propose de distinguer ce qui est assurable -quid du 10 % vétusté ?-, de ce qui relève du FNGCA, avec la question particulière du gypsage, et du Fonds d'allègement des charges (FAC).

M. Thierry Fellmann, responsable du pôle politique agricole de l'APCA. - Le dispositif concernant le gypsage, qui comprend les frais liés au gypse proprement dit et des frais d'intervention forfaitaires déclinés selon qu'il s'agit de cultures ou de prairies, est en bonne voie d'être accepté par Bruxelles, comme vous venez de le rappeler. Quant à la question de savoir ce qui relève ou non de l'assurance, elle est complexe en raison de la détérioration de la valeur des sols ....

M. Bruno Retailleau, président. - A droit constant, une récolte rentrée et un animal à l'étable sont assurables, contrairement à une récolte sur pied ou à un animal à l'herbage. Telle est la situation tant que le projet de loi de modernisation de l'agriculture n'a pas été définitivement adopté.

M. Thierry Fellmann, responsable du pôle politique agricole de l'APCA. - Soit, mais la récolte 2010 n'est pas assurable en raison de l'état des sols... La question n'est pas seulement celle de l'assurabilité, mais aussi celle de la dégradation du potentiel des sols qui induira une absence de récolte. Pour autant, les agriculteurs mettront en culture afin d'accélérer la restructuration des sols grâce au système racinaire. Bref, ce type de catastrophe, contrairement à un phénomène de grêle, a des conséquences de long terme. Le dispositif doit donc être maintenu plusieurs années.

M. Bruno Retailleau, président. - C'est tout à fait dans cette optique qu'il a été défendu à Bruxelles. Quid du 10 % vétusté ?

M. Thierry Fellmann, responsable du pôle politique agricole de l'APCA. -Les agriculteurs ont souvent du matériel vétuste pour lequel les assurances ne jouent pas, un vrai problème se pose à partir du moment où il y a eu une perte importante de ce matériel. De nombreuses demandes de dérogations sont déposées... faut-il passer par les assurances ?

M. Bruno Retailleau, président. - Le dispositif du 10 % vétusté figure dans le code des assurances. Pour moi, il serait logique que le ministère de l'agriculture, puisqu'il a décidé de le prendre en charge pour les ostréiculteurs et les conchyliculteurs, en fasse de même pour toute la filière. Il y va de l'équité : les paysans de la mer et de la terre doivent être traités de la même façon. D'après le médiateur Boaretto, cela coûterait environ 2 millions. Pour cette question, médiateur et législateur ne peuvent rien faire, la décision est politique. Tout dépend du ministère.

M. Thierry Fellmann, responsable du pôle politique agricole de l'APCA. - L'accumulation des franchises d'assurance sur les biens professionnels pose également problème...

M. Bruno Retailleau, président. - A ce sujet, le médiateur Boaretto sera utile.

M. Thierry Fellmann, responsable du pôle politique agricole de l'APCA. - Nous aimerions aborder la question des cotisations sociales.

M. Daniel Rouvreau, membre du bureau de l'APCA. - Une cotisation a été payée à la mutualité sociale agricole en juin, une autre le sera à l'automne.

M. Bruno Retailleau, président. - Sur cette question, le ministère a réservé un crédit de 2,5 millions de crédits tandis que les intérêts d'emprunt seront pris en charge dans le cadre du FAC sans parler des aides des collectivités locales.

M. Daniel Rouvreau, membre du bureau de l'APCA. - Concernant les charges sociales des exploitants, il faudrait peut-être, comme on le fait pour les nouveaux installés, prendre pour base d'exercice non pas l'année n -1 mais l'année en cours, puisqu'elle sera marquée par un déficit. Les textes le permettent désormais, au lieu d'une moyenne triennale qui retiendrait les bonnes années.

M. Bruno Retailleau, président. - Je note ce point.

M. Thierry Fellmann, responsable du pôle politique agricole de l'APCA. - Pour le FAC, la question des de minimis reste problématique, même si nous en sommes à 15 000 euros.

M. Bruno Retailleau, président. - A mon sens, seules les grandes exploitations sont concernées. Mais peut-être faut-il se tourner vers les chambres d'agriculture pour obtenir des chiffres précis sur cet aspect.

M. Daniel Rouvreau, membre du bureau de l'APCA. - Autre question, l'exonération de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti pour les surfaces inondées avec une compensation par l'État pour les communes concernées.

M. Bruno Retailleau, président. - Des mesures d'exonération ont été annoncées par M. Woerth, mais elles ne concernent que le foncier bâti. Nous nous renseignerons sur ce point.

M. Daniel Rouvreau, membre du bureau de l'APCA. - En outre, il y a eu des difficultés en matière de contrôle des dossiers PAC, en particulier pour les agriculteurs engagés dans des mesures agro-environnementales. Dans les quinze jours qui ont suivi la tempête, les agriculteurs ont eu du mal à respecter les règles en matière de bouclage des animaux ou d'animaux morts. Peut-être aurait-il mieux valu ne pas en rajouter. J'évoque, pour être plus précis, des contrôles de la direction des services vétérinaires de la Charente-Maritime. Enfin, la question a été réglée depuis.

Par principe de précaution, dans la perspective de réforme de la PAC, il faudrait acter le caractère exceptionnel des années 2010 à 2012. (M. Bruno Retailleau, président, acquiesce).

Je voulais également évoquer la question des digues. Nous craignons les prochaines marées d'équinoxe... Quand commencera-t-on les travaux ?

M. Bruno Retailleau, président. - Vous prêchez un converti. Le Président de la République a pris des engagements à La Roche-sur-Yon. Je suis intervenu auprès de M. Borloo et de Mme Jouanno pour qu'ils soient tenus le plus rapidement possible. En outre, le plan digue fera l'objet d'une communication en Conseil des ministres en juillet. Nous veillerons à ce que ce plan, dont l'objectif prioritaire est de protéger les populations, assure également la protection des terres productives.

M. Daniel Rouvreau, membre du bureau de l'APCA. - La gouvernance des digues laisse à désirer.

M. Bruno Retailleau, président. - En effet : j'ai inspecté des dizaines de kilomètres de digues et j'ai pu constater que des problèmes se posent en termes de propriété et de gouvernance. Il est parfois difficile de décider si une digue doit être rehaussée ou non. Mais la mission ne souhaite pas la création d'une sorte de « RFF des digues ». L'Etat n'en a pas les moyens : les fonctionnaires spécialisés ne représentent que 60 équivalents temps plein et s'occupent à la fois de la mer et des fleuves. D'ailleurs, c'est un échelon trop lointain. Il est légitime et nécessaire que l'Etat définisse une stratégie nationale, impose des règles et contrôle leur application, comme cela se fait tous les cinq ans aux Pays-Bas car la sécurité civile est une mission régalienne. Mais la gestion doit être une gestion publique locale. Nous étudions des mécanismes relatifs au transfert de propriété - ce qui peut être un peu long - ou permettant une substitution dans la réalisation des travaux.

J'ai des photos de Rotterdam où l'on voit des moutons paître tranquillement au bord de l'eau...

M. Daniel Rouvreau, membre du bureau de l'APCA. - Ils contribuent en effet au tassement du sol, donc à l'entretien des digues.

M. Bruno Retailleau, président. - Il faudra expliquer à la Ligue de protection des oiseaux que la ciguë, même si elle favorise l'implantation des gorges-bleues, a un système racinaire très déstructurant pour le sol des digues et qu'il faut lui préférer un bon herbage où les moutons puissent paître, à condition de ne pas y ajouter d'amendements, faute de quoi la végétation se développe trop.

M. Daniel Rouvreau, membre du bureau de l'APCA. - Cette catastrophe doit être l'occasion de remettre les choses à plat.

M. Bruno Retailleau, président. - En effet. L'Etat doit prendre le temps nécessaire pour élaborer un « Plan digues » qui aille au-delà, car le sujet est complexe : il faut aussi songer aux cordons dunaires, aux ouvrages hydrauliques, etc. On a trop tendance à réagir après la bataille : il est temps de mettre au point une organisation solide, dotée de financements pérennes, afin d'anticiper les catastrophes qui pourraient se multiplier dans les années à venir, à cause du réchauffement climatique.

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