N° 732

SÉNAT

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le bilan de la réforme du régime spécial de retraites de la SNCF ,

Par M. Bertrand AUBAN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Mesdames, Messieurs,

Unifiés par la loi du 21 juillet 1909, les différents régimes de retraites des anciennes compagnies de chemins de fer sont à l'origine du régime spécial du personnel de la SNCF. Celui-ci a conservé son autonomie lors de la création du régime général de sécurité sociale en 1945. Il présente, parmi les vingt-et-un régimes de retraite de base 1 ( * ) , des caractéristiques particulièrement favorables en matière notamment d'âge d'ouverture du droit à la retraite et de mode de calcul des pensions.

Après une première vague de réformes qui ont principalement consisté à allonger la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein et le nombre des « meilleures années » prises en compte pour calculer le montant des pensions du régime général en 1993 et de la fonction publique 2 ( * ) en 2003, la question de la réforme des régimes spéciaux s'est inévitablement posée. Le fait qu'ils présentent des déséquilibres démographique et structurel implique que l'équilibre financier de ces régimes vieillesse repose très largement soit sur l'Etat en ce qui concerne certaines entreprises publiques, notamment la SNCF, soit sur le régime général pour les caisses qui y sont adossées (par exemple les industries électriques et gazières (IEG).

Dans un premier temps, le régime de la Banque de France a été modifié le 1 er avril 2007. Puis, dans la foulée, la réforme des régimes spéciaux de 2008 a concerné six autres systèmes de retraite : SNCF, RATP, Opéra de Paris, Comédie française, IEG, clercs et employés de notaires. Les modifications apportées ont conduit à un rapprochement partiel des droits et à aligner progressivement, avec un décalage dans le temps, les barèmes de décote et de surcote sur ceux applicables à la fonction publique et au régime général .

Deux ans après la réforme du régime spécial de la SNCF intervenue le 1 er juillet 2008, le temps est venu d'en dresser un premier bilan . L'enjeu est d'importance. En effet, la subvention de l'Etat aux retraites des cheminots, supérieure à deux milliards d'euros depuis 1995, a constamment augmenté 3 ( * ) et dépassera les trois milliards d'euros en 2010. Alors que le nombre de cotisants s'élevait à environ 162 000 actifs au 31 décembre 2009, pour 291 000 pensionnés , la part du financement public dans l'équilibre du régime atteint 60 % et devrait continuer à progresser dans les prochaines années : de 3,2 milliards d'euros en 2011 à plus de 3,3 milliards d'euros jusqu'en 2015 .

Même si les mesures adoptées en 2008 n'avaient pas pour ambition de répondre au besoin de financement du régime, qu'en est-il de l'objectif d'économie alors présenté par le Gouvernement à l'appui de cette réforme ? Quelles sont les conséquences financières de la prolongation d'activité des agents sur l'entreprise SNCF ?

De plus, le nouveau projet de loi portant réforme des retraites , actuellement en discussion devant le Parlement, a pour objectif de rééquilibrer le financement global du système de retraites par répartition en prévoyant, notamment, le report de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018. Cette réforme, qui devrait s'appliquer aussi bien aux salariés du secteur public qu'à ceux du secteur privé, aura-t-elle un impact sur le régime spécial de la SNCF ?

C'est pour répondre à l'ensemble de ces questions que, dans le cadre du « Rendez-vous 2010 » pour les retraites , votre commission des finances a organisé un cycle d'auditions au cours duquel votre rapporteur spécial a entendu, le 2 juin dernier, les directeurs des caisses de retraite des personnels de la SNCF et de la RATP, ainsi que les responsables en charge des relations sociales dans ces deux entreprises. Il a également rencontré les représentants des quatre organisations syndicales représentatives de la SNCF au niveau national 4 ( * ) .

Par ailleurs, le présent rapport d'information présente également un suivi des recommandations formulées par votre rapporteur spécial lors d'un précédent contrôle effectué en 2008 sur la caisse de retraite du personnel de la RATP 5 ( * ) .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPECIAL

1) S'agissant du bilan de la réforme du régime spécial du personnel de la SNCF


• Le régime de retraite des cheminots étant durablement déficitaire, du fait du déséquilibre démographique, la réforme de 2008 n'avait pas pour ambition un retour à l'équilibre financier de la branche vieillesse.


• La part du financement public dans l'équilibre du régime atteint aujourd'hui 60 % et, à moyen terme, la subvention d'équilibre de l'Etat continuera à progresser de 3,2 milliards d'euros en 2011 à plus de 3,3 milliards d'euros jusqu'en 2015.


• La réforme ne devrait, au mieux, que limiter cette progression. La réactualisation effectuée en 2009 par la CPRPSNCF de l'estimation initiale du Gouvernement (500 millions d'euros d'économies cumulées en 2012) présente pour le régime spécial des perspectives d'économies, de l'ordre de 300 millions d'euros par an sur la période 2009-2030 , soit 10 % de la subvention d'équilibre de l'Etat. Selon ces projections, le gain cumulé en 2030 dépasserait 6,5 milliards d'euros .


• Les dernières prévisions fournies par la CPRPSNCF montrent, à long terme, un mouvement constant de décroissance de la charge des pensions de 2015 à 2030 pour des raisons démographiques . En euros constants 2010, la subvention d'équilibre repasserait sous la barre des trois milliards d'euros en 2023 (2,88 milliards d'euros) et s'élèverait à un peu plus de 2,5 milliards d'euros en 2030.


• En revanche, du point de vue de l'entreprise SNCF , la réforme de 2008 est analysée en termes de surcoût de masse salariale . En 2009, l'accroissement des charges de personnel du fait des mesures d'accompagnement sociales mises en place parallèlement à la réforme du régime spécial avait été estimé à 126 millions d'euros . En outre, s'ajoutait le coût induit par l'impact démographique , une conséquence mécanique de la prolongation de l'activité professionnelle après l'âge d'ouverture du droit à pension, qui était de l'ordre de 50 millions d'euros en 2009. La SNCF estime que le coût annuel global de la réforme est très significatif : de 173 millions d'euros en 2009, il passe à 418 millions d'euros en 2012. La réforme de 2008 a opéré un transfert de charges substantiel du régime de retraite, dorénavant budgétairement et juridiquement autonome, vers l'entreprise .


• Votre rapporteur spécial attire l'attention sur une conséquence inattendue de l'augmentation des charges de la SNCF : l'augmentation du coût pour les régions des conventions de transport express régional (TER). En 2010, le surcoût imputé à chaque région devrait être de l'ordre de deux millions d'euros en moyenne et de 24 millions d'euros pour le STIF.


• Dans le cadre du « Rendez-vous 2010 » pour les retraites, votre rapporteur spécial constate que le projet de loi portant réforme des retraites ne comporte aucune disposition expresse concernant l'application de la réforme des retraites aux régimes spéciaux . A la condition que les textes réglementaires d'application de la réforme des retraites soient publiés, les assurés des régimes spéciaux ne seraient pas concernés avant 2017 par l'augmentation progressive du nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier du taux maximum de pension ni par le relèvement de l'âge limite de maintien en service, qui passerait à 67 ans.

2) S'agissant du suivi du contrôle effectué en 2008 sur la caisse de retraite de la RATP


• Sur six recommandations, cinq portant sur la gestion et le financement du régime ont été suivies d'effets satisfaisants.


• En revanche, la recommandation tendant à relancer d'urgence la procédure d'adossement au régime général et aux régimes complémentaires est restée lettre morte . Cette opération était suspendue, depuis 2007, à une décision de la commission de Bruxelles qui devait établir si la création de la caisse présente ou non le caractère d'une aide illicite à la RATP. Or, cet obstacle a été levé en 2009, la Commission européenne ne posant pas d'obstacle à la création de la CRPRATP. Le dossier n'a guère progressé depuis l'enquête effectuée auprès de la caisse de retraite du personnel de la RATP en juin 2008 et le financement des charges de retraites repose toujours, de ce fait, sur les seules cotisations sociales vieillesse et sur la dotation d'équilibre de l'Etat.


La réforme du régime de retraite spécial de la RATP produirait également une économie , mais beaucoup plus mesurée que dans le cas du régime spécial de la SNCF, et à compter de 2015 seulement. En 2020, le gain ne serait que de 23 millions d'euros , qui ne représenteraient que 2,2 % du total des pensions servies.


• Toutefois, de son côté, la RATP a procédé à un chiffrage du surcoût induit par les mesures salariales d'accompagnement de la réforme . Celles-ci devraient entraîner une augmentation des charges de salaires pour la RATP de 10,5 millions d'euros dès 2012 , alors même que la réforme de 2008 n'aura, à cette date, produit aucune économie. A compter de 2015, cette charge supplémentaire devrait atteindre près de 14 millions d'euros. De 2015 à 2018, les économies issues de la réforme de 2008 seront inférieures aux surcoûts salariaux .


* 1 Les vingt-et-un régimes de base sont regroupés au sein du GIP Info Retraite : régime général (salariés du privé non agricole - CNAV), MSA salariés (salariés agricoles), MSA non-salariés (non-salariés agricoles), régimes des fonctionnaires civils et militaires, FSPOEIE (ouvriers des établissements industriels de l'État), CNRACL (collectivités locales), régimes des mines, CNIEG (industries électriques et gazières), SNCF, RATP, ENIM (marins), CRPCEN (clercs et employés de notaires), CAVIMAC (cultes), Banque de France, Opéra de Paris, Comédie française, RSI (artisans et commerçants), CNAVPL (professions libérales), CIPAV (architectes et autres professions libérales), CNBF (avocats), Port autonome de Strasbourg. A ces vingt-et-un régimes s'ajoutent un certain nombre de régimes regroupant un nombre limité d'assurés - dont de nombreux régimes « fermés » et des régimes « locaux » (Alsace-Lorraine notamment).

* 2 La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites prévoit un allongement de la durée de cotisation, soit 40 ans en 2008 pour les fonctionnaires ainsi alignés, sur ce point, sur le régime général. Il a également été prévu que la durée de cotisation s'allonge progressivement pour l'ensemble des actifs à 41 ans en 2012.

* 3 Cf. annexe III « Evolution des comptes sur la période 1995-2009 ».

* 4 Ont été auditionnés par le rapporteur spécial les quatre syndicats de la SNCF considérés comme représentatifs au niveau national à la suite des élections professionnelles du 26 mars 2009 (CGT 39,3 % ; UNSA 18,05 % ; Sud Rail 17,67 % et CFDT 11,59 %), les autres organisations n'ayant pas atteint le seuil de 10 %.

* 5 Rapport n° 452 (2007-2008) « La caisse de retraite du personnel de la RATP : comment maîtriser le financement du régime spécial de la RATP ».

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