B. ... QUI PEINE À ÊTRE RECONNUE

Pourtant, la reconnaissance de l'obésité en tant que maladie chronique continue à faire débat, non seulement au sein du grand public, mais également parmi les professionnels de la santé.

1. Une connaissance encore partielle des mécanismes biologiques liés à l'obésité

D'énormes progrès ont été réalisés dans la connaissance des mécanismes biologiques liés à l'obésité comme l'illustrent les exemples suivants.

La découverte de la leptine en 1994 a représenté une avancée importante dans la compréhension des mécanismes centraux de contrôle de la prise alimentaire et des réserves énergétiques. La découverte de nouvelles hormones et neuro-hormones, l'approfondissement des recherches sur des systèmes de signalisation déjà connus ont permis de préciser plusieurs boucles de rétroaction entre la périphérie et le cerveau.

De même, grâce à la découverte des gènes impliqués dans les formes monogéniques d'obésité animale, des progrès considérables ont été réalisés au cours des dernières années dans la connaissance de certains mécanismes impliqués dans la régulation du poids et des dépenses énergétiques.

Pour autant, de nombreuses inconnues persistent et d'immenses progrès restent à accomplir afin de mieux connaître les mécanismes biologiques liés à l'obésité.

Par exemple, la compréhension de l'ensemble des mécanismes physiologiques permettant d'assurer le fonctionnement régulier des organes malgré une prise alimentaire discontinue, est encore à ce jour plus analytique que synthétique. Le défi est d'arriver dans les prochaines années à une compréhension systémique du maintien de l'homéostasie énergétique et à sa modélisation.

Dans un autre registre, la nature des relations entre le statut pondéral et le profil du microbiote reste à établir. Ainsi, la modification de l'équilibre de certaines espèces bactériennes comme les firmicutes et les bactéroïdetes en cas d'amaigrissement peut tout aussi bien être responsable de la perte de poids et des changements métaboliques, qu'être la conséquence de celui-ci ou du changement de régime alimentaire.

2. La connotation morale de l'obésité

L'image que l'on se fait de son corps est influencée par les représentations sociales et les normes de la société à laquelle on appartient 10 ( * ) . Ainsi, un individu peut se voir plus gros qu'il n'est en réalité et désirer perdre du poids s'il est dans un milieu dans lequel la corpulence est assez faible, alors que cela ne serait pas forcément le cas si son environnement social se caractérisait par une corpulence plus forte.

Aujourd'hui, l'idéal de minceur constitue la norme à atteindre, preuve d'une bonne situation sociale, signe de richesse, de volonté et de maîtrise de soi dans une société où l'accès à la nourriture est illimité.

Ne pas obéir à cette norme esthétique est donc communément associé à un manque de volonté et à du laisser-aller.

La médicalisation de l'obésité n'a pas permis d'éliminer la connotation morale liée à cette maladie. En effet, loin d'être contradictoire, l'impératif sanitaire vient renforcer la norme esthétique, et par conséquent la pression du corps désirable. Il ne s'agit plus d'une simple question individuelle, mais d'un problème collectif : dès lors, les autres (médecins, diététiciennes, éducateurs sportifs) sont en droit de juger les corps des obèses et de les encourager à le transformer. Deviennent désirables à la fois le corps beau et le corps sain.

Les thérapies vont donc s'organiser autour de la perte de poids, sans tenir compte du stade de la maladie 11 ( * ) et en se concentrant sur les comportements individuels, pourtant largement conditionnés par les déterminants sociaux et environnementaux.

En cas d'échec, la tentation est forte de renvoyer le patient à sa faiblesse de caractère, voire à son irresponsabilité compte tenu des risques médicaux courus.


* 10 Ce paragraphe s'inspire largement de l'ouvrage de Thibault de Saint Pol, « Le corps désirable », publié en 2010.

* 11 Il a été évoqué précédemment que l'obésité devient plus ou moins irréversible lorsqu'elle atteint la phase statique.

Page mise à jour le

Partager cette page