2. Un nécessaire encadrement juridique

L'essentiel de l'édifice juridique en matière de sondages repose sur la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion.

Cette loi et ses deux décrets d'application de 1978 et 1980 9 ( * ) , ne s'appliquent qu'aux sondages électoraux dont les résultats sont rendus publics et qui présentent un rapport direct ou indirect avec une élection (article premier).

Deux critères doivent donc être réunis pour déclencher l'application de la loi :

- les résultats du sondage doivent être soit publiés dans un support de presse écrite (y compris Internet) soit diffusés dans un organe de presse audiovisuelle ; nous verrons plus loin que la commission des sondages a opportunément développé une conception extensive de la publicité exigée par la loi ;

- le sondage doit présenter un lien direct ou indirect avec un scrutin, à savoir « un référendum, une élection présidentielle ou l'une des élections réglementées par le code électoral ainsi qu'avec l'élection des représentants au Parlement européen » ; là encore, la commission des sondages a largement interprété ces dispositions, comme il sera indiqué plus loin.

A contrario , ne sont pas soumis à la loi les sondages confidentiels ou les sondages publics qui ne portent pas sur le processus électoral, tels que les enquêtes portant sur les réformes en cours ou envisagées ou les études marketing (comportements d'achats, opinion sur tel ou tel produit...).

Lorsque les critères énoncés plus haut sont remplis, les sondages sont soumis à un régime particulier défini par la loi précitée de 1977 et ses deux décrets d'application.

D'une part, ces textes imposent un certain nombre d'obligations aux sondeurs et aux médias.

Aux sondeurs, ils imposent d'abord des obligations méthodologiques relatives à la confection des sondages : caractère non biaisé des questions, rigueur scientifique dans le choix de l'échantillon, cohérence et honnêteté des redressements apporté aux résultats bruts...

Ils imposent aussi une obligation pour le sondeur de communiquer à la commission, dès la publication du sondage, une notice d'information comportant les principales données relatives à la réalisation du sondage, à savoir :

- l'objet du sondage ;

- la méthode selon laquelle les personnes interrogées ont été choisies, le choix et la composition de l'échantillon ;

- les conditions dans lesquelles il a été procédé aux interrogations ;

- le texte intégral des questions posées ;

- la proportion des personnes n'ayant pas répondu à chacune des questions ;

- les limites d'interprétation des résultats publiés ;

- s'il y a lieu, la méthode utilisée pour en déduire les résultats de caractère indirect qui seraient publiés.

Aux médias, la loi de 1977 impose deux obligations :

- celle de faire figurer dans la publication du sondage les mentions destinées à éclairer sur les conditions de réalisation du sondage, à savoir le nom de l'institut de sondage, le nom et la qualité de l'acheteur du sondage, le nombre des personnes interrogées ainsi que la ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations ; notons que cette obligation de publication s'impose à chaque nouvelle publication : autrement dit, elle vaut tant pour la première publication que pour les éventuelles reprises par d'autres organes d'information ;

- celle de publier les mises au point que la commission des sondages pourrait lui adresser.

A ces obligations faites aux médias s'ajoutent deux interdictions :

- interdiction de commentaires qui altèrent la portée des résultats obtenus, c'est-à-dire de commentaires trompeurs ou tendancieux ;

- interdiction de publier un sondage électoral la semaine qui précède le scrutin.

D'autre part, la loi de 1977 a confié une mission de contrôle à une autorité dénommée « Commission des sondages », composée de neuf magistrats : trois membres du Conseil d'Etat, trois membres de la Cour de cassation et trois membres de la Cour des comptes.

Cette loi est longtemps demeurée inchangée : la loi n° 2002-214 du 19 février 2002 y a apporté certaines modifications qui peuvent s'articuler autour des objectifs suivants :

- assurer un meilleur équilibre entre la liberté d'expression et la libre détermination du corps électoral : le législateur a entendu tirer les conséquences d'un arrêt du 4 septembre 2001 par lequel la Cour de cassation a considéré que l'interdiction de publication des sondages d'opinion dans la semaine précédant un scrutin était incompatible avec les dispositions des articles 10 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme relatives à la liberté d'expression. La loi de 2002 a ainsi limité l'interdiction des sondages de caractère électoral à la veille et au jour du scrutin ;

- favoriser la transparence dans les conditions d'élaboration des sondages : d'une part, le législateur a souhaité que la publication ou la diffusion d'un sondage soit accompagnée du texte intégral des questions posées ; d'autre part, il a ouvert à toute personne le droit de consulter les notices d'information remises par les instituts de sondage à la commission des sondages. La loi a précisé que les personnes devaient être informées de l'existence de ce droit à consultation au moment de la publication du sondage ;

- renforcer la légitimité et le rôle de la commission des sondages : la loi a prévu que la commission comprendrait, outre les neuf magistrats prévus dès l'origine, deux personnalités qualifiées en matière de sondages . En outre, le Parlement a souhaité garantir un meilleur contrôle de la commission des sondages en prévoyant que la notice serait transmise à cette dernière non pas « à l'occasion de la publication du sondage » mais « avant » celle-ci. Enfin, la loi a renforcé, pendant la période de deux mois précédant le scrutin , les obligations en matière de publication ou de diffusion des mises au point de la commission des sondages. Il a été prévu que, dans ces circonstances, « la mise au point demandée par la commission des sondages doit être, suivant le cas, diffusée sans délai et de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle de ce sondage, ou insérée dans le plus prochain numéro du journal ou de l'écrit périodique à la même place et en mêmes caractères que l'article qui l'aura provoquée et sans aucune intercalation.»


* 9 Décrets n° s 78-79 du 25 janvier 1978 et 80-351 du 16 mai 1980.

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