IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

A. DÉBAT SUR LA SITUATION DES MIGRANTS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

1. Les accords de réadmission, un mécanisme de renvoi des migrants en situation irrégulière

Les accords de réadmission reprennent et précisent l'obligation pour un pays d'accueillir à nouveau ses propres ressortissants. Certains accords peuvent également contraindre des Etats à la réadmission de ressortissants de pays tiers ayant transité sur leur territoire. L'Union européenne a négocié une centaine d'accords de la sorte. Détaillés, ils indiquent les procédures administratives relatives au retour, les documents requis, les coûts et la répartition de ceux-ci.

Les accords de réadmission ne comportent en principe aucune menace à l'encontre des droits de l'Homme. La mesure la plus contestable demeure en effet la décision d'expulser la personne concernée, l'accord de réadmission n'étant qu'une disposition technique. La commission des migrations, des réfugiés et de la population relève néanmoins que certains accords ne sont pas sans incidence en matière de droits de l'Homme, notamment dans les cas liés à la réadmission de ressortissants de pays tiers. Le risque tient en effet à l'intégration, au sein de ces accords de réadmission, de possibilités de mettre en oeuvre des procédures accélérées aux frontières, empêchant les migrants d'effectuer une demande d'asile dans les territoires qu'ils traversent. La commission souligne en outre que ces accords peuvent être utilisés pour mettre en oeuvre des décisions erronées.

La résolution adoptée par l'Assemblée invite à la conclusion d'accords de réadmission avec des pays sûrs où les droits sociaux sont garantis. Le texte insiste sur la nécessité de privilégier des accords avec les pays d'origine plus qu'avec les pays de transit. Les accords devraient également être publics et soumis à évaluation régulière. Le respect des valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe doit bien entendu être au coeur de ce type de conventions.

2. Les programmes de retour volontaire : un moyen humain, économe et efficace d'assurer le rapatriement des migrants en situation irrégulière

Dix millions de personnes se trouvent en situation irrégulière sur le continent européen, cinq cent mille migrants entrant illégalement sur son territoire chaque année. Le retour de ces migrants apparaît comme une priorité économique, sociale et politique pour nombre d'Etats membres. Deux types de retour sont possibles. L'un, forcé, est obtenu à l'issue d'une période de rétention, synonyme de coûts pour l'Etat concerné et de souffrances humaines. L'autre s'effectue sur la base du volontariat, les personnes déboutées de leur demande d'asile ou se trouvant en situation irrégulière bénéficiant même parfois d'une aide à la réintégration, moins coûteuse qu'une mise en détention.

Ce type de programme peut, par ailleurs, constituer implicitement une forme d'aide au développement du pays d'origine et symboliser l'échec des migrations irrégulières. 1,6 million de personnes dans 160 pays ont bénéficié du retour volontaire. Compte tenu des avantages de cette formule, la commission des migrations, des réfugiés et de la population souhaite sa généralisation, en insistant néanmoins sur l'octroi d'une assistance déclinée en trois axes : aide lors de la phase préalable au départ avec une information adaptée sur le pays d'origine, prise en charge des frais de transports et assistance en nature (hébergement notamment) lors du retour effectif.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a cependant souhaité tempérer tout enthousiasme sur ce type de procédure :

« L'excellent rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population souligne avec justesse l'intérêt des programmes d'aide au retour volontaire pratiqués dans un certain nombre d'Etats membres. Il ne m'appartient pas de remettre en cause le principe de tels projets. Il convient néanmoins de veiller à ce que ce retour soit un choix délibéré du migrant et permette de lui donner une chance de reconstruire une vie conforme à la dignité humaine dans son pays d'origine.

Il est nécessaire, à cet effet, de transmettre à l'intéressé des informations détaillées avant le départ du migrant et de mettre en place un accompagnement social à son arrivée. Le candidat au retour devrait pouvoir bénéficier dans son pays d'une aide à la réintégration, prenant en compte les besoins identifiés avant son départ : accès au logement, prise en charge de frais médicaux, formation, emploi, création d'entreprise.

Une prise en compte des problèmes psychosociaux qu'un retour peut causer est également indispensable. Quand les personnes reviennent dans leurs pays d'origine, elles ont, le plus souvent, des attentes déconnectées de la réalité et pensent ainsi à tort que leur famille va les accueillir à bras ouverts. La perception de l'autre a changé au cours des années de séparation. Par ailleurs, le retour peut être assimilé à un véritable échec, générant chez le migrant de retour stress, sentiment de honte et culpabilité. Les psychiatres parlent ainsi de « re-entry shock ». Le migrant a le sentiment qu'il n'appartient plus à personne et se retrouve confronté à une impossibilité de déterminer un sens à sa vie. L'aide d'un psychologue apparaît donc nécessaire.

Au-delà de la procédure elle-même, sait-on, par exemple, ce que sont devenues les personnes une fois revenues au pays ? Une assistance à la réintégration diversifiée et individualisée permet d'augmenter les possibilités de réintégration durable sans, bien évidemment, la garantir.

Pour autant, ne nous voilons pas la face. Donner une prime au retour ne change pas les conditions de vie sur place. L'argent de la réintégration est souvent utilisé sur place en vue d'une nouvelle émigration. Il est avant tout indispensable que la prime octroyée puisse favoriser la création d'une activité génératrice de revenus.

Pour permettre une réintégration digne et durable, il est nécessaire de travailler au niveau de l'individu, mais aussi au niveau de la communauté à laquelle il appartient. Cela signifie, en pratique, appuyer et renforcer les initiatives menées dans les pays d'origine, que ce soit en matière d'accompagnement psychosocial, de microcrédit ou, quand cela n'existe pas, de soutenir leur mise en place. La pertinence de ce type de politique ne sera alors plus sujette à interrogation, une personne bien réintégrée ayant moins tendance à penser à ré-émigrer. Il est donc essentiel que les programmes de réinsertion soient poursuivis et étendus au plus grand nombre de pays possibles et ce, dans le cadre d'une politique de long terme. »

La résolution adoptée par l'Assemblée invite les Etats membres à privilégier ce type de procédure déclinée en trois étapes. Les gouvernements doivent néanmoins veiller à ce que ces retours s'effectuent réellement sur la base du volontariat, et à inclure dans les bénéficiaires de l'aide le plus grand nombre de personnes, tout en tenant compte des besoins spécifiques des migrants les plus vulnérables (mineurs, personnes ayant des problèmes de santé, victimes de la traite des humains). Un soutien à l'Organisation internationale des migrations qui encadre le plus souvent ce type de procédure doit également être apporté.

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