3. La surveillance macroéconomique

Le deuxième objectif fixé par le groupe de travail du Président du Conseil européen vise la réduction des écarts de compétitivité entre les États membres , en particulier au sein de la zone euro, afin de parvenir à une plus grande cohésion économique en Europe .

On l'a vu, la procédure de surveillance multilatérale des États membres est actuellement limitée à des critères essentiellement budgétaires , qui sont toutefois insuffisants pour assurer la convergence économique de la zone et qui, de surcroît, ne permettent pas nécessairement de révéler les déséquilibres dont souffrent certains pays. Rappelons ainsi que l'Espagne et l'Irlande, très fortement touchées par la crise, présentaient un excédent budgétaire en 2007.

Il est donc nécessaire que ces critères budgétaires soient complétés par des critères permettant de mesurer la compétitivité et la solidité des économies nationales afin d'éviter de trop grandes divergences en la matière, comme on a pu en observer au cours des années précédant la crise. On rappellera d'ailleurs que l'existence de tels écarts de compétitivité, et les risques qu'ils faisaient courir à l'UEM, avaient été mis en évidence à plusieurs reprises, en vain, en particulier par la Commission, dans son rapport présentant le bilan du fonctionnement de la zone euro dix ans après la création de la monnaie unique, ainsi que par la Banque centrale européenne (BCE). Certains États membres, tels la Grèce, l'Espagne ou le Portugal, présentaient, au moment du déclenchement de la crise, des écarts de compétitivité de l'ordre de 15 % à 20 % par rapport à la principale économie européenne, celle de l'Allemagne.

Ce sujet fait aujourd'hui l'objet d'un quasi consensus .

Le dispositif envisagé, dont le principe a été entériné lors du Conseil européen du 17 juin 2010, comportera, comme la surveillance budgétaire, deux aspects précisés par deux propositions de règlement présentées par la Commission, le 29 septembre dernier :

1°) la première proposition de règlement relative à la surveillance macroéconomique (9 ( * )) institue une nouvelle procédure visant à prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques , applicable à l'ensemble des États membres de l'Union européenne , sur le fondement de l'article 121 du traité. Cette procédure comprend, d'une part, une analyse périodique des risques de déséquilibres et, d'autre part, des règles permettant d'engager une action corrective en cas de déséquilibres.

Les risques de déséquilibres sont évalués sur la base d'un mécanisme d'alerte , composé d'un tableau de bord comprenant des indicateurs , assortis de seuils d'alerte non automatiques , mesurant à la fois les déséquilibres externes et internes , tels que l'évolution des comptes courants, la situation du commerce extérieur, les positions nettes des actifs étrangers, la productivité, le coût unitaire de la main-d'oeuvre, l'emploi, le taux de change effectif réel, la dette publique, l'endettement privé, les prix du crédit..., complété par des analyses qualitatives. Il est important, en effet, de se référer à une batterie d'indicateurs, plutôt qu'à un seul indicateur qui ne permettrait pas de tenir compte de la forte hétérogénéité des économies européennes.

L'établissement de ces indicateurs par la Commission, les modalités de leur calcul et les conclusions qui en seront tirées en termes de mesures économiques à mettre en oeuvre vont exiger un travail considérable sur le plan technique.

Dans ce cadre, une évaluation approfondie de la situation en cas d'indicateurs dépassant certains seuils sera réalisée par la Commission pour chaque Etat membre présentant un déséquilibre ou un risque de déséquilibre.

Les propositions de recommandations de la Commission seront adaptées à la situation de chacun des États membres. Ces recommandations peuvent revêtir un caractère préventif . Elles peuvent aussi être plus détaillées et prescriptives et demander à l'Etat membre concerné d'engager une action corrective dans un délai donné, dès lors que l'existence d'un déséquilibre excessif a été constatée.

Le Conseil sera appelé à évaluer régulièrement, sur la base d'un rapport de la Commission, la correction des déséquilibres excessifs constatés et pourra demander la modification des mesures correctives si celles-ci sont jugées insuffisantes. L'Etat membre concerné fera ainsi l'objet d'une surveillance périodique jusqu'à la clôture de la procédure pour déséquilibre excessif. Toutefois, la procédure devrait rester souple et adaptée à la capacité des pouvoirs publics à remédier à la situation, la Commission précisant en effet que, « contrairement à la politique budgétaire, les gouvernements nationaux n'ont pas un contrôle direct sur tous les leviers politiques lorsqu'il s'agit de corriger les déséquilibres » ;

2°) la seconde proposition de règlement relative à la surveillance macroéconomique (10 ( * ) ) ne concerne que les seuls États membres de la zone euro , sur le fondement de l'article 136 du traité. Elle comporte un certain nombre de mesures d'exécution visant à corriger les déséquilibres excessifs . Si un Etat membre de la zone euro persiste à ne pas se conformer aux recommandations du Conseil, il se verra infliger une amende annuelle d'un montant de 0,1 % de son PIB , jusqu'à ce que le déséquilibre excessif ait été corrigé. Cette sanction sera décidée à la majorité inversée , c'est-à-dire que la proposition de la Commission sera réputée adoptée par le Conseil, à moins que celui-ci, à la majorité qualifiée, ne la rejette dans un délai de dix jours.

En matière de surveillance macroéconomique, la Déclaration franco-allemande du 18 octobre dernier précise que « le cas d'un Etat membre affecté d'un déséquilibre persistant et placé sous la surveillance du Conseil devra être discuté au Conseil européen ». Il s'agit de placer l'impétrant sous la surveillance de ses pairs de manière à exercer sur lui une pression suffisamment forte pour avoir des effets dissuasifs.

Dans un souci de plus grande cohérence, le renforcement de cette surveillance macroéconomique doit être mieux articulé avec le suivi de la stratégie Europe 2020 , qui remplace la stratégie de Lisbonne.

Les Conseils européens de mars et juin 2010 ont fixé les cinq grands objectifs qui doivent guider l'action des États membres et de l'Union et arrêté les valeurs chiffrées pour ces grands objectifs :

Les valeurs chiffrées des grands objectifs de la stratégie Europe 2020

1. S'employer à porter à 75 % le taux d'emploi des femmes et des hommes âgés de 20 à 64 ans.

2. Améliorer les conditions de la recherche et développement, afin en particulier de porter à 3 % du PIB le niveau cumulé des investissements publics et privés dans ce secteur.

3. Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport aux niveaux de 1990 ; faire passer à 20 % la part des sources d'énergie renouvelable dans notre consommation finale d'énergie ; et s'acheminer vers une augmentation de 20 % de notre efficacité énergétique.

4. Améliorer les niveaux d'éducation, en particulier en s'attachant à réduire le taux de décrochage scolaire à moins de 10 % et en portant à 40 % au moins la proportion de personnes âgées de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur ou atteint un niveau d'études équivalent.

5. Favoriser l'inclusion sociale, en particulier en réduisant la pauvreté, en s'attachant à ce que 20 millions de personnes au moins cessent d'être confrontées au risque de pauvreté et d'exclusion.

La situation économique globale des États membres sera évaluée à partir de l'examen du programme de stabilité ou de convergence, établi au titre du Pacte de stabilité et de croissance, et du plan national de réforme, établi dans le cadre de la stratégie Europe 2020, qui auront été tous deux présentés au niveau national simultanément, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Cette mesure constitue un progrès en termes de cohérence d'ensemble, sans doute l'une des seules avancées concrètes que propose Europe 2020, qui, comme la stratégie de Lisbonne, demeurera un exercice extrêmement technocratique .

Les progrès réalisés par chaque État membre sur le plan macroéconomique et structurel et en matière de compétitivité seront examinés conjointement, chaque année, par le Conseil européen. On rappellera toutefois que la stratégie Europe 2020, contrairement au Pacte de stabilité et de croissance, n'est pas une procédure juridique comportant un mécanisme de sanctions. Le second posséderait-il une valeur supérieure à la première ? Les objectifs retenus par Europe 2020 risquent donc de demeurer incantatoires. De surcroît, ils peuvent être en contradiction avec le critère de 3 % de déficit budgétaire. Par exemple, porter l'effort de recherche et développement à 3 % du PIB peut contribuer à accroître le déficit.

L'importance accrue accordée à la surveillance macroéconomique nécessitera des réformes internes aux services de la Commission , qui devraient se traduire par une séparation plus nette entre les activités de surveillance stricto sensu et l'analyse économique qui en est tirée. La direction générale compétente en matière économique et financière sera réorganisée et sera dotée d'un directeur général adjoint en charge spécifiquement des questions de surveillance, avec trois unités géographiques. Ses effectifs seront renforcés.

Vos rapporteurs estiment qu'il est nécessaire d'aller plus loin et de confier à un organisme autonome de la Commission, que l'on pourrait appeler Observatoire de la compétitivité, l'analyse des principaux paramètres qui permettent de mesurer la compétitivité des États membres. Le caractère incontestable des travaux de cet Observatoire lui permettrait à terme d'acquérir une renommée en faisant une référence.


* (9) COM (2010) 527 final.

* (10) COM (2010) 525 final.

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