C. LES SOLUTIONS À METTRE EN oeUVRE POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE LA RGPP

Au vu de la situation actuelle de la DéGéOM, des modifications doivent encore être apportées à son organisation pour atteindre les objectifs initiaux fixés par la RGPP .

1. Améliorer la coopération interministérielle
a) Un rattachement au Premier ministre qui reste indispensable

Votre rapporteur spécial ne peut que rappeler la position désormais constante du Sénat quant au rattachement administratif de l'administration centrale de l'outre-mer au Premier ministre et non au ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .

Outre les arguments déjà mis en avant par la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, le fonctionnement même du ministère chargé de l'outre-mer plaide pour ce rattachement. En effet, comme l'ont rappelé Anne Bolliet et Olivier Diederichs lors de leur audition par votre rapporteur spécial, l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration ont pu relever, s'agissant de l'outre-mer, la pratique particulièrement fréquente, dans les négociations interministérielles, d'un recours direct du cabinet du ministre chargé de l'outre-mer auprès de Matignon pour faire trancher les dossiers, en « court-circuitant » en quelque sorte la négociation interministérielle. Cette pratique, qui résulte à la fois du caractère souvent très sensible des dossiers ultramarins et de la relative faiblesse administrative de la DéGéOM face à ses correspondants des ministères techniques, met en exergue le caractère interministériel des sujets ultramarins. Un rattachement de la DéGéOM au Premier ministre viendrait donc en réalité officialiser un fonctionnement qui a déjà cours au sein de l'administration centrale.

Par ailleurs, l'entretien que votre rapporteur spécial a eu avec Henri-Michel Comet, secrétaire général du ministère de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a renforcé son sentiment qu'un rattachement au Premier ministre serait bénéfique. En effet, le ministère de l'Intérieur semble ne pas avoir pris la pleine mesure des difficultés rencontrées par la délégation. Henri-Michel Comet a ainsi estimé que « la réorganisation de la DéGéOM s'est passée sans drame », ce qui ne correspond pas aux témoignages recueillis par votre rapporteur spécial lors de ses auditions rue Oudinot, et que la DéGéOM est « parfaitement connectée aux autres ministères », alors que la question de la coopération interministérielle reste le sujet majeur, dont la DéGéOM doit se saisir dans les mois qui viennent.

Interrogé par votre rapporteur spécial sur les raisons qui s'opposent au rattachement de la DéGéOM au Premier ministre, le ministère chargé de l'outre-mer a fourni la réponse suivante : « Le rattachement de la DéGéOM au ministère de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales n'est pas, en soi, un obstacle au caractère nécessairement interministériel de son fonctionnement. De même que l'autonomie de ce ministère n'avait pas suffi à asseoir complètement cette dimension.

Par ailleurs, le rôle de la DéGéOM ne saurait se réduire à un secrétariat général chargé simplement d'assurer l'interface avec les autres ministères. Il est plutôt celui d'une direction généraliste quant au périmètre de ses compétences, mais spécialisée sur des territoires spécifiques.

De ce point de vue, le rattachement au ministère de l'Intérieur n'est pas exempt d'avantages. Il permet une proximité plus forte avec certaines thématiques particulièrement sensibles traitées par plusieurs directions de ce ministère (ordre public, finances locales, affaires institutionnelles, etc.). Il permet également une relation plus étroite avec l'Etat local (préfets et haut-commissaires dans les départements et collectivités).

Le rattachement au Premier ministre reposerait en réalité la question des modalités de fonctionnement de la délégation, s'agissant à la fois des fonctions support à recréer et des possibilités de mobilité des agents de la Délégation ».

Ainsi, le seul obstacle mis en avant par le ministère a trait à la difficulté de réorganiser à nouveau l'administration centrale de l'outre-mer. On comprend en effet que cette nouvelle réforme viendrait encore bousculer l'organisation de la DéGéOM. Toutefois, est-ce une raison pour s'arrêter au milieu du gué, se contenter du rôle interministériel actuel de la DéGéOM et abandonner l'ambition de créer une réelle délégation interministérielle ? Votre rapporteur spécial ne le croit pas.

Le rattachement au ministère de l'Intérieur a certes des avantages. Mais il a aussi des inconvénients, notamment la difficulté pour le ministère chargé de l'outre-mer de faire prévaloir la situation institutionnelle très spécifique des territoires dont il a la charge au sein d'un ministère habitué à traiter de manière uniforme les collectivités territoriales françaises. Comme l'a indiqué à votre rapporteur spécial Stéphane Diémert, ambassadeur, délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane, le ministère de l'Intérieur n'est pas habitué à traiter les différences juridiques existantes entre l'outre-mer et l'ensemble des autres collectivités territoriales françaises. En outre, il n'y a pas qu'avec les thématiques relevant du ministère de l'Intérieur qu'il serait souhaitable que la DéGéOM ait davantage de proximité.

Enfin, comme l'a indiqué Stéphane Diémert, le modèle du SGAE peut être transposé au cas de l'outre-mer puisqu'il s'agirait également de créer « une administration transversale et territorialisée, dont le secrétaire général pourrait être le conseiller chargé de l'outre-mer au cabinet du Premier ministre ».

b) Améliorer la coopération avec les ministères référents

Outre le rattachement de la délégation au Premier ministre, il est impératif que la DéGéOM achève la constitution d'un réseau efficace de correspondants dans les ministères référents .

Le manque de formalisation de nombreuses coopérations porte préjudice à l'exercice des missions de la DéGéOM et conduit, à terme, à une déresponsabilisation des ministères référents sur les sujets ultramarins. Ainsi, il convient de mettre en oeuvre les préconisations formulées par Vincent Bouvier, délégué général à l'outre-mer, lors de son audition par votre rapporteur spécial, quant à l'institutionnalisation, dans chaque ministère ou dans chaque grande direction d'administration centrale, de correspondants outre-mer, voire de missions outre-mer comme cela se fait déjà au sein du ministère de l'Education nationale. La création d'un réseau public de l'outre-mer formalisé et stable, qui comprendrait des correspondants administratifs nommés par lettres de missions de leurs directeurs et des membres de cabinets ministériels clairement identifiés, serait une avancée opportune.

Par ailleurs, Alexandre Rochatte, sous-directeur, chef du service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'Etat, et Juliette Amar, chef du département de l'évaluation des politiques publiques et de la prospective, responsables de la constitution du document de politique transversale « Outre-mer », ont jugé qu'il serait utile que la DéGéOM soit associée en amont à la programmation des crédits, par exemple de l'Education nationale, alors que le document de politique transversale se contente de récapituler ex post le montant des crédits consacrés à l'outre-mer. Cette orientation semble devoir être menée dans le cadre d'un renforcement des relations entre la délégation et les ministères techniques.

2. Mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences

En matière de recrutements, il conviendrait d'améliorer les modalités de mise à disposition d'agents des ministères techniques auprès de la DéGéOM, afin de remédier aux difficultés persistantes de recrutement auxquelles fait face cette délégation. Denis Robin, directeur de cabinet, et Olivier Jacob, directeur adjoint du cabinet de la ministre de l'outre-mer ont, lors de leur audition par votre rapporteur spécial, souligné leur « déception » que le recrutement des agents de la DéGéOM ne soit pas aussi interministériel qu'il devrait l'être, sachant que « faire venir des cadres d'ailleurs permettrait d'améliorer les relations interministérielles ».

Ainsi, une coopération sur le moyen-long terme pourrait prendre la forme de conventions fixant les modalités de mise à disposition des agents des ministères techniques pour s'intégrer dans un plan de gestion prévisionnelle, notamment en termes de parcours de carrière, nécessaire au bon fonctionnement de la DéGéOM.

Outre cette coopération avec les autres ministères, la mise en place d'une réelle gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences paraît indispensable , comme l'ont souligné Didier Pérocheau, adjoint au sous-directeur chargé du service des politiques publiques, et Véronique Deffrasnes, chef du département de la cohésion sociale, de la santé et de l'enseignement. En effet, en raison du nombre important de mises à disposition au sein de cette administration, les départs sont fréquents et peuvent déstabiliser le fonctionnement d'un pan entier de la délégation lorsque, comme cela arrivera cette année en matière de logement, le chef du département arrive au terme de sa mise à disposition et que son adjoint part également.

3. Réellement progresser vers une « administration de mission »

Le principal constat qui ressort de la mise en oeuvre de la RGPP pour l'administration centrale de l'outre-mer est celui d'une réforme qui, en cours de mise en oeuvre, a abandonné ses objectifs initiaux, sans pour autant en tirer les conséquences.

Ainsi, l'objectif initial de transformation de la DéGéOM en administration de mission a été abandonné, sans pour autant que les objectifs de réduction du plafond d'emplois de la délégation aient été revus à la baisse. La DéGéOM est donc aujourd'hui censée, sans avoir été déchargée de la gestion de la majorité des dispositifs budgétaires qui lui étaient confiés, mettre l'accent sur l'évaluation et la prospective avec des effectifs en très forte diminution, ce qui paraît difficilement réalisable.

Il semble donc nécessaire à votre rapporteur spécial de poursuivre la réforme de la DéGéOM pour réellement atteindre les objectifs initialement fixés .

Certes, le ministère chargé de l'outre-mer ne doit pas être totalement dépourvus de crédits budgétaires, sous peine de ruiner sa légitimité et son poids auprès de ses interlocuteurs locaux. Ce n'est toutefois pas le maintien dans son périmètre de dispositifs sur lesquels il n'a aucune marge de manoeuvre qui lui permet de répondre aux demandes des outre-mer.

Le transfert, par exemple, du dispositif de compensation des exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer au ministère chargé du travail doit être mis en oeuvre. L'argument administratif avancé, selon lequel la disparition de ce dispositif, qui constitue la quasi-totalité d'un des deux programmes de la mission « Outre-mer », poserait problème car une mission ne peut être constituée d'un unique programme n'est pas recevable. En effet, le second programme de la mission, « Conditions de vie outre-mer », est très hétérogène, et pourrait sans difficultés être scindé. Par ailleurs, si ce n'est en termes d'affichage, le maintien des exonérations de charge sociale au sein du périmètre de la mission « Outre-mer » n'a en réalité aucune conséquence pratique sur la gestion de la mission.

De même, il n'est pas pertinent, au regard de l'objectif de faire de la délégation une administration de mission, que la gestion de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna soit à la charge de la DéGéOM, sous prétexte que la direction générale de la santé estime que les spécificités de la gestion de cet établissement public sont trop importantes pour que cette gestion lui revienne. Denis Robin, directeur de cabinet, et Olivier Jacob, directeur adjoint du cabinet de la ministre de l'outre-mer, ont d'ailleurs estimé, lors de leur audition par votre rapporteur spécial que « rien ne serait pire que de vouloir concentrer la gestion des dispositifs sur un ministère, ce qui désimpliquerait les autres ministères ». Dans la même logique, le transfert de certains dispositifs aux autres ministères permettrait d'accroître leur intérêt et leur implication dans les dossiers ultramarins.

L'ensemble des interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur spécial, qu'ils fassent partie de la DéGéOM, du cabinet de la ministre chargée de l'outre-mer ou de l'inspection générale de l'administration, ont plaidé pour un renforcement des effectifs de la délégation. Dans le contexte budgétaire actuel, cette orientation semble pourtant difficile à mettre en oeuvre .

D'autres solutions sont envisageables. En effet, la question n'est pas nécessairement celle des moyens supplémentaires à affecter à la DéGéOM mais surtout celle du recentrage effectif de la DéGéOM sur les missions qui sont les plus essentielles, notamment sur la question de l'évaluation qui préoccupe prioritairement l'ensemble des parlementaires, grâce à l'abandon d'une plus grande partie de ses tâches de gestion .

4. Poursuivre la mise en oeuvre des dispositifs nécessaires à une meilleure connaissance de l'outre-mer français

Enfin, outre la poursuite de la réorientation de la DéGéOM, plusieurs efforts sont à concrétiser pour améliorer la connaissance de l'outre-mer français qui fait aujourd'hui largement défaut en raison des difficultés rencontrées en matière d'évaluation .

Les actions à mener à bien concernent :

- la mise en place, encore inachevée, de l'observatoire de l'outre-mer . Cet observatoire a pour objectif, d'une part, de faciliter l'accès aux sources statistiques et documentaires relatives à l'outre-mer disponibles sur les sites de la statistique publique, des instituts spécialisés tels que l'Institution d'émission des départements d'outre-mer ou l'Institution d'émission de l'outre-mer et des instituts locaux en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie et, d'autre part, de fournir pour l'ensemble des départements et collectivités d'outre-mer une liste d'indicateurs cohérents et comparables entre tous les territoires ;

- l'achèvement du système d'information décisionnel . Ce système devrait permettre de collecter, consolider, modéliser et restituer sous forme de tableaux de bord les données relatives aux programmes et actions outre-mer et de mieux procéder ainsi à l'évaluation des politiques publiques ;

- enfin, la mise en place d'une application de suivi et de traitement spécifique sur les dispositifs de défiscalisation doit être une priorité de la DéGéOM. Dans le contexte budgétaire actuel particulièrement contraint, les effets de chacune des dépenses fiscales rattachées à l'outre-mer doivent pouvoir être identifiés. Sur cette question spécifique, la nécessité d'une coopération entre la DéGéOM et les services de Bercy responsables des dispositifs de défiscalisation plaide pour la mise en place d'une structure interministérielle, qui seule apparaîtrait pertinente. Elle pourrait se calquer sur la commission interministérielle de coordination des contrôles portant sur les actions financées par les fonds structurels européens, structure spécifique chargée de contrôler la gestion des fonds européens alloués à la France.

Enfin, outre les actions que la DéGéOM peut mettre en oeuvre par elle-même, il apparaîtrait utile à votre rapporteur spécial, comme l'a suggéré Olivier Diederichs, inspecteur général de l'administration, que le service en charge de l'évaluation se rapproche des inspections administratives et de la Cour des comptes, qui peuvent constituer pour elle un appui efficace dans ce domaine.

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