D. LA PROCÉDURE DE RECOURS DEVANT LA CNDA

Selon le rapport public d'activité du Conseil d'Etat, en 2009, le taux de recours contre les décisions de rejet de l'OFPRA a atteint 81 % . Ce taux de recours est considérable. Il explique l'importante charge de travail pesant sur la CNDA.

En outre, plus du quart des recours devant la CNDA a conduit à une annulation de la décision de l'OFPRA (26,5 %) . Ce taux, révélateur de la performance de l'OFPRA dans la qualité des décisions rendues, est très significatif et, en tout état de cause, bien plus élevé que les taux d'annulation enregistrés par les autres juridictions administratives. Pour mémoire, le taux d'annulation des cours administratives d'appel sur les jugements des tribunaux administratifs atteint 15,6 % , ceux du Conseil d'Etat sur les arrêts des cours administratives d'appel, 16,6 % , et sur les jugements des tribunaux administratifs, 17,1 % 7 ( * ) .

1. Les compétences de la CNDA

En sa qualité de juridiction administrative spécialisée , la CNDA dispose d'une compétence d'attribution définie par les articles L. 731-1 et R. 732-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Selon l'article L. 731-2 de ce code, « la commission des recours des réfugiés statue sur les recours formés contre les décisions de l'office prises en application des articles L. 711-1, L. 712-1 à L. 712-3 et L. 723-1 à L. 723-3 ». Cette compétence porte sur les décisions administratives prises en matière de reconnaissance de la qualité de réfugié et de bénéfice de la protection subsidiaire, à l'exclusion de la reconnaissance de la qualité d'apatride, dont le contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative de droit commun.

On distingue deux types de compétence d'attribution de la CNDA :

- la compétence contentieuse , qui s'étend aux recours contre les décisions de l'OFPRA accordant ou refusant le bénéfice de l'asile, retirant ou mettant fin au bénéfice de l'asile, à ceux portant rejet d'une demande de réexamen, et enfin aux recours portant sur les refus de renouvellement de la protection subsidiaire.

L'office du juge de l'asile est dit de « plein contentieux » en ce sens qu'il n'est pas simplement juge de la légalité de la décision initiale, mais qu'il reprend l'ensemble des éléments de faits et de droit pour se prononcer sur l'octroi-même du statut demandé par l'intéressé.

- la compétence consultative , dans le cadre de requêtes adressées par des réfugiés contre des décisions de restriction de séjour ou d'expulsion. La Cour formule un avis quant au maintien ou à l'annulation de ces mesures.

Cette compétence intervient dans le cas où des sanctions pénales pour l'entrée et le séjour irréguliers ont été infligées à un réfugié, en application de l'article 31-1 de la convention de Genève, ou dans le cas où des mesures de restriction de séjour ou d'expulsion ont été prononcées à l'encontre d'un réfugié en application de la clause d'ordre public. La CNDA peut être saisie pour avis, dans un délai d'une semaine, par les réfugiés. Ce recours est suspensif.

2. Les étapes de l'appel devant la CNDA
a) Le délai d'un mois pour former un recours

Une fois la décision de rejet notifiée au demandeur d'asile par l'OFPRA, celui-ci dispose d' un mois pour saisir la CNDA , sous peine de voir sa demande déclarée irrecevable. Pour les personnes admises au séjour en France, la preuve de ce recours conditionne le renouvellement du récépissé et le maintien en CADA ou du bénéfice de l'ATA. En l'absence de recours, le préfet peut prononcer le refus de séjour et une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

b) L'instruction du recours

L'une des particularités de l'instruction du recours devant la CNDA est qu'elle est conduite par un rapporteur appartenant statutairement au corps des officiers de protection . Sa mission est d'étudier le recours et le dossier administratif de l'OFPRA avant de les présenter à l'audience.

Dès leur transmission à la CNDA par l'OFPRA, les dossiers sont répartis entre les dix divisions de la CNDA. Les chefs de division, qui font également partie des rapporteurs, ont pour mission essentielle d'établir la liste des recours examinés lors d'une audience. Ils les répartissent entre les différents rapporteurs de la division, en conciliant plusieurs contraintes comme la disponibilité des présidents, des assesseurs, des rapporteurs et surtout celle des avocats qui peuvent être appelés à plaider dans d'autres juridictions. En outre, des audiences peuvent être regroupées sur une journée pour permettre aux avocats de province de n'effectuer qu'un seul déplacement à la Cour. Enfin, les chefs de division tentent de trouver un équilibre entre les dossiers considérés comme simples à traiter et les dossiers plus complexes.

Pendant l'instruction de son recours, le demandeur d'asile reçoit en moyenne quatre à cinq semaines à l'avance, un avis d'audience lui indiquant la date et la salle où se tiendra son audience.

Jusqu'en juin 2009, le nombre de dossiers à traiter par jour d'audience, pour chaque formation de jugement, était fixé, par arrêté, à 18 puis à 15 8 ( * ) . A l'heure actuelle, ce nombre n'est plus règlementé mais s'établit, dans la pratique, à 13 dossiers par jour .

Le rapporteur dispose d' un ou deux mois pour préparer les dossiers , en s'appuyant, à l'instar des officiers de protection de l'OFPRA, sur un centre d'information géopolitique interne composé de 5 chercheurs 9 ( * ) .

Après analyse des pièces du dossier, le rapporteur doit rédiger un rapport qui détaille la chronologie de la procédure, les moyens soulevés par le requérant ou par l'OFPRA et émet un avis sur le recours. C'est ce rapport qui est lu en audience publique.

c) L'examen normal : l'audience publique devant la formation collégiale

En principe l'audience est publique , bien qu'un huis-clos puisse être accordé par le président en cas de récit particulièrement douloureux pour les requérants.

Elle a lieu tous les jours à 8h30 et à 13h30 dans l'une des neuf salles d'audience de Montreuil-sous-Bois 10 ( * ) , en présence d'un interprète si nécessaire.

La composition actuelle de la formation collégiale de jugement

Initialement , la Commission des recours des réfugiés était présidée par un membre du Conseil d'Etat et comprenait un représentant du conseil de l'OFPRA et un représentant du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Aujourd'hui et depuis la réforme de 2003 , le représentant de l'OFPRA a été remplacé par une personnalité qualifiée, nommée par le vice-président du Conseil d'Etat sur proposition de l'un des ministres représentés au conseil d'administration de l'OFPRA, et le représentant du HCR par une personnalité qualifiée de nationalité française , nommée par le HCR sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat. A cet égard, la présence, au sein d'une formation de jugement nationale, d'un magistrat nommé par une instance internationale constitue une originalité assez exceptionnelle.

En ce qui concerne le président de la formation de jugement , il est nommé soit par le vice-président du Conseil d'Etat parmi les membres du Conseil d'Etat ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, soit par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, soit par le garde des Sceaux, ministre de la justice, parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l'ordre judiciaire.

En tout premier lieu sont examinées les demandes de renvoi , par exemple en cas d'absence du requérant pour cause de force majeure (motif médical ou autre) ou pour indisponibilité de l'avocat, qui doit plaider devant un autre tribunal. En outre, depuis décembre 2008, la demande de bénéfice de l'aide juridictionnelle (AJ) est à l'origine de nombreuses demandes de renvoi (cf. infra) .

Le taux de recours faisant l'objet d'une demande de renvoi est estimé à 30 % . Ce taux est, de toute évidence, préoccupant car il contribue également fortement à l'allongement des délais moyens de procédure.

Le rapporteur procède ensuite à la lecture de son rapport et de son avis, puis l'avocat du requérant prend la parole. Le requérant est aussi conduit à répondre directement aux questions du jury. Enfin, à l'issue de chaque audience, le jury se retire pour délibérer.

Chaque jour sont affichés les sorts des audiences tenues les semaines précédentes : « renvoi », « annulation », « annulation protection subsidiaire » (qui signifient la reconnaissance de la qualité de réfugié ou l'octroi de la protection subsidiaire), ou, enfin, « rejet » du recours.

Si la CNDA a notifié sa décision de rejet, le demandeur d'asile devient un étranger en situation irrégulière . Le préfet peut alors, sans attendre le terme du récépissé de trois mois, prononcer un refus de séjour assorti d'une OQTF.

d) Les autres procédures de jugement de la CNDA : les ordonnances

Outre le jugement en audience publique, il existe deux autres procédures de jugement des recours devant la CNDA : les ordonnances classiques et les ordonnances nouvelles.

Les procédures en audience publique et par ordonnances ont en commun la mise en état du recours par le greffe central de la Cour , qui consiste à rassembler l'ensemble des pièces nécessaires à l'instruction du recours (le recours, la réception par le requérant de l'accusé de réception de son recours assorties des mentions obligatoires ou utiles au requérant comme les voies d'examen possibles du recours, le droit de prendre connaissance de l'entier dossier dans un délai de quinze jours, l'information sur l'AJ et la demande d'interprétariat) et le dossier OFPRA complet.

Les ordonnances présentent l'avantage d'offrir une procédure accélérée et donc d'écluser une partie du stock des recours en attente . En effet, les recours sont d'abord examinés afin d'identifier ceux qui seraient susceptibles d'être directement rejetés pas voie d'ordonnance « classiques » pour non-lieu, désistement ou irrecevabilité. Ces ordonnances, concernant la forme de la procédure, sont signées par les présidents, sans instruction contradictoire, ni audience publique.

Un second tri des dossiers permet de sélectionner les recours susceptibles de donner lieu à une ordonnance de rejet pour défaut de moyen sérieux ( ordonnances « nouvelles »).

Selon le rapport public d'activité du Conseil d'Etat pour 2009, environ 9 % des dossiers ont été rejetés par cette voie (14,6 % au total pour les deux sortes d'ordonnances). Mais, à la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2008 cassant une ordonnance en raison du fait que le demandeur s'était vu refuser la consultation des pièces de son dossier, ce qui méconnaissait le principe du contradictoire 11 ( * ) , les recours susceptibles d'être rejetés par ces ordonnances font désormais l'objet de deux étapes procédurales obligatoires :

- une phase contradictoire pour permettre au requérant d'accéder à l'ensemble des pièces du dossier de l'OFPRA qu'il n'a pas fournies et auxquelles il n'a pas encore eu accès ;

- une phase d'instruction par le rapporteur qui propose le sens de la solution à retenir au président qui signe l'ordonnance.

Depuis septembre 2009, le reçu de recours informe tous les demandeurs qu'ils peuvent faire l'objet soit d'un examen normal, soit de cette procédure.

Une partie des recours examinée par la voie de ces ordonnances revient en procédure normale de jugement, selon la décision finale prise par le président .

3. La procédure de réexamen

A l'issue du rejet du recours notifié par la CNDA, le demandeur peut solliciter une demande de réexamen. Toutefois, cette demande est subordonnée à l'existence d'un fait nouveau qui s'est déroulé après la décision de la CNDA ou dont le demandeur n'avait pas eu connaissance au moment de l'audience.

Dans ce cas, la procédure est identique à celle de la demande initiale, d'abord devant la préfecture puis à l'OFPRA. Mais très souvent, les demandes de réexamen sont examinées en procédure prioritaire, c'est-à-dire avec un délai d'instruction ramené à quinze jours.

Lorsque la demande de réexamen arrive à l'OFPRA, elle est attribuée à un autre officier de protection que celui qui a instruit la demande en première instance et dans une autre section. A l'issue de l'instruction, l'OFPRA prend une nouvelle décision sur la demande d'asile. Comme en première instance, les décisions sont notifiées par lettre recommandée et le demandeur dispose d'un délai d'un mois pour former un nouveau recours devant la Cour.

Dans la mesure où l'OFPRA rejette la majorité des réexamens, le nombre de recours devant la CNDA est important . Les demandes de réexamen sont, dans la majorité des cas, instruites selon la procédure dite d'ordonnances nouvelles.


* 7 Source : rapport annuel de performance de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat » annexé au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.

* 8 Version d'origine du deuxième alinéa de l'article 2 de l'arrêté du 20 juin 2008 fixant le taux des indemnités des personnes apportant leur collaboration à la CNDA, modifié par l'arrêté du 10 juin 2009.

* 9 Par comparaison, la division de l'information, de la documentation et des recherches de l'OFPRA regroupe plus de 25 agents.

* 10 Depuis 2006, la CNDA organise des « audiences foraines » à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe afin que les demandeurs d'asile puissent être entendus par une formation de jugement.

* 11 Cette décision avait d'ailleurs donné lieu à un « incident » au sein des locaux de la CNDA car, pour se conformer à la décision du Conseil d'Etat, la Cour avait adressé un courrier aux demandeurs susceptibles de faire l'objet d'une ordonnance, le leur indiquant et les invitant à venir consulter leur dossier dans un délai de quinze jours. Des centaines de demandeurs d'asile, inquiets, s'étaient alors pressés dans le bureau de consultation, occasionnant une certaine panique.

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