II. LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE LA FRANCE ET L'UNION EUROPÉENNE

A. LA DYNAMIQUE ET L'ACTUALISATION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES

La participation française au budget communautaire prend la forme d'un prélèvement annuel sur les recettes de l'Etat autorisé en loi de finances (PSR-UE) . Ce prélèvement est estimé à 18,235 milliards d'euros en 2011, soit 7,2 % des recettes fiscales nettes françaises .

A l'instar des ressources du budget communautaire elles-mêmes, la contribution française a connu des évolutions significatives affectant son montant et sa structure .

1. Une tendance de long terme à l'augmentation
a) Une contribution multipliée par quatre entre 1982 et 2011

Entre 1982 et 2011, le montant en valeur de notre contribution a été multiplié par plus de quatre, passant de 4,1 à 18,235 milliards d'euros . Cette augmentation a connu trois phases principales :

1) de 1982 à 1994, la forte croissance des dépenses de la politique agricole commune et de la politique de cohésion a fait passer la contribution française de 4 % à environ 6,5 % des recettes fiscales nettes de l'Etat ;

2) de 1994 à 2007 , la volonté de maîtrise des dépenses exprimée par les Etats fortement contributeurs nets au budget communautaire a abouti à la stabilisation du PSR-UE entre 5,5 % et 6,6 % des recettes fiscales nettes (6,6 % en 2003) ;

3) depuis 2007, on constate à nouveau une hausse plus marquée , puisque la contribution française devrait représenter en 2011 environ 7,2 % de nos recettes fiscales nettes.

Evolution de la part du PSR-UE dans les recettes fiscales nationales



Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2011

b) D'importantes évolutions de structure

L'importance respective des différentes ressources au sein du PSR-UE a fortement évolué, reflétant la part prépondérante prise par la ressource assise sur le revenu national brut des Etats parmi les différentes ressources du budget communautaire (ressource RNB). Les réaménagements successifs du système des ressources propres ont en effet contribué à modifier substantiellement la part relative de ces différentes ressources et, en 2010, plus de 75 % des ressources propres du budget communautaire devraient correspondre à la seule ressource RNB 28 ( * ) .

La même évolution est constatée pour la composition du prélèvement sur recettes français . Alors que la ressource TVA constituait la principale composante du PSR-UE en 1995 (7,2 milliards d'euros et 60 % du total), c'est la contribution RNB qui en constitue l'essentiel en 2010, avec 14,36 milliards d'euros et 74 % du total, contre 3,8 milliards d'euros pour la ressource TVA (moins de 20 % du total).

Composition du PSR-UE depuis 1995

(en pourcentage et en milliards d'euros)

N.B : les ressources propres traditionnelles (RPT) sont composées des droits de douane, des prélèvements agricoles et des cotisations sur le sucre.

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2011

c) L'instabilité des écarts entre prévision et exécution

Des écarts considérables , positifs ou négatifs selon les exercices, sont constatés entre la prévision et l'exécution du PSR-UE.

Ecarts entre la prévision et l'exécution du PSR-UE depuis 1983

(en millions d'euros)

* Prévision pour 2010

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2011

Votre rapporteur spécial observe que ces écarts considérables posent un véritable problème au regard de la sincérité du PSR-UE voté chaque année. Il juge nécessaire de fournir au Parlement une estimation plus précise et plus fiable de son montant .

L'estimation de la participation française au budget communautaire repose en effet sur un faisceau d'hypothèses qui rendent son anticipation complexe . Les principaux facteurs d'incertitude résident dans l'évolution des volets dépenses et recettes du budget communautaire, qui ont un impact direct sur les contributions des Etats membres :

- l'évaluation du PSR-UE suppose tout d'abord d'anticiper les dépenses qui seront effectivement budgétées pour l'année suivante 29 ( * ) , le niveau effectif d'exécution des crédits votés et le niveau de consommation des réserves 30 ( * ) ;

- la prévision en recettes varie, quant à elle, en fonction des assiettes des ressources TVA et RNB, du niveau de recouvrement des ressources propres traditionnelles, du solde prévisible de l'exercice en cours et du montant de la correction britannique (cf. infra ).

Le tableau suivant permet de détailler l'origine des écarts constatés en exécution.

Prévision et exécution du prélèvement sur recettes de 2008 à 2010

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

Loi de finances initiale

18 400

18 900

18 153

Variation de la ressource PNB

364

1 816

0

Impact de la variation du taux d'appel

-15

1 746

654

dont impact de la variation, par rapport à l'estimation faite en LFI :

- des dépenses à financer inscrites au budget de l'Union

-25

-71

101

- de la sous-consommation des réserves (fonds de garantie, aide d'urgence)

-15

0

0

- du solde de l'exercice précédent

-27

390

720

- du produit des recettes diverses du budget communautaire

-140

101

-29

- du produit de la ressource TVA au niveau de l'UE

160

355

111

- du produit des ressources propres traditionnelles au niveau de l'UE

32

971

-250

Impact de la variation des bases PNB des Etats membres

245

1 109

-76

Solde de la ressource PNB sur les exercices antérieurs

321

34

0

Crédits n-1 rendus aux Etats membres en n (budget rectificatif)

-187

-1 081

-578

Variation de la ressource TVA

-123

-702

-131

Impact de la variation du taux d'appel

-185

0

0

Impact de la variation des bases TVA des Etats membres

37

-556

-131

Solde de la ressource TVA sur les exercices antérieurs

25

-146

0

Variation du produit des ressources propres traditionnelles

-149

-301

0

Variation de la participation à la correction britannique

222

-32

-133

Variation de la participation des nouveaux rabais (Pays-Bas, Suède)

-

8

-1

Variation liée à l'effet rétroactif de la DRP

-

284

0

Total des écarts

314

1 065

-264

Exécution

18 714

19 965

17 889

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2011

Alors qu'en 2007 , le prélèvement a été surestimé de plus de 1,5 milliard d'euros , soit la surestimation la plus importante depuis 2002, il apparaît sur l'exercice 2008 une légère sous-estimation du PSR-UE inscrit en loi de finances initiale (LFI) , à hauteur de 314 millions d'euros . Cet écart s'explique par les caractéristiques du volet recettes du budget communautaire : 1 529 millions d'euros d'excédent budgétaire ont été reportés de 2006 à 2007, minorant la contribution française de 244 millions d'euros et

5 976 millions d'euros ont été rétrocédés aux Etats membres en application du dernier budget rectificatif de 2007, soit 917 millions d'euros pour la France 31 ( * ) .

Pour l'année 2009 , la sous-estimation du prélèvement est nettement plus importante puisqu'elle est de plus d'un milliard d'euros . Le phénomène de « sur-contribution » française s'explique notamment par l' augmentation du taux d'appel de la ressource RNB et par les révisions d'assiettes auxquelles procède la Commission chaque année 32 ( * ) : relativement moins atteinte par la crise économique que les autres Etats membres, la France voit, en effet, le calcul de sa ressource RNB revu nettement à la hausse ; or cette ressource représente l'essentiel de la contribution française. Il convient également de noter l' effet de la décision ressources propres (DRP) du 7 juin 2007, entrée en vigueur le 1 er mars 2009. Votre rapporteur spécial consacre un paragraphe spécifique à la question de l'impact de la DRP sur le PSR-UE et sur le solde net français, à la fin de la seconde partie du présent rapport.

En 2010, la prévision d'exécution du PSR-UE devrait être inférieure de 264 millions d'euros au montant inscrit en LFI dans la mesure où elle devrait s'établir à 17,9 milliards d'euros. Les prévisions de la LFI ont été construites sur la base de prévisions de la Commission de mai 2009 qui se sont révélées excessivement pessimistes lors de leur révision en mai 2010. Malgré un besoin de financement de l'UE plus élevé que prévu, la baisse de la part relative de la France dans la ressource RNB, d'une part, et la hausse des ressources RPT et TVA (qui a induit un moindre appel à la ressource RNB), d'autre part, conduisent à une stabilisation de la contribution française au titre du RNB . De plus, l'assiette TVA de la France est plus faible que celle ayant fondé la prévision de la LFI pour 2010, ce qui a pour effet de réduire le montant dû au titre de la ressource TVA de 131 millions d'euros . En outre, la contribution de la France au financement de la correction britannique a subi une baisse de 133 millions d'euros par rapport aux prévisions.

2. Le prélèvement sur recettes est évalué à 18,235 milliards d'euros en 2011
a) L'application de nouvelles règles comptables depuis 2010

Suite aux recommandations de la Cour des Comptes 33 ( * ) , la loi de finances pour 2010 a prévu une nouvelle mesure du périmètre du prélèvement sur recettes . Elle consiste à exclure les ressources propres traditionnelles (RPT) 34 ( * ) de manière à pouvoir traiter celles-ci en compte de trésorerie. Votre rapporteur spécial convient que ces ressources appartiennent à l'UE et que l'État se contente d'en assurer le recouvrement.

Le nouveau mode de calcul du PSR-UE a réduit, en apparence seulement, son montant en 2010. Cette baisse , de 747 millions d'euros par rapport à la prévision 2009 et de plus d'1,8 milliard d'euros par rapport à l'exécution 2009, ne résulte que des nouvelles règles comptables utilisées . A périmètre constant, ce prélèvement s'élevait en effet à 19,5 milliards d'euros, soit une augmentation en 2010 de 600 millions d'euros par rapport au PSR-UE prévu initialement en 2009 . Il faut toutefois souligner que la baisse est effective si l'on se reporte à l'exécution 2009. Celle-ci est, en effet, supérieure de 465 millions d'euros à la prévision 2010 .

En 2011, le niveau estimé des RPT reste identique, et s'élève à 1,3 milliard d'euros.

Le changement de périmètre du prélèvement sur recettes intervenu en 2010

(en millions d'euros)

2009 (Prévision)

2009 (Exécution)

2010 (Prévision)

Prélèvement selon le périmètre 2009

18 900

19 965

19 500

Droits de douanes et cotisations sucres

- 1 943

- 1 641

- 1 347

Prélèvement selon le périmètre 2010

16 957

18 324

18 153

Source : commission des finances, d'après l'annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2010

b) Les déterminants de la prévision 2011

L'article 46 du projet de loi de finances pour 2011 évalue le prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit de l'Union européenne à 18,235 milliards d'euros en 2011, soit un PSR-UE 2011 assez proche de celui voté pour 2010 ( hausse de 82 millions d'euros, soit 0,5 % ). L'augmentation représente cependant 346 millions d'euros si l'on utilise l'exécution prévisionnelle 2010 et non la prévision de la LFI 2010.

La prévision 2011 repose sur les hypothèses de la Commission européenne, issues de l'avant-projet de budget pour 2011, tant en matière de dépenses qu'en ce qui concerne les recettes.

En dépenses, le calcul a ainsi été établi en fonction d'un montant de 130 milliards d'euros de CP 35 ( * ) . Le PSR-UE résulte également de l'anticipation d'un moindre appel de fonds des Etats membres en janvier 2011, du fait d'annulations de crédits en fin d'année 2010, et d'un report de l'excédent budgétaire de 2010 sur 2011. S'agissant des recettes, la contribution française profite de la révision à la baisse de la part de la France dans le RNB 2011 de l'UE par rapport à 2009 , malgré le contexte de légère évolution à la hausse du budget communautaire.

Décomposition de la contribution française en 2011

Ressource

Montant en milliards d'euros

Ressource TVA

Dont correction britannique

3,51

0,823

Ressource RNB

14,725

Total

18,235

Source : commission des finances, d'après l'annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2011

Votre rapporteur spécial rappelle qu'au sein du PSR-UE, un peu moins d'un milliard d'euros correspond au financement de la « correction des déséquilibres budgétaires » dont bénéficie le Royaume-Uni . Notre pays reste donc le premier financeur du « chèque » britannique, qui représente en totalité 3,9 milliards d'euros .

Le calcul de la « correction britannique »

Depuis 1984, et en application de l'accord dit de Fontainebleau, le Royaume-Uni profite en effet d'un mécanisme de « correction » dont est susceptible de bénéficier tout Etat membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité.

Le calcul de la correction britannique repose sur la différence constatée entre la part du Royaume-Uni dans les dépenses réparties (c'est-à-dire les dépenses engagées par l'Union sur le sol britannique) et sa part dans le total des paiements au titre des ressources TVA et RNB. Cette différence, exprimée en pourcentage, est multipliée par le total des dépenses réparties. Le déséquilibre ainsi obtenu est remboursé à hauteur des deux tiers au Royaume-Uni.

La charge représentée par la « correction » britannique est répartie entre les autres Etats membres au prorata de leur part dans le RNB total de l'Union . Pays fortement contributeurs nets, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède bénéficient toutefois, depuis 2000, d'un « rabais sur le rabais » , et leur contribution réelle est réduite à 25 % du montant qu'ils devraient théoriquement acquitter . La charge de cette réduction est ensuite répartie entre les autres Etats membres au prorata de leur part dans le RNB de l'Union.

Source : commission des finances


* 28 Cette tendance résulte notamment de la généralisation de l'écrêtement à 50 % de l'assiette TVA, de la réduction de son taux d'appel et du démantèlement des barrières douanières. La ressource RNB devrait désormais se stabiliser autour de ce niveau de 75 %.

* 29 Sans préjudice de l'impact d'éventuels budgets rectificatifs.

* 30 Réserve pour aide d'urgence et Fonds de solidarité de l'Union européenne notamment.

* 31 Ces évolutions sont « contrebalancées » par une augmentation de la quote-part de la France dans l'assiette TVA et dans la base PNB (respectivement + 37 millions d'euros et + 245 millions d'euros par rapport à la prévision en loi de finances initiale) et par une révision à la hausse de la contribution française à la correction britannique (+ 222 millions d'euros). Le montant des ressources propres traditionnelles enregistre une baisse de 149 millions d'euros.

* 32 Sur la base des conclusions de mai 2009 du comité consultatif des ressources propres sur les assiettes TVA et RNB.

* 33 Cf. le rapport de la Cour, rendu public en juin 2009, sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour l'exercice 2008, pp.91 et 92.

* 34 La Cour souligne notamment que « la partie recettes du budget de l'Etat n'a pas vocation à recevoir des ressources qui, à aucun moment depuis leur fait générateur, ne lui appartiennent ». Comme le souligne l'exposé des motifs du présent article, il s'agit d'uniformiser le traitement comptable des droits d'importation et des cotisations sur le sucre. Ces ressources sont comptabilisées en compte de tiers en comptabilité générale et ne sont pas considérées comme des dépenses par la comptabilité nationale.

* 35 Pour mémoire, le projet de budget communautaire pour 2010 reposait sur une estimation de 122,3 milliards d'euros de CP.

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