B. LES BUDGETS DU CONSEIL DE L'EUROPE POUR L'ANNÉE 2011

La réforme du Conseil de l'Europe telle qu'envisagée par le Secrétaire général, M. Thorbjørn Jagland, s'appuie sur quatre piliers. Le premier concerne la gouvernance et la gestion de l'organisation : la rationalisation des activités des différentes instances, l'évaluation de celles-ci sont le préalable à toute réforme d'envergure. Le deuxième pilier constitue le pilier opérationnel : le Secrétaire Général réfléchit à une concentration des activités du Conseil sur les thèmes où il détient une réelle valeur ajoutée. L'objectif est de créer, parallèlement à ce resserrement, un réseau de bureaux du Conseil délocalisés, dans des conditions de stricte neutralité budgétaire. Le troisième pilier est celui des structures, le Secrétariat général devant être structuré de façon à réaliser les objectifs politiques de l'Organisation. Le quatrième pilier concerne, quant à lui, directement la Cour, victime de son propre succès.

Le budget 2011 a été conçu en vue de donner corps à cette réforme et concrétiser les trois objectifs présentés par le Secrétaire général devant le Comité des ministres, début mai, lorsqu'il a décliné le programme d'activités pour l'année à venir :

- recentrage du Conseil de l'Europe sur son « coeur de métier » : promotion des valeurs démocratiques et des droits de l'Homme ;

- réforme du statut du personnel ;

- maîtrise de la masse salariale.

Le Secrétaire général présente à cet effet un budget fondé sur trois piliers principaux - droits de l'Homme, Etat de droit et démocratie -, un pilier supplémentaire couvrant les organes directeurs, les services généraux et les dépenses diverses.

M. Jean-Claude Frécon (Loire - SOC) a souhaité saluer la traduction, dans le budget 2011, de la volonté réformatrice du nouveau Secrétaire général :

«Monsieur le Président, chers collègues, je tiens tout d'abord à féliciter M. Cebeci pour le caractère équilibré et exhaustif de son projet d'avis sur les questions budgétaires et sur les priorités du Conseil de l'Europe pour 2011, auquel je souscris. Il me semble essentiel, en effet, que les premières reflètent les secondes.

En 2011, le Conseil de l'Europe, à l'instar de nombre d'Etats, doit réaliser des économies en raison des fortes perturbations des marchés financiers, lesquelles ont été jusqu'à faire douter de l'avenir de l'euro. Ces Etats, en partie responsables de leur situation à force d'accumuler des dettes, sont dans la même situation. Or, pour eux comme pour le Conseil de l'Europe, la période difficile que nous traversons doit être mise à profit afin de réaliser les réformes qui s'imposent. C'est hélas ! le plus souvent dans l'urgence, que nous réagissons avec vigueur. Dans le monde actuel, la crédibilité et les moyens que l'on se donne pour assurer cette dernière sont fondamentaux. Nous devons donc considérer la crise comme une possibilité qui nous est offerte pour engager de profondes réformes et c'est précisément ce que le Conseil de l'Europe est en train de faire - en tout cas il faut l'espérer.

Le nouveau Secrétaire général de notre institution, M. Jagland, n'a quant à lui pas perdu de temps. Quelques mois après son élection par notre Assemblée, il a en effet présenté au Comité des ministres un ambitieux programme de réforme visant à recentrer le Conseil de l'Europe sur son «coeur de métier» afin d'améliorer son efficacité et d'accroître sa visibilité. Le Conseil de l'Europe doit en effet se concentrer sur ce qu'il sait faire de mieux et se repositionner sur les secteurs où il représente un indéniable «avantage comparatif», où il a une authentique valeur ajoutée. À ce titre, j'estime dommageable que l'Union européenne ait parfois cherché à conduire sa propre politique en matière de protection des droits fondamentaux alors qu'elle aurait pu davantage faire appel aux compétences de notre Conseil.

Par ailleurs, la situation budgétaire très dégradée de la plupart des principaux contributeurs nationaux au budget du Conseil de l'Europe oblige ce dernier à repenser son format et ses missions. C'est notamment le cas avec le redéploiement de son réseau de représentation extérieure afin de rendre celui-ci plus simple et plus efficace.

Il est également vrai que certaines activités seront arrêtées, suspendues ou réduites, mais elles pourront éventuellement être poursuivies par les Etats qui le souhaitent dans le cadre d'accords partiels. A cet égard, nous devons rester vigilants sur les principes essentiels du Conseil de l'Europe, car la tentation, et même la tentative de «sortir du cadre» sont toujours bien présentes. J'ajoute que certains Etats membres préfèrent sans doute que le Conseil parle de dialogue interculturel plutôt que de droits de l'Homme.

En outre, le Secrétaire général a travaillé en étroite collaboration avec le Comité des ministres et n'a pas non plus ménagé ses efforts pour faire oeuvre de pédagogie en direction des personnels afin de leur faire partager les objectifs de la réforme. Certes, le dialogue n'est pas toujours facile, mais je suis persuadé que le réforme sera d'autant mieux comprise que les problèmes auront été discutés. Notre Conseil de l'Europe étant parvenu à un tournant décisif, sachons accompagner son inéluctable évolution ! »

L'Assemblée parlementaire est placée au sein du « pilier démocratie» sous le chapitre « démocratie parlementaire ». Comme l'a souligné la commission des questions économiques et du développement, le rôle et les compétences de l'Assemblée sont transversaux et ne peuvent être limités au seul volet démocratie. Un élargissement à l'Assemblée du quatrième pilier lui apparaît donc nécessaire.

Les priorités annoncées par le Secrétaire général sont, par ailleurs, saluées par l'avis adopté : consolidation du Bureau du Commissaire aux droits de l'Homme, renforcement des mécanismes de suivi, élaboration d'une nouvelle politique de communication.

M. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) a, à cet égard, souligné la nécessité de renforcer la visibilité des travaux du Conseil :

« Je tiens à saluer le travail remarquable effectué par le rapporteur sur un sujet difficile: les budgets et priorités du Conseil de l'Europe pour l'exercice 2011.

La réforme d'envergure entreprise par notre nouveau Secrétaire général, Thorbjørn Jagland, est courageuse. Il nous appartient, à nous, Assemblée parlementaire, de la soutenir. Le rôle du Conseil de l'Europe dans l'architecture institutionnelle européenne mérite que nous agrégions nos forces pour le soutenir.

Les perspectives budgétaires pour 2011 vont dans la bonne direction puisqu'il s'agit de recentrer les priorités du Conseil de l'Europe vers les activités de promotion de l'Etat de droit et de protection des droits de l'Homme.

Par ailleurs, ce rapport met en exergue le dialogue nécessaire entre notre Assemblée et l'exécutif du Conseil de l'Europe.

Néanmoins, je souhaiterais souligner quatre points du rapport qui me semblent fondamentaux et mériteraient d'être pris en compte.

En premier lieu, il me semble important, comme le préconise le rapporteur, que les Etats membres envisagent la possibilité d'établir un budget séparé pour la Cour européenne des droits de l'Homme tout en la maintenant dans la structure du Conseil de l'Europe.

Cela permettrait de mieux évaluer le coût de la Cour européenne des droits de l'Homme, tout en permettant de trouver une structure de financement pérenne.

En effet, l'entrée en vigueur du Protocole 14 et le processus d'Interlaken semblent dessiner des perspectives optimistes à l'engorgement actuel du prétoire de la CEDH. Cependant, ces perspectives demeurent lointaines et l'adhésion programmée de l'Union européenne à la Cour européenne des droits de l'Homme devrait avoir pour conséquence mécanique l'arrivée de nouveaux contentieux.

D'autre part, je souscris entièrement à la proposition du rapporteur d'établir des perspectives pluriannuelles de dépenses. Cela offrirait, en effet, une visibilité plus grande en termes de perspectives financières à long terme.

De plus, la proposition du rapporteur d'intégrer le rôle de l'Assemblée parlementaire dans un quatrième pilier intitulé «Organes statutaires, services généraux et autres» me semble particulièrement importante eu égard aux fonctions de l'APCE.

En effet, le rôle de l'Assemblée parlementaire ne réside pas uniquement dans la promotion de la démocratie parlementaire. Elle est un des organes essentiel du Conseil de l'Europe: qu'il s'agisse de l'élection de juges qui siègeront à la Cour, de l'élection du Secrétaire général, du Commissaire aux droits de l'Homme, etc.

J'en profite pour préciser que son rôle pourrait être élargi à des procédures de contrôle, notamment en ce qui concerne le suivi de la signature et de la ratification par les Etats membres, des conventions et des protocoles additionnels à la Cour européenne des droits de l'Homme.

Pour finir, et ce n'est pas le moins important, il me semble nécessaire de repenser la politique de communication de notre Organisation. Les sessions de l'Assemblée parlementaire sont un moment fort de notre Organisation et lui donnent une visibilité importante. Cependant, on trouve peu d'échos de cette visibilité dans les médias nationaux et internationaux.

Sans visibilité médiatique, c'est le prestige de notre institution qui souffre. Il me semble crucial d'y remédier, voire de réfléchir lors d'un futur rapport à la manière dont on pourrait améliorer la politique de communication de l'APCE.

Le Conseil de l'Europe a bien, en effet, vocation à devenir le «Davos de la démocratie». Mais un «Davos» ouvert à l'ensemble des acteurs qui promeuvent les droits de l'Homme!

Souhaitons au Conseil de l'Europe une médiatisation équivalente à celle de Davos!

C'est parce que nous croyons aux valeurs du Conseil de l'Europe et à son rôle fondamental que nous ne pouvons pas accepter que la situation de crise économique que nous traversons se traduise par une réduction budgétaire de la part des gouvernements eu égard aux enjeux qui sont les nôtres. »

Le texte adopté par l'Assemblée est, par contre, plus réservé en ce qui concerne la création de bureaux de liaison dans certaines capitales européennes, les frais engendrés étant difficilement acceptables en période de récession budgétaire. D'autant que le projet de budget pour 2011 prévoit la fermeture de bureaux d'information pourtant utiles, l'Assemblée militant ainsi pour la conservation du bureau d'information de Minsk (Biélorussie).

Concernant la maîtrise de la masse salariale, l'Assemblée souhaite que le Conseil ne cède pas à la tentation de fixer un pourcentage indépassable. La croissance de la part des rémunérations au sein du budget du Conseil lui semble, en effet, liée au renforcement des secteurs prioritaires de l'Organisation : Cour européenne des droits de l'Homme, service d'exécution des arrêts de la Cour ou Commissariat aux droits de l'Homme.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP), président de la délégation , a insisté pour que la réduction des dépenses ne fragilise pas les missions du Conseil :

« J'approuve également l'excellent rapport de notre collègue et ami M. Cebeci qui se situe d'ailleurs dans la droite ligne de ceux de son prédécesseur, M. Paul Wille.

Il est grand temps de taper du poing sur la table si l'on veut se faire entendre d'un certain nombre d'Etats qui, aujourd'hui, persistent à ne pas regarder les choses en face ! La crise économique a bon dos. Il suffit de regarder l'attitude de certains pays pour constater qu'ils ne veulent pas augmenter le budget mis à la disposition du Conseil de l'Europe et de son Assemblée parlementaire afin qu'ils soient à même de répondre à une mission qui, depuis soixante ans, est pourtant immuable. Or notre budget de 2011 est revenu au niveau de 2009 et je n'ai pas le sentiment que nous nous livrions à des dépenses de luxe. Bien au contraire, je crois que cette maison, depuis très longtemps, est exemplaire. Je le répète: il est grand temps de tirer la sonnette d'alarme !

Je soutiens quant à moi le projet de rénovation engagé par notre Secrétaire général, mais j'estime que si des économies sont nécessaires, elles ont néanmoins des limites, comme l'a dit notre collègue M. Kox. Il n'est en effet pas acceptable d'en réaliser au détriment de nos missions de défense de la démocratie et des droits de l'Homme. Qu'est-ce qui coûte cher ? La Cour européenne des droits de l'Homme ? Faut-il la supprimer ? Bien sûr que non ! Il faut lui donner les moyens de fonctionner correctement ! La ratification du Protocole 14, quant à elle, ne diminuera pas le budget dont nous avons besoin pour faire fonctionner notre fleuron. Oui, chaque Etat doit prendre ses responsabilités ! Je ne vois pas non plus pourquoi il faudrait passer par pertes et profits la Direction européenne de la qualité du médicament, plus connue sous le nom de Pharmacopée, ou le Comité de prévention contre la torture et bien d'autres organes encore !

Il faut se donner les moyens d'exister et, pour ce faire, être entendu du Comité des ministres en faisant en sorte que nos ambassadeurs relaient nos propos. Enfin, dans chacun de nos parlements respectifs, nous devons faire remonter nos requêtes auprès des ministres compétents en appelant leur attention lorsqu'ils viennent nous rendre visite.

Je suis par ailleurs surpris de constater que le budget de la dernière invention de l'Union européenne, l'Agence européenne, soit passé en très peu de temps de 14 à 20 millions d'euros. Que l'on songe donc à nos 15 millions ! Un vrai problème se pose.

Monsieur le rapporteur, je ne doute pas que votre travail sera unanimement approuvé et, d'ores et déjà, je puis vous assurer d'un soutien aussi total que celui que j'apportais aux rapports présentés par votre prédécesseur, que je tiens d'ailleurs à saluer. »

A cet égard, afin de clarifier le poids de la Cour dans les crédits dévolus au Conseil, l'Assemblée appelle de ses voeux la mise en place d'un budget séparé pour la Cour, sans toutefois remettre en cause son statut d'organe du Conseil de l'Europe.

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