DEUXIEME THEME : DECIDER EN TIRANT LES LECONS DE LA GRIPPE A(H1N1)

Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure. Après nous être interrogés sur la fiabilité des données et l'adaptabilité des plans pandémiques, nous allons essayer de répondre à la question suivante : comment faire autrement, avec les mêmes données ?

Tout d'abord en associant davantage les citoyens aux décisions. Ceux-ci se sont en effet souvent plaints d'avoir été tenus à l'écart.

Nous avons demandé à M. Didier Tabuteau, responsable de la chaire « santé » à l'Institut d'études politiques de Paris, d'introduire notre première table ronde.

M. Didier Tabuteau, responsable de la chaire « santé » à l'Institut d'études politiques de Paris. Madame la présidente, je vais essayer de vous présenter le point de vue d'un analyste des politiques de santé qui a été, pendant une vingtaine d'années, chargé de la gestion des risques.

L'épisode de la pandémie de grippe A(H1N1) constitue un rendez-vous manqué pour la santé publique : contestation de la dépense publique sur la santé, perte de confiance du public, mécontentement d'une partie des professionnels de santé et, en partie, déstabilisation de l'expertise. Les autorités sanitaires semblent avoir été prises à contre-pied par une épidémie pourtant programmée et qui s'est déroulée, au cours de l'année 2009, à peu près comme on l'avait annoncé.

Avant de proposer quelques points de repère pour une politique de santé publique faisant le pari de la confiance, il me semble utile d'aborder le nouveau paradigme de la santé publique dans les sociétés modernes. En effet, en quelques années, la façon dont la France aborde la question de la santé publique a profondément changé.

Notre pays se caractérise par une absence de culture de la santé publique, aussi bien de la part de ses corps administratifs et politiques que de celle de ses communautés médicales, et par le fait que la santé est sans doute l'un des rares domaines d'importance nationale dans lequel il n'y a pas de tradition de l'État en matière de pilotage du système. La santé publique était l'affaire des municipalités au XIXe siècle. L'incursion intermittente de l'État au cours de cette période n'a concerné que les épidémies, mais sans que l'on parvienne pour autant à mettre en place un système de santé publique véritablement organisé, notamment un grand corps de la santé publique.

Nous assistons depuis deux ou trois décennies - et la grippe A (H1N1) s'inscrit dans ce contexte - à un changement de modèle en matière de santé publique. On est en train de passer, tout au moins je l'espère, d'un modèle autoritaire à un modèle participatif, et ce sous l'effet de quatre facteurs.

Premier facteur : l'émergence de sociétés protégées et fragiles, qui a pour conséquence paradoxale que l'aversion au risque s'accroît avec la réduction des dangers. Cela s'accompagne d'une demande de sur-réaction, et d'une éventuelle sous-réaction lors de la survenue du risque. En matière de santé, la responsabilité n'est plus fortuite : elle ne relève plus du destin, mais de l'État, de la collectivité. Jean Baudrillard écrivait : « L'accident... est la conséquence naturelle de notre science, de notre politique et de notre morale. » D'une certaine façon, on est passé d'un temps de la fatalité à un temps de la causalité, qui va être beaucoup plus exigeant pour les autorités administratives et politiques.

Deuxième facteur de changement de modèle : la posture du citoyen éclairé. Le niveau de formation de la population induit une analyse critique de l'information et des recommandations sanitaires. L'omniprésence des médias impose un débat contradictoire permanent. La généralisation d'Internet, depuis une date plus récente, permet d'exprimer de puissants mouvements d'opinion, indépendamment des pouvoirs institutionnels et même médiatiques. On n'est plus dans le schéma sur lequel s'est construit la santé publique au XIXe siècle.

Troisième facteur : l'ambition participative. La santé publique moderne repose fondamentalement sur la promotion de la santé et la participation de chacun à la préservation de celle-ci. Au sujet passif et contraint devant le choléra, au XIXe siècle, a succédé le citoyen actif dans la lutte contre le sida, la prise en charge des myopathies, du diabète ou du cancer. Le mouvement associatif détient l'une des clés de la participation aux actions de santé publique et de la crédibilité des programmes.

Quatrième et dernier facteur : l'intégration de plus en plus forte du système de santé. Nous sommes passés d'un pays dans lequel il y avait peu de médecins, où il n'y eut pratiquement pas de système de santé jusqu'en 1945, à un pays qui a développé très rapidement un système extrêmement dense de médecine hospitalière et libérale : nous avons plus de 200 000 médecins, alors qu'il n'y en avait guère plus de 30 000 à la Libération. Cette évolution a profondément transformé le rapport de la population à la santé. Les professionnels de santé sont les médiateurs naturels des questions de santé, malgré le retard français en matière de santé publique. Le couple médecin/patient est au coeur des problématiques sanitaires et pas seulement le lieu du colloque singulier, comme cela a été longtemps le cas.

Cette évolution générale, particulièrement sensible dans notre pays, s'est doublée d'un cataclysme sur le système de santé. Les drames de la sécurité sanitaire de la fin du XXe siècle : l'affaire du sang contaminé, l'hormone de croissance extractive et les autres crises de santé publique qui ont suivi, ont profondément transformé la perception que l'on pouvait avoir de l'action de santé publique dans un pays dans lequel elle était méconnue, mal connue, mal reconnue et peu valorisée. Très paradoxalement, c'est dans le pays de Villermé et de Parent-Duchatelet, les fondateurs de la santé publique à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles, que s'est construit le système qui a été le plus confronté aux drames de la fin du XX è siècle, et à la « défaite de la santé publique » pour reprendre le mot d'Aquilino Morelle.

Cette succession de drames et le traumatisme qu'ils ont provoqué dans le système médical, administratif et politique se sont traduits par l'émergence de quatre principes : un principe d'évaluation, qui est maintenant bien admis, ce qui n'était pas le cas au départ - rappelons-nous du sort réservé au rapport Papiernik ; le principe de précaution, en tout cas dans son acception sanitaire ; le principe d'impartialité ; enfin, le principe de transparence.

Les deux premiers ont été largement évoqués au cours de la matinée. Nous avons vu à quel point l'évaluation était encore problématique - légitimité de l'alerte, capacité à débattre des données épidémiologiques et des données de santé publique de façon contradictoire, de les croiser, de les valider, d'une part, entre les autorités nationales, d'autre part, entre les autorités internationales, européennes, et l'OMS. Nous avons vu aussi, s'agissant du principe de précaution, que la question de l'adéquation et de la proportionnalité de la réaction a été au coeur des débats sur la mise en oeuvre du programme contre la grippe A (H1N1).

J'insisterai sur les deux autres principes qui se sont dégagés il y a vingt ans à travers l'analyse de ces drames : les principes d'impartialité et de transparence.

La transformation de l'action publique en matière de santé publique, du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, conduit à proposer de passer d'une stratégie de la puissance (on envoie la maréchaussée pour empêcher le développement, la propagation de la maladie ; on enferme ; on contraint) à une stratégie de la confiance, qui repose sur l'adhésion et la participation. La problématique qui est posée cet après-midi porte sur la façon d'organiser l'adhésion de la population et, éventuellement, sa participation à l'action publique en matière de santé publique.

Compte tenu des caractéristiques, tant du système de santé que de la population, l'adhésion aux fondements de l'action de santé publique est une des conditions de son efficacité. Ce n'est pas seulement une recherche d'adhésion pour des raisons démocratiques, qui suffiraient par elles-même à la justifier, c'est également un élément majeur d'efficacité du système. En cas de crise et d'urgence d'une extrême gravité, l'adhésion est malheureusement plus simple, puisqu'elle est acquise par l'évidence de la situation. À l'occasion de la grippe A(H1N1) on a vu que, lorsque l'épidémie n'a pas ce caractère dramatique immédiatement perceptible, l'adhésion est plus difficile.

Cette adhésion me paraît pouvoir être recherchée à travers quelques points de référence que je vous propose.

Le premier point de référence est l'intelligibilité du dispositif et la clarté des objectifs. Il s'agit d'affirmer très clairement, comme l'évoquait ce matin Patrick Zylberman, l'objectif de la politique : vacciner toute la population, une part suffisante pour endiguer l'épidémie, toutes les personnes volontaires, ou seulement les groupes à risque. Savoir où l'on va est un élément d'adhésion fondamentale, même si ce point peut être sujet à discussion. Il s'agit également d'identifier les compétences : le pilote du dispositif (le ministre de la santé ou le ministre de l'intérieur), la façon dont s'organise la prise de décision et dont est organisée la riposte (les hôpitaux, des centres administratifs, des professionnels de santé) ; en un mot, qui fait quoi ?

Le deuxième point de référence est la transparence de l'action. Même si certains ont pu émettre des critiques, la transparence qui a accompagné la pharmacovigilance était plutôt un atout qu'un inconvénient dans l'organisation du dispositif. En revanche, d'autres éléments n'ont pas été aussi nettement mis en avant. Il faudrait instituer une véritable « main courante » politique et publique, les autorités étant obligées de transcrire systématiquement et régulièrement les connaissances, les décisions et leurs motifs pour que l'on puisse, à un instant donné, savoir pourquoi telle ou telle décision a été prise. De la même façon, la transparence de la saisine des instances, en rendant public qui est interrogé, sous quelle forme et dans quel cadre institutionnel, est un élément clé de l'adhésion. Je regrette que l'Institut de veille sanitaire n'ait pas été saisi régulièrement et publiquement sur l'analyse des données - dès les mois d'avril, mai ou juin -, que le Haut comité de la santé publique n'ait pas rendu d'avis avant l'été et, plus généralement, qu'il n'existe pas de système organisant publiquement la saisine des instances.

Le troisième point de référence est la culture du doute. Il est nécessaire de partager les doutes que les autorités sanitaires ont inévitablement dans ces circonstances. On a insisté sur l'incertitude permanente analysée par Patrick Lagadec. Cette capacité d'énoncer ses doutes publiquement, éventuellement de reconnaître des erreurs ou tout au moins de revenir sur certaines décisions, d'affirmer ses ignorances, constitue un élément de confiance du public, et un élément de défiance. Tout le monde est capable de comprendre que l'on ne peut pas tout savoir à tout moment dans ce genre de situation.

Je regrette que la disposition introduite dans la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, à savoir la possibilité pour toutes les agences de sécurité sanitaire de conduire des auditions, des hearings à la française, n'ait pas été utilisée. Cela aurait sans doute permis de poser les questions, de débattre collectivement, de focaliser l'attention du public sur des problèmes difficiles à résoudre. D'une certaine manière, la culture du doute impose de rechercher la contradiction avec le mouvement social, et même avec l'expertise « officielle ».

Quatrième facteur d'adhésion : l'indépendance de l'expertise. Il faut sortir de la confusion des genres, pour reprendre les mots d'Anne-Marie Casteret dans « L'affaire du sang » contaminé. Il faut non seulement appliquer le droit sur la transparence des conflits d'intérêts, mais aller au-delà en adoptant un dispositif permettant l'accès public aux liens d'intérêts des experts, médicaux et non médicaux, un peu dans la logique du Sunshine Act adopté aux États-Unis dans le cadre de la réforme Obama, à partir d'une proposition antérieure de parlementaires démocrates et républicains.

Voilà à mon sens quelques éléments de condition de l'adhésion à la politique de santé publique.

Ma deuxième proposition serait le souci de privilégier la participation des différents acteurs au déploiement du dispositif. Un tel souci est justifié fondamentalement par une démarche citoyenne et responsable. Mais il peut également se prévaloir, dans une société complexe, d'un argument d'efficacité, d'une préoccupation utilitariste. Miser sur la responsabilité des professionnels de santé et des usagers, c'est aussi utiliser un système étoffé, intelligent, réactif pour faire face à une menace sanitaire.

Cela peut se traduire d'abord par l'association des acteurs du système de santé - les professionnels et les associations d'usagers - dès la préparation des plans et pas seulement pour leur exécution. Il faut considérer que les idées peuvent s'exprimer et, surtout, que la construction du dispositif de réaction doit se faire avec eux dès l'amont. Une union régionale de médecins libéraux a travaillé sur l'intégration des médecins libéraux dans la prise en charge des patients, grippés ou non, pendant la pandémie : ce type d'approche pourrait être très utilement intégré dans la réflexion des pouvoirs publics au moment où ils préparent le dispositif.

L'association des acteurs passe également par la pluralité des expertises, c'est-à-dire par la représentation, y compris dans les instances scientifiques, de chercheurs, d'acteurs qui ne sont pas les spécialistes de la question. On ne doit pas enfermer l'expertise dans un monopole organisé autour de quelques disciplines, aussi indispensables soient-elles pour la compréhension des phénomènes et l'analyse des risques. La présence d'épidémiologistes, de sociologues, d'anthropologues, de représentants d'associations, y compris dans des comités scientifiques, possède l'extraordinaire vertu d'ouvrir le débat et de ne pas laisser une logique strictement technique se mettre en oeuvre.

Enfin, chaque fois que c'est possible, il faut accorder la priorité au système de santé de proximité. Dans le nouveau système de santé publique que nous avons construit depuis une cinquantaine d'années, c'est à travers lui que la confiance s'instaure.

La gestion du possible avec les services publics est un autre élément de cette participation. On ne doit pas reporter la responsabilité des dysfonctionnements sur des services de terrain quand elle résulte d'injonctions contradictoires et auxquelles il est impossible de répondre. Je me souviens, au cours de l'épisode de grippe A(H1N1), que le syndicat des médecins inspecteurs de la santé publique avait dénoncé les dysfonctionnements de l'organisation administrative en s'appuyant sur l'exemple suivant : le 3 décembre, une note du directeur de cabinet du ministre de l'intérieur imposait aux préfets d'élargir, dès le 5 décembre, les plages horaires de vaccination et de remettre, pour le 4 décembre à onze heures, un compte rendu des mesures prises pour mettre en oeuvre cet élargissement. Dans ces conditions, il est effectivement difficile d'obtenir la participation de l'ensemble des acteurs.

La participation de l'ensemble des acteurs passe, en troisième lieu, par la structuration du débat.

Sauf situation d'urgence absolue en termes de santé publique dans laquelle ces remarques ne peuvent pas s'appliquer, organiser le débat contradictoire permet aux dissonances et aux points de vue différents de s'exprimer et de s'articuler, et contribue à prendre la meilleure décision. Au moment de la grippe A(H1N1), des entreprises, des associations ou des écoles ont pu, ou auraient pu, participer à ce débat à travers des discussions internes. C'était le sens de l'appel publié dans Libération le 8 septembre dernier.

Le déroulement des saisines-avis et des auditions donne une colonne vertébrale au débat contradictoire - qui est inévitable - dans les médias, sur Internet, à travers la tenue de forums permettant aux acteurs comme aux opposants de s'exprimer et donc de centrer le débat plutôt que de le laisser partir dans tous les sens. On pourrait même aller plus loin : dans un article qui sera prochainement publié dans Les tribunes de la Santé , le professeur Claude Got s'interroge sur le fait que l'on n'ait pas utilisé ce qui l'a été dans d'autres domaines, à savoir la consultation du public sur Internet sur son intention de se faire vacciner ou non. Ce type de dispositif n'est pas à exclure a priori . Il peut permettre de donner des éléments d'appréciation extrêmement intéressants.

En dernier lieu, la participation des acteurs passe par la révision assumée des décisions - ce fut l'objet de la deuxième table ronde de ce matin - en réaction aux situations constatées, et non aux situations prévues par les différents plans. L'inertie du système doit évidemment être bannie dans la mesure du possible. La nécessité de s'adapter aux circonstances et à l'évolution des connaissances était un des grands acquis intellectuels des réflexions sur les crises de sécurité sanitaire de la fin des années quatre-vingt ; il semble qu'elle ait été un peu oubliée depuis. Là encore, comme l'a dit Patrick Lagadec, un effort de formation serait utile.

Il ne faut plus raisonner en santé publique avec la perception d'un système de santé et des réflexes de santé publique élaborés au XIXe siècle dans un autre contexte. On est dans un système de santé moderne, complexe, dans lequel il y a de nombreux acteurs, et c'est la réunion de l'ensemble de ces acteurs qui peut faire fonctionner ce dispositif, de façon plus efficace qu'un plan organisé soit militairement, soit de façon administrative. Comme l'a rappelé Ulrich Beck dans La société du risque , « Sans la rationalité sociale, la rationalité scientifique reste vide, mais sans la rationalité scientifique, la rationalité sociale reste aveugle. »

I. COMMENT ASSOCIER LES CITOYENS AUX DECISIONS ?

Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure. L'association de citoyens aux décisions est un problème. Cela a d'ailleurs été très bien compris par le CDC d'Atlanta où une cellule de soixante personnes actives surveillait en permanence, sur Internet, Twitter et Face Book, tout ce qui était dit par les citoyens, pour contredire, si nécessaire, certains des arguments avancés. Un training a même été organisé pour les journalistes : trois fois, des jeux de rôle ont réuni pendant quarante-huit heures des journalistes, des représentants des autorités de santé et des membres du CDC, chacun prenant la place des autres.

Telle n'est pas notre conception de l'association de citoyens aux décisions. Nous ne sommes pas dans une démarche dans laquelle les penseurs, ceux qui sont au sommet, chercheraient par tous les moyens à faire en sorte que les décisions soient acceptées. Nous recherchons les remarques, les suggestions, en prenant en compte l'intelligence des citoyens, même si nous savons que tous les avis ne se valent pas.

Je voudrais malgré tout vous signaler un choix assez étonnant qui a été fait aux USA. Les autorités de santé étaient, pour des raisons scientifiques, favorables aux adjuvants. Après enquête, s'étant aperçues que la population s'en méfiait, elles ont choisi des vaccins sans adjuvant parce que le but qu'elles poursuivaient était d'inciter la population à se faire vacciner.

Sachez, monsieur Tabuteau, qu'à La Réunion, on a consulté la population pour savoir si elle avait envie de se faire vacciner. Une enquête très sérieuse a fourni des indications très intéressantes, qui n'ont malheureusement pas été prises en compte.

Nous nous demandons tous pourquoi le public n'a pas cru à la pandémie. Mais quand l'OMS change sa définition de la pandémie en cours de route, quand l'AFSSAPS remplace la vieille fiche du thiomersal, selon laquelle il n'est pas bon de mettre du mercure dans les vaccins, par une nouvelle fiche indiquant que ce n'est pas dangereux, quand le nombre de morts s'avère bien inférieur à celui d'une grippe saisonnière, quand il est impossible de savoir combien les firmes pharmaceutiques ont touché au titre du crédit d'impôt, quand l'effet « barrière » n'est pas prouvé, le citoyen est fondé à avoir quelques doutes.

Comment débattre et communiquer en période de crise ? C'est à vous de nous le dire.

M. Emmanuel Hirsch, professeur à l'Université Paris-Sud XI. Madame la présidente, je m'exprime en tant que professeur d'éthique et non pas de directeur de l'Espace éthique de l'Assistance publique, mon administration m'ayant interdit de prendre position sur les questions de la pandémie - ce qui est logique et correspond à l'air du temps.

M. Tabuteau vient d'évoquer une figure emblématique : Claude Got. Quand ce dernier a monté le plan sida en France, il a mis en place trois structures : l'Agence française de lutte contre le sida, le Conseil national du sida et l'ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida), avec un pôle en sciences humaines et sociales, pour étudier notamment les comportements. Dans le contexte actuel, c'est surtout Jean-François Delfraissy qui a été le plus attentif à la dimension globale du phénomène : une pandémie n'est pas qu'un fait scientifique ou médical, elle impacte une société.

Après quelques propos introductifs, je vais vous indiquer comment le délégué interministériel de lutte contre la pandémie grippale a, à la demande de Xavier Bertrand, mis en place une synergie possible en matière de réflexion éthique. Vous serez surpris par certains documents que je vais produire et que je laisserai à votre disposition. Puis, je vous ferai trois propositions.

Mon approche de la réalité de la pandémie a été pour beaucoup motivée par la notion de démocratie sanitaire et s'inscrit dans le cadre d'une réflexion sur les « années sida », lesquelles ont été caractérisées par la mobilisation et la responsabilisation des acteurs.

Le contexte de cette pandémie est marqué par l'affirmation de l'autonomie de la personne, la redistribution des légitimités, la prise en compte de l'expertise profane et de savoirs nouveaux perçus de manière différentielle par les populations.

On est dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 (droit des malades et qualité du système de santé) qui autorise la personne à refuser un traitement. Cette dernière est reconnue dans sa capacité à décider dans son intérêt propre, les professionnels devant l'informer sur toutes les conséquences d'une décision de cette nature.

On se situe dans une conjoncture où l'autorité, voire l'autoritarisme sont mis en cause et où la culture de l'individualisme doit être prise en compte, notamment par rapport à l'intérêt collectif. De vraies questions éthiques se posent, qui n'ont pas du tout été évoquées. S'il y avait un intérêt supérieur, qu'en serait-il de l'intérêt individuel des personnes ? Quand les professionnels de santé, qui ont une certaine notoriété et la capacité d'influer sur une population, se déclarent contre la vaccination, comment ne pas s'interroger sur leur légitimité à intervenir, à titre public, sur une affaire privée ?

J'ai été frappé par ce qui a été dit ce matin sur la politisation du discours de santé publique et sur les conférences de presse. Je remarquerai que pendant les « années sida », chacun avait une vraie légitimité, ce qui n'a pas été le cas pendant la pandémie grippale. L'attitude du style « poussez-vous, il n'y a rien à voir » a par ailleurs rendu difficile la prise en compte de la mobilisation associative. Certains responsables associatifs ont maintenant conscience de ce qu'a été, non pas une indifférence ou une négligence, mais peut-être une trop grande assurance dans la capacité de l'État à faire face à ses responsabilités.

Je tiens à préciser que je ne mets en aucun cas en cause les personnes. Je m'interroge davantage sur les « mécaniques ». Tous ceux que j'ai été amené à rencontrer, qu'ils soient au plus haut niveau de la hiérarchie ou engagés sur le terrain, étaient des gens de qualité, attentifs, conscients de leurs responsabilités et de la difficulté à les assumer. Je pense d'ailleurs qu'on ne se précipitera pas demain pour assumer ce type de responsabilités face à de nouveaux défis. À ce propos, j'ai pu constater tout à l'heure à quel point on avait été « reconnaissant » à l'égard des chercheurs et de l'expertise. À vouloir taper trop sur les personnes qui sont capables d'éclairer la société, on risque de se retrouver demain dans une situation beaucoup plus délicate, pour ne pas dire délétère.

En mars 2006, j'avais écrit un article dans Le Monde , dans lequel je demandais des États généraux de la pandémie grippale. Xavier Bertrand a réagi assez rapidement, m'a reçu et m'a dit que c'était très intéressant. Il a fait mettre en place, au niveau de la délégation interministérielle, un comité de pilotage éthique auquel participaient notamment des membres du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Des réunions ont été organisées, mais j'ai rapidement remarqué que bien peu de relais de la société s'y étaient associés. Alors que pendant les « années sida », la mobilisation avait été forte, on compte jusqu'à présent très peu de prises de positions d'« intellectuels », en tout cas d'éditeurs d'opinion, sur la pandémie grippale. On peut s'interroger sur la manière dont ils ont été sollicités - ou pas.

La première initiative importante de Xavier Bertrand et de Didier Houssin a été l'organisation d'un colloque le 15 septembre 2006. Ceux-ci avaient la maîtrise intellectuelle de ce que pouvait être la perception du risque et ont écrit : « Dans ce but, nous avons souhaité susciter une large réflexion au niveau national. La première étape de cette réflexion est l'organisation de ce colloque qui va permettre que les questions soient posées et clairement exposées. Se préparer à une pandémie en ayant tout à la fois le souci de préserver l'équilibre entre la protection de la santé de la population et le respect de l'individu, s'appuyer sur la réflexion éthique pour prendre les meilleures décisions et les faire partager, tels sont les enjeux de ce colloque du 15 septembre. »

Le 21 septembre, Xavier Bertrand m'a adressé une lettre, dans laquelle il évoque le risque que fait peser la pandémie sur l'organisation de la société : « Lors de la prochaine réunion de notre fameux comité, le comite d'organisation du colloque doit finaliser un schéma de déclinaison du débat éthique en région pour sensibiliser l'opinion publique sur le terrain et susciter sa collaboration en cas de pandémie. » Cela signifie que Xavier Bertrand et Didier Houssin avaient le désir, non pas de faire des États généraux, mais de mettre en place une réflexion de proximité, en mobilisant notamment les préfets.

Le 12 décembre 2006 fut créé un comité d'initiative et de vigilance civique sur une pandémie grippale et les autres crises sanitaires exceptionnelles. Ce comité existe toujours virtuellement puisque, dans le dernier plan pandémie, il a été réactivé, même si je ne connais pas exactement ce qu'il a produit. Selon l'article 1 er du décret : « Ce comité est chargé de proposer au Gouvernement toute action pouvant améliorer l'appropriation par la population des mesures de prévention et de lutte contre la pandémie grippale et les crises sanitaires exceptionnelles, et de contribuer à renforcer la mobilisation de la population dans la perspective d'une telle pandémie. » Je remarque que le plan pandémie comportera une partie très intéressante intitulée « Continuité de la vie sociale et économique », assortie d'un passionnant chapitre intitulé, lui, « Solidarité et continuité de la vie sociale », dans lequel on appelle à la mobilisation du milieu associatif. À ma demande, M. Tricard a d'ailleurs fait à plusieurs reprises des conférences à l'intention du milieu associatif.

Un autre document, en date du 9 mars 2007, m'a semblé très intéressant : il s'agit d'une note à l'intention des préfets de zone, signée par Didier Houssin. Il y propose d'organiser des colloques en région, avec un programme détaillé, et un colloque national qui devait se tenir la même année et où l'on aurait repris, tout ce qui se serait dit dans les débats de proximité. Les thèmes choisis étaient, entre autres : l'attitude envers le monde animal ; la mobilisation de la recherche ; le rôle des professionnels de santé ; l'établissement de priorités concernant l'accès aux soins et aux ressources rares ; la promotion et l'entraide côté exclusion. Ce fut le testament du comité éthique et sa dernière réunion : il n'y eut jamais eu de suite. La question reste énigmatique. J'ai cherché à savoir si le groupe existait encore ou pas, mais on m'a répondu : « circulez, il n'y a plus rien à voir. »

Sur ces entrefaites, l'espace éthique de l'APHP a choisi une autre position, puisqu'il n'y avait plus de structure ad hoc - en tout cas, nous n'y étions pas associés. Nous avons saisi le CCNE - d'où le remarquable avis n° 106 du CCNE, auquel on se réfère aujourd'hui - sur les enjeux éthiques liés à une possible pandémie. Ce fut l'occasion d'une audience privilégiée avec Didier Sicard, le président du CCNE, qui accepta de prendre en considération cette réalité. J'observe qu'en 2007, beaucoup de personnes souriaient en se demandant si c'était vraiment le rôle de l'espace éthique de s'investir dans cette question, et s'il n'existait pas d'autres priorités.

Parallèlement à cela, nous avons organisé plusieurs colloques auxquels ont parfois participé, à titre individuel, les membres de la DGS. Un travail militant a été mené, sans la moindre reconnaissance, et surtout sans la moindre portée. Nous avons organisé, dans le cadre de la présidence de l'Union européenne, un colloque international - avec notamment le logo du ministère de la santé et de l'OMS. Nous avons tenté de développer une réflexion et produit des textes - dont la revue Pandémie . Nous avons créé un réseau international, la plate-forme dont Patrick Lagadec a parlé tout à l'heure. Nous avons échangé des données, développé une recherche avec CanPrev, c'est-à-dire les Canadiens qui avaient l'expérience du SRAS. À ce propos, l'InVS avait indiqué qu'il faudrait mettre en place une réflexion éthique pour les prochaines crises, notamment sur les problèmes de quarantaine et les questions de liberté.

Dans la compassion générale, nous avons monté une opération avec l'association « Voisins solidaires », en mobilisant un certain nombre d'autres associations, dont l'ANAMS (Association nationale des associations qui interviennent dans le milieu de la santé) et « Les Maraudeurs » parce que nous pensions que les personnes vulnérables devaient être prises en compte. Nous avons édité une affiche et organisé, à la maire du 17 è , avec Atanase Périfan, le président de « Voisins solidaires », le premier audit de citoyens. Pour nous assurer une légitimité, nous avons discuté entre juillet et décembre 2009 avec le ministère pour utiliser son logo et nous avons produit tout un ensemble de documents pratiques, qui ont été repris d'ailleurs à l'étranger, notamment au Canada et en Suisse. Aujourd'hui, nous mettons en place un réseau « veille et mobilisation solidaire », assorti d'une formation citoyenne, notamment à travers le réseau associatif. Bref, la mobilisation est possible, et nous avons des idées.

Je ne crois pas, madame la présidente, que le public n'ait pas cru à l'épidémie. Ce en quoi il n'a pas cru, c'est au discours des personnes qui en ont parlé.

J'en viens à mes propositions.

De la même manière qu'il existe un Conseil national du sida - c'est aussi une pandémie dans bien des pays -, il serait possible de créer un Conseil national sur les risques sanitaires, au sein duquel siégeraient des représentants de la société. Je remarque que le Conseil national du sida aurait pu être saisi, dans la mesure où il possède l'expérience de toutes les discriminations, et plus généralement de tous les problèmes liés à l'impact sociétal d'une pandémie.

Il serait également utile de créer un Observatoire national pour assurer l'acceptabilité des décisions prises en période de crise. Certes, il convient de fixer des critères de décision au niveau hospitalier, mais il faut également que les individus aient le sentiment que ces critères sont respectés, que les passe-droits n'existent pas, et qu'une évaluation est faite au jour le jour afin d'en tirer éventuellement des conséquences rapides. D'où l'importance de la fonction d'observation.

Mais le plus important reste la formation des intervenants, et pas seulement dans le domaine de la stratégie comme l'a dit Patrick Lagadec. Aujourd'hui, on observe une certaine méfiance entre la société et les décideurs. Il convient donc de se demander comment les uns et les autres pourraient travailler ensemble. Il faut enfin que les décideurs comprennent ces questions de santé publique, qui les interpellent et leur font peur, ce qui les empêche d'avoir l'attitude la plus rationnelle et la plus efficiente à leur égard. Nous avons des idées à ce sujet, mais je n'entrerai pas dans le détail.

En conclusion, nous avons eu la chance de connaître une pandémie qui n'a pas frappé, ou tout au moins a frappé là où ne l'attendait pas. Cet épisode devrait nous amener à tirer un certain nombre de conséquences et à nous interroger sur ce qui fonde la démocratie dans les périodes de crise, à savoir la protection des plus vulnérables. Il convient de se demander comment hiérarchiser nos valeurs, nos priorités, dans un contexte limitatif.

M. Marc Gentilini, membre de l'Académie de médecine et du Conseil économique, social et environnemental. Madame la sénatrice, je suis heureux d'être ici, au milieu de tant de personnes se concertant sur un thème que j'ai été très seul à aborder il y a un peu plus d'un an. Je me souviens avoir subi des pressions diverses - « amicales » toujours - me rappelant qu'il n'était pas très sage de prendre des positions qui allaient à l'encontre des positions officielles, et qu'il valait mieux apprendre à se taire.

Comment associer les citoyens aux décisions ? La réponse est simple : en faisant exactement le contraire de ce qui a été fait.

Pourquoi le public n'a-t-il pas cru à la pandémie ? Tout simplement parce que l'information n'était pas crédible. À quel moment un débat public est-il souhaitable ? En permanence. Comment organiser ce débat ? Intelligemment ; or ce n'est pas ce qui a été fait. Comment débattre et communiquer en période de crise ? En entrant un peu dans ce que Didier Tabuteau appelle la culture du doute. Être médecin, c'est être compétent, compétence qui s'acquiert et qui s'entretient ; c'est être disponible, qualité qui se perd ; et c'est être dans le doute permanent. Le ministère est compétent, le ministère est relativement disponible, mais le ministère n'a pas été dans le doute - officiellement au moins.

Tout ce que je peux vous dire n'a pas beaucoup de valeur. Comme vous le savez, je suis émérite, honoraire, honorable... donc hors jeu. Normalement, je n'apporte ici que ce qui peut, dans le meilleur des cas, apparaître comme la voix d'un sage... ou, plus simplement, la voix du bon sens. Or ce bon sens a singulièrement manqué dans cette aventure ratée, cette année perdue pour la santé, pour les Français et pour leurs moyens.

Je présenterai maintenant quelques remarques.

La première portera sur ce qu'on pourrait appeler « le masochisme français ». Comment, dans un pays comme le nôtre, qui est l'un des mieux protégés du monde, avons-nous pu nous jouer collectivement la tragédie de la grippe A annoncée... et non venue, ou presque ? Comment avons-nous pu laisser cette tragédie tourner en comédie et s'achever en bouffonnerie ? Je parle sans gêne devant vous parce que je pense que c'est ce que vous attendez. Pourquoi voyons-nous toujours le scénario catastrophe ? Le 22 juillet 2009, j'ai exhorté en vain mes collaborateurs à prendre la parole, à dire qu'on en faisait peut-être un peu trop au vu de ce qui se passait dans l'hémisphère austral et des informations dont nous disposions. Mais ils m'ont répondu qu'ils ne le pouvaient pas. La solidarité entre experts est profondément néfaste : on vit dans la même cour, on joue dans la même cour et on joue au même jeu. On ne peut pas apporter un son discordant. Voilà dans quelle ambiance je me suis exprimé.

Deuxième remarque : le caractère obsessionnel du ministère de la santé autour de la grippe. Voilà un ministère qui est grippé depuis un an, et qui n'en est pas encore totalement sorti ! Heureusement qu'il y a aussi le ministère du sport, pour faire sortir les ministres de la grippe et leur faire redécouvrir d'autres horizons. Mais ce caractère obsessionnel de la grippe a marqué l'année 2009. Dans mes souvenirs, je n'ai pas gardé de faits comme ceux-là. L'OMS s'est elle-même rendue doublement coupable : elle s'est trompée et elle a trompé les autres en présentant au monde entier la grippe comme un drame imminent, ce qui s'est traduit par des dépenses inutiles. Je regrette d'ailleurs que cela ne se soit pas traduit par un changement à la tête de l'OMS, l'organisation ayant déjà fait preuve de « retard à l'allumage » au moment de l'épidémie de sida.

Troisième remarque : dans ce pays, vous n'êtes plus pris au sérieux à partir du moment où vous ne chantez pas la chanson avec le refrain que vous devriez entonner. Si vous n'êtes pas dans le débat officiel, vous n'êtes plus autorisé à prendre la parole, ou alors vous êtes un marginal, un rebelle, quelqu'un qu'on n'écoutera pas, à qui on ne téléphonera pas, qu'on n'invitera pas parce qu'il tient un discours qui est considéré comme étant le seul contre tous les autres, donc faux.

J'ai été frappé par l'absence d'autocritique et par l'autosatisfaction des pouvoirs publics. Je suis prêt à pardonner, parce que c'est ma culture, mais que ce gaspillage invraisemblable de temps et d'argent ne provoque aucune repentance me surprend et me déçoit. L'homme se grandit en reconnaissant qu'il s'est trompé. Si l'épidémie avait évolué différemment, je n'aurais eu aucune gêne à le dire. Cela dit, s'accuser de tout n'a aucune valeur si l'on n'encourre aucune peine. Il faut demander pardon et s'engager à ne pas refaire la même erreur.

J'ai été également frappé par les mensonges permanents et les informations approximatives. Au mois d'octobre, les autorités sanitaires chiffraient le coût global de la lutte contre l'épidémie de grippe à 1,5 milliard d'euros. Aujourd'hui, si l'on tient compte de la campagne de vaccination, des débats et des publications auxquels la crise a donné lieu, ce coût n'est plus que de 500 millions. Comment expliquer un tel écart ?

Les faits ont été surestimés de façon scandaleuse. Les autorités se sont abritées derrière des arguments scientifiques dont personne ne pouvait dire s'ils étaient valables, et l'on nous assène encore aujourd'hui, en 2010, mensonges et contrevérités. J'ai entendu dire : si c'était à refaire, je le referais... De grâce, si c'était à refaire, ne le refaites pas, ou alors faites-le faire par d'autres !

J'ai un grand respect pour l'éthique et pour tous ceux qui s'en préoccupent, mais cet argument a été mis en avant de façon abusive. Accuser les infirmières et les médecins de faire de la propagande contre la vaccination - ce qui n'était pas le cas de l'immense majorité d'entre eux - fut une grave erreur : ils étaient simplement dans la culture du doute. On nous a parlé de vaccination « citoyenne ». Pourtant, dans un premier temps, elle n'était destinée qu'à la moitié de la population ! À quel moment est-elle devenue citoyenne ?

Les très nombreux experts qui ont été consultés ont adopté une pensée unique. Je n'en ai entendu aucun protester contre la fermeture des écoles, dont tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'elle était stupide. Une telle prolifération d'instruments pour n'aboutir qu'à des contrevérités m'a beaucoup inquiété. Cela a fini par ressembler à une quincaillerie, et plus personne ne s'y retrouvait. Enfin, les anciens de l'Académie de médecine, qui auraient pu tempérer l'ardeur juvénile des experts, n'ont pas été interrogés. Cette institution a pourtant vocation à répondre aux demandes des pouvoirs publics !

Dans un autre lieu, j'ai déclaré, de façon peut-être excessive, que nous avons assisté à une arnaque, à la fois sanitaire, médiatique et économique - je me suis bien gardé d'ajouter « politique » afin de ménager les susceptibilités... Mais l'arnaque sera politique si les responsables ne prennent pas les décisions qui s'imposent - et je remercie les parlementaires de leurs efforts en ce sens.

Les médias ont été excessifs. Je ne citerai pas ici les journaux que j'ai déjà dénoncés, mais en rapportant des observations fausses, excessives ou romancées, ils se sont livrés à de la contre-information. Les journalistes doivent s'en tenir à une discipline les obligeant à ne délivrer que l'information utile au patient.

Comme vous, j'appelle de mes voeux la démocratie sanitaire, car dans cette aventure, le monde sanitaire a été tragiquement oublié.

Mme Martine Perez, rédactrice en chef du Figaro, chargée du service Sciences et Médecine. Monsieur Gentilini, dans ce contexte de doute et d'incertitude, que l'on sait favorable aux excès, je ne suis pas certaine que les médias aient été plus excessifs que les autres. Comme beaucoup d'autres journaux, Le Figaro a beaucoup parlé de la grippe. Nous rendions compte des communiqués quotidiens de l'OMS, des conférences de presse du ministère de la santé et de nos contacts réguliers avec les experts. Nous étions harcelés par une foule de gens qui s'interrogeaient sur le bien-fondé de la vaccination.

L'idée d'associer les citoyens aux décisions est intéressante, mais il faut rappeler que nous étions dans la plus grande incertitude. Les journalistes, friands d'énigmes, essayaient surtout de répondre à ces questions : quelle est cette grippe, d'où vient-elle et où va-t-elle ? Notre travail quotidien consistait à informer les citoyens sur le danger du virus et sa possible mutation. Nous n'avions pas, au Figaro , de vision monolithique sur cette question. Nous avions couvert la préparation du plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale ».

Je trouve cette remise en cause paradoxale, car une étude sur la préparation face à la grippe, réalisée en 2007 par la revue The Lancet, plaçait la France devant les autres pays. Cette préparation a provoqué un manque de souplesse et de pragmatisme face à une épidémie qui n'était pas celle que l'on attendait.

Didier Tabuteau regrette que certains groupes de population aient été peu associés à la préparation du plan de pandémie grippale. En tant que journaliste, j'avais eu l'occasion, en 2007 et 2008, d'animer pour le compte de la Direction générale de la santé un certain nombre de débats qui réunissaient les protagonistes de la santé susceptibles de faire face à une éventuelle pandémie. Notre société était donc bien préparée à cette problématique.

Je vous trouve relativement injustes car nous, journalistes, ne faisons que notre métier. Nous ne sommes motivés ni par l'action politique, ni par l'intérêt économique, et notre premier mobile est d'informer les citoyens, en commençant par nos proches. Nous connaissions déjà les thèses de Marc Gentilini et de Bernard Debré, mais elles étaient très minoritaires. Nous nous sommes adressés à des institutions indépendantes - l'Institut de veille sanitaire, l'Organisation mondiale de la santé, des experts indépendants, des virologues - qui ne faisaient pas partie du Comité de suivi. Dès le mois de juin, ils reconnaissaient qu'ils ne savaient pas comment le virus allait évoluer.

Pourtant, au début du mois de septembre, l'Institut de veille sanitaire annonçait entre 3 600 et 64 000 morts. D'où provient une telle erreur épidémiologique ? Pour ma part, n'étant pas paranoïaque, je pense que les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas influencé la modélisation, et que les experts ont fait leur travail honnêtement et sereinement. Peut-être ont-ils été entraînés par la dramatisation ambiante, dont il faut rappeler qu'elle ne se limitait pas à la France : tous les pays ont acheté un trop grand nombre de vaccins, et si nous en avons acheté plus que les autres, c'est parce que dans notre pays, lorsque survient une crise sanitaire, nous mettons systématiquement en cause le ministre et le directeur de la santé. Je rappelle que la canicule, qui a fait 15 000 morts en France, en a fait 70 000 dans toute l'Europe. Or, il n'y a qu'en France que le ministre de la santé a démissionné.

Nous avons donc péché par excès de précaution et de prévention. Le ministère de la santé s'est barricadé derrière son plan « Pandémie grippale ». Le Figaro l'a interrogé régulièrement dès le début de la pandémie, et notre journal a été le premier à remettre en cause l'hospitalisation systématique des malades - quelques semaines plus tard, le ministère reconnaissait qu'il était préférable qu'ils restent chez eux - comme il a été le premier à évoquer la possibilité de confier la vaccination aux généralistes et de la limiter à une dose, comme le recommandaient les publications américaines. Pourquoi le ministère et l'OMS s'y sont-ils opposés aussi longtemps ? Ce sont les journalistes qui ont contribué à assouplir leur position.

Ce qui peut expliquer la position de la ministre de la santé, c'est qu'elle est responsable devant les Français et devant la justice. Je suis à son égard plus indulgente que vous, messieurs.

Quoi qu'il en soit, cette expérience nous invite à réfléchir à notre réaction face à une crise sanitaire et remet en cause le fait d'anticiper le risque avant qu'il ne survienne.

Les sondages d'opinion, notamment ceux de Michel Setbon, montraient dès le mois de juin que les Français ne souhaitaient pas se faire vacciner. Et quelques experts affirmaient qu'il suffisait de vacciner 30 à 40 % de la population pour arrêter la propagation du virus.

Le nombre de doses de vaccins qu'il convenait de commander n'a fait l'objet d'aucun débat de société : la décision a été prise par le directeur général de la santé et la ministre de la santé, dans l'objectif de vacciner l'ensemble de la population.

Les journalistes recueillent les informations, les analysent et en rendent compte, mais ils ne créent pas l'information. Si un procès doit avoir lieu, c'est celui de l'OMS, qui, dès le début, a adressé des communiqués à tous les pays d'Europe.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure. Dans le domaine de la recherche sur le sida, les travaux communs des chercheurs, des cliniciens et des associations de malades ont permis de prendre des décisions.

Je donne maintenant la parole à M. Gérard Raymond afin qu'il nous fasse part de la position d'une association de patients face à la pandémie grippale.

M. Gérard Raymond, président de l'association française des diabétiques. Dès l'apparition de la pandémie, nous avons transmis à nos adhérents les informations que nous avait communiquées le ministère de la santé. Sur les conseils de notre expert, nous avons indiqué aux diabétiques, considérés comme une population à risque, que la vaccination, bien que n'étant pas obligatoire, leur était conseillée.

Si le public n'a pas cru à la pandémie, c'est que nous avons perdu la bataille de la communication. Pourquoi, alors qu'au mois de juillet 70 % des Français se disaient prêts à se faire vacciner, ils n'ont été que 7 % à le faire durant la campagne ? C'est qu'entre temps, certains messages avaient brouillé la communication et que le manque de transparence avait entamé la confiance des Français.

J'ai moi-même ressenti une certaine défiance, en particulier à l'égard des représentants politiques et des institutions : conflits de compétences, confusions, carences dans le pilotage... sans parler du flou qui entourait certaines fonctions, et des discours pas toujours cohérents. Il faut savoir avouer son incompétence. Face à ces tâtonnements, nous avons vu émerger le bloc, relativement homogène, des personnes défavorables au vaccin.

On nous a adressé des messages difficiles à comprendre pour les profanes, en particulier à propos des adjuvants. Les industriels ont manqué de transparence sur ce point. Quant aux experts, ils ont été soupçonnés de connivence avec l'industrie pharmaceutique. Par ailleurs, la population n'a pas compris pourquoi on avait écarté le médecin de premier recours. Ce fut là une grave erreur politique. Enfin, pouvait-on avoir confiance dans une organisation qui proposait de vacciner dans les gymnases ? Il est vrai que la polémique est aujourd'hui mondiale, et que l'OMS n'a pas aidé à clarifier la situation, loin s'en faut.

À quel moment est-il opportun d'engager un débat public, et comment l'harmoniser ? Notre association de patients a toute sa place dans ce débat. Nous sommes nous aussi très favorables à la démocratie sanitaire, car nous considérons que chaque Français - en tant que citoyen, usager et patient - est un acteur du système de santé.

Les questions de santé relèvent de l'intime, mais la population ne peut mener une action en dehors des associations. Face à un problème de santé publique, la priorité est d'organiser le débat public. Nous nous sommes dotés d'organismes et de structures susceptibles de faire émerger le débat démocratique, comme les Conférences nationale et régionales de santé. Ne peut-on, sur ces questions, organiser des conférences publiques, chargées de recueillir un consensus ?

L'expertise profane que représentent les associations doit être prise en compte. Il est facile de montrer du doigt les failles des uns et des autres. Nous souhaitons, pour notre part, que cette crise invite les élus, l'État, le ministère de la santé et les organismes compétents à engager avec les citoyens une réflexion sur la gestion des crises sanitaires. Nous regrettons de ne pas avoir été associés en amont, alors que l'on en avait pourtant le temps, ce qui ne sera peut-être pas le cas lors de la prochaine crise sanitaire.

J'insiste sur le rôle important du Haut conseil de la santé publique et des observatoires régionaux de la santé pour encourager la démocratie participative et animer le débat public.

Mme Michèle Rivasi, membre du Parlement européen, membre de la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire. Je remercie l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'avoir organisé ces tables rondes qui confirment la participation des citoyens, des experts et des médias à la vie publique.

J'ai été très étonnée d'entendre, dès le mois de juin 2009, parler de pandémie grave, car nous ne savions alors pas grand-chose de la maladie. Avec un certain nombre de médecins, nous avons cherché à en savoir plus. Dès le mois de septembre, la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire du Parlement européen a procédé à l'audition de différents organismes, dont le Center for disease control (CDC) et la European Medicines Agency (EMEA) .

Au mois de juillet, j'avais déjà fait part à Mme Bachelot de mon étonnement devant la précipitation dans laquelle était organisée la campagne de vaccination massive et le nombre de vaccins commandés, car les questions portant sur la nature du vaccin et l'emploi d'un adjuvant n'étaient pas réglées. En effet, aucun adjuvant ne paraissait inoffensif : ni l'aluminium, ni le squalène, que les États-Unis remettaient en question, ni le thimerosal, à base de mercure, que l'on souhaitait utiliser pour les doses collectives.

En septembre, alors qu'en France les journaux et la presse audiovisuelle engageaient les femmes enceintes à se faire vacciner, la représentante du CDC indiquait devant la Commission européenne que les enfants et les femmes enceintes ne faisaient pas partie de la population à risque. Concernant ces dernières, les résultats de la première étude clinique ne seraient communiqués qu'en décembre. Quant aux enfants, la nécessité d'employer un adjuvant était encore à l'étude.

J'ai interrogé le représentant de l' EMEA sur la procédure accélérée, justifiée par l'importante demande de vaccins, compte tenu du manque d'études cliniques et de l'absence d'autorisation de mise sur le marché. Il m'a répondu qu'en l'absence de véritable étude clinique, il convenait d'utiliser le même prototype que pour le vaccin contre la grippe H5N1...

Si nous voulons associer les citoyens aux décisions, il faut garantir la transparence de l'information et éviter les conflits d'intérêts. Je vous invite à lire le rapport de Paul Flynn, du Conseil de l'Europe, suite à la commission d'enquête que nous avions l'un et l'autre initiée sur les rapports entre l'OMS et les experts. M. Flynn souhaite que soit rendue publique la liste des experts qui composaient le comité d'urgence mis en place pour aider Mme Margaret Chan, directrice de l'OMS, à prendre sa décision. Le docteur Fukuda nous a répondu par la négative, prétendant que publier les noms des experts constituerait une atteinte à la vie privée. Cette réponse n'a aucun sens. Au moment où je vous parle, nous ne connaissons toujours pas le nom de ces experts, et nous ne sommes pas certains qu'ils n'ont eu aucun lien avec les laboratoires pharmaceutiques.

J'en viens à la commande des vaccins. Le 14 mai, le Premier ministre nous indique que les vaccins ont été commandés. En juillet, c'est Mme Bachelot qui déclare avoir commandé 94 millions de doses. Qui dit la vérité ? Quelle crédibilité accorder aux uns et aux autres ?

Quant au coût des vaccins, il est passé de 1,5 milliard à 500 millions d'euros. Et que vont devenir les masques que les communes et les entreprises ont été obligées d'acheter ?

Notre pays est un peu la risée de l'Europe. Alors qu'en Suède, 70 % de la population a été vaccinée, pourquoi en France, alors que nous avons acheté 94 millions de doses, n'avons-nous vacciné que 5,5 % de la population ? Pourquoi la population française ne croit-elle pas en ses autorités ? Pourquoi avoir commandé autant de vaccins ? Pourquoi avoir tant hésité entre les vaccins à dose unique et les vaccins à deux doses ? Qui a défini les populations critiques et les procédures accélérées ? Pourquoi avoir annoncé l'extension de la grippe H1N1 alors que nous n'avons jamais enregistré plus de 50 % de prélèvements positifs ?

Nous avons eu ce matin confirmation de certains dysfonctionnements, en particulier au sein de l'InVS. J'aurais aimé que Mme Weber reconnaisse que les membres de l'Institut se sont trompés et que les modèles sur lesquels ils se sont appuyés pour évaluer le nombre de morts ne correspondent pas à la réalité. C'est d'autant plus étonnant qu'ils détenaient dès le mois de juillet des éléments permettant de valider ces chiffres ou de les invalider. M. Flahaut prévoyait 36 000 morts. Le 13 octobre, on ne parlait plus que de 6 000 à 15 000. S'ils veulent retrouver leur crédibilité, les responsables doivent admettre qu'ils se sont trompés, et que leurs évaluations étaient fausses.

On attribue à la grippe saisonnière entre 3 000 et 5 000 morts par an, même si, selon l'Afssaps, ces chiffres sont sous-estimés. La grippe H1N1, elle, a fait 312 morts, mais on déplore 1 330 cas de personnes vaccinées souffrant d'effets secondaires sévères. Lorsqu'ils comparent ces chiffres, les Français ne peuvent que critiquer nos décisions !

En Pologne, selon la ministre de la santé polonaise, qui a été auditionnée par la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire du Parlement européen, la grippe a fait 140 morts, et on n'a déploré aucun cas d'effets secondaires, sur une population de 40 millions d'habitants. D'où la nécessité d'évaluer de façon systématique le rapport bénéfice-risque !

Il serait intéressant de connaître le nombre de victimes de la grippe saisonnière ainsi que les avantages et inconvénients de la vaccination, collective et individuelle. On nous a conseillé de ne pas faire vacciner nos enfants, mais de nous faire vacciner nous-mêmes pour les protéger. Quelle est la solution la plus efficace ? On nous a dit que pour protéger les malades, il fallait vacciner le personnel médical. Dispose-t-on d'études permettant de le démontrer ? Sur toutes ces questions, les expertises nous font vraiment défaut. Savez-vous que les vaccins - un vaccin trivalent pour les virus H1N1 et H3N2 et un vaccin monovalent - qui seront mis à la disposition des Français en septembre sont déjà prêts ?

J'en appelle à l'Office parlementaire pour que les agences, les experts qui ont participé au Comité de lutte contre la grippe et le Haut conseil de la santé publique admettent qu'ils se sont trompés, fassent leur autocritique et reconnaissent qu'ils ont surestimé la grippe H1N1. Ils doivent revoir leurs modèles et la façon dont sont effectuées les expertises.

Il faut par ailleurs revoir les contrats dormants. Ces contrats, signés par la France en 2005 concernant le virus H5N1, prévoient que les Gouvernements sont responsables des effets secondaires, et non plus les laboratoires. Cette disposition est inadmissible. Pourquoi n'avons-nous vu aucun laboratoire chinois ou indien ? Pourquoi les adjuvants étaient-ils brevetés ? Pourquoi les vaccins étaient-ils beaucoup plus chers que les vaccins classiques ?

Il faut que la France connaisse l'identité des experts de l'OMS, dont je remets en question l'objectivité et la pertinence, et propose à l'OMS une nouvelle définition de la pandémie, fondée sur sa gravité et non sur son extension géographique.

Je rejoins Marc Gentilini en ce qui concerne la pensée unique des experts. J'ai participé à quelques émissions de radio en présence de Roselyne Bachelot. Toutes les personnes présentes étaient favorables à la vaccination, voulant à tout prix protéger la population française. « Et si un enfant mourrait ? » ? a-t-on entendu. Or ce ne sont pas les enfants qui sont morts, mais les personnes âgées de quarante à cinquante ans. Je ne disposais alors, hélas, d'aucun élément de preuve.

Certaines associations, pour la plupart anglo-saxones, souhaitent qu'au Comité de lutte contre la grippe, rattaché au ministère, soient associés des experts, des contre-experts, des associations et des médecins.

Enfin, notre système de santé est beaucoup trop hiérarchisé. Qui, du ministère de l'intérieur ou du ministère de la santé, détenait réellement le pouvoir ? Qui a demandé aux gens de faire la queue dans les gymnases avec leurs enfants ? alors que nous faisions face à une épidémie grippale ? Quelle absence de bon sens ! Nous devrions avoir la possibilité de remettre en question les décisions qui viennent d'en haut mais qui sont totalement aberrantes. C'est une véritable révolution culturelle qu'il faut engager, à laquelle contribueront, je l'espère, les commissions d'enquête parlementaires. Malheureusement, il n'y aura pas de commission d'enquête au Parlement européen : la Conférence des présidents en a décidé ainsi, quelques groupes, dont le Parti populaire européen, s'y étant opposés. C'est dommage. Dans ces conditions, l'Europe peut-elle être indépendante de l'OMS ?

Les institutions comme l' EMEA et le CDC sont payées pour informer objectivement les représentants politiques et la Commission européenne et les aider à adopter une attitude plus critique vis-à-vis de l'OMS. Les experts français ont-ils donné à la ministre de la santé les informations les plus objectives et les plus rationnelles possible ? Je n'en suis pas certaine.

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