EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 14 décembre 2010.

A la suite de l'exposé des rapporteurs, un débat s'est engagé.

M. Josselin de Rohan, président. - Au nom de la commission, je remercie nos deux rapporteurs pour leur remarquable travail. Cet inventaire est exhaustif, les pistes que vous proposez sont très intéressantes et vous avez débusqué les imperfections et les disfonctionnements.

J'ai demandé à ce que nous soyons reçus par le ministre de la défense à qui nous pourrons présenter vos préconisations. Je me félicite que vous ayez pu travailler avec le secrétaire général de la défense nationale et de la sécurité. Tout ceci aboutit à une proposition de loi qui a reçu l'agrément du ministre de la défense qui souhaite même l'amender !

M. André Vantomme. - Je m'associe aux compliments de M. le Président.

Cette réflexion est intéressante, et les pistes que vous tracez prometteuses, mais des moyens sont-il prévus ? Vous avez parlé des retards dans le paiement des soldes de certains réservistes. Comment financera-t-on vos propositions ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - Nous nous sommes concentrés sur l'architecture juridique : le coût de ces évolutions ne devrait pas être important. A un moment, il faudra sans doute arbitrer entre le nombre de réservistes et la qualité. Pour nous, la qualité doit primer.

M. Michel Boutant, co-rapporteur. - Il faut distinguer deux types de recours aux réservistes : il y a ceux qui sont programmés, notamment dans la gendarmerie, car on sait à l'avance quels sont les besoins : ainsi en est-il pour les interventions d'été en bord de mer ou lors des grandes manifestations sportives.

Lorsqu'il y a des crises, les interventions doivent être financées sur des crédits spécifiques.

Aujourd'hui, les objectifs en termes de nombre de réservistes sont sans doute un peu trop ambitieux. Nous proposons de reconsidérer les besoins réels pour mieux nous concentrer sur la qualité des interventions et leur anticipation. Nous souhaitons aussi que les entreprises qui emploient des réservistes puissent avoir recours à un dispositif analogue à celui en vigueur pour le mécénat.

M. Daniel Reiner. - Merci d'avoir éclairé ma lanterne. Je comprenais mal comment tout cela était organisée et il me semble que, parfois, c'est la pagaille. On a le sentiment que cette question relève des superpréfets des zones de défense et que les autres préfets, sans même parler des élus, ne sont pas associés. A l'époque de la tempête de 1999, j'étais maire d'une commune de 5 000 habitants et je me suis débrouillé avec mes propres moyens : personne n'est venu nous aider.

Je connaissais assez bien les réserves militaires, moins bien les réserves civiles, mise à part les réserves de la police. Je ne savais pas que la réserve sanitaire existait quant aux réserves civiles communales, je n'en avais jamais entendu parler, même si elles existent depuis 2004. Il faudra sans doute attirer l'attention des maires sur ce point, car je doute que tous soient au courant de leur existence.

En ce qui concerne les réserves militaires, toutes les armes s'intéressent-elles vraiment à leurs réserves ? Sans doute certaines armes devraient-elles faire quelques efforts en ce domaine.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - Les armées s'intéressent de plus en plus à leurs réserves car, depuis la fin du service national, elles les aident à fonctionner. Toutes les armes nous ont accueillis avec bienveillance et ont manifesté leur intérêt à développer les réserves.

M. Michel Boutant, co-rapporteur. - Les différentes armées sont intéressées par les réserves pour des métiers très spécifiques. Ainsi, au CPCO du ministère de la défense, il y a quasiment en permanence des réservistes : linguistes, informaticiens, logisticiens.

Il faut bien avouer qu'il y a des réserves qui fonctionnent mieux que d'autres.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - La gendarmerie ne pourrait pas fonctionner sans réservistes.

M. Michel Boutant, co-rapporteur. - En 1999, j'étais maire dans le sud-ouest : nous avons été obligés de nous débrouiller seuls, avec les bénévoles qui étaient en quelque sorte des réservistes. Il arrive un moment où les médias se détournent de ces théâtres de désolation, mais il reste pourtant encore des semaines de travail ! Or, ce ne sont pas les communes qui peuvent y arriver seules. Et je suis bien conscient aussi que ce n'est pas le rôle de l'armée que d'accomplir ce travail.

M. André Vantomme. - J'ai été maire pendant vingt ans ; jamais je n'ai entendu parler de réserves communales...

M. Michel Boutant, co-rapporteur. - Elles ont été créées en 2004.

M. André Vantomme. - Où sont-elles ? Qui les compose ? Peut-on avoir des informations plus concrètes ?

Lors de grandes sècheresses, il a été fait appel aux moyens militaires pour le transfert de fourrages. A-t-on mesuré la réticence des militaires à ces demandes qui ne relèvent pas de leur métier, surtout depuis que nous avons une armée professionnelle ? Il n'est pas toujours facile pour les militaires de se transformer de la sorte !

M. Michel Boutant, co-rapporteur. - L'armée répond à ce type de demandes dans le cadre du contrat d'objectifs. Les militaires ont assuré le transport de fourrages dans le Massif central il y a quelques années, et plus récemment à Draguignan, à la suite des orages. Les armées ne sont plus cantonnées dans un rôle strictement militaire. Le préfet de la zone de défense peut recourir à l'armée, aux sapeurs-pompiers ou un autre type de réserve civile.

Mme Bernadette Dupont. - Il y a une ambiguïté : d'un côté, on revendique une armée professionnelle, de l'autre, on leur confie mille et une tâches !

Le Génie fait beaucoup appel aux réservistes, car il s'agit de métiers techniques. Selon le dernier colonel du régiment de Versailles, le problème était de pouvoir les payer, car les crédits étaient pris sur le budget du régiment ! C'est une vraie limite.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - D'où l'intérêt d'une réserve citoyenne, bénévole !

M. Jacques Gautier. - Lors de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1, le préfet avait demandé aux maires de recenser les volontaires, anciens médecins ou anciens infirmiers. Or les personnes qui venaient s'inscrire auprès de la mairie étaient celles qui s'investissent déjà dans la Croix-Rouge ou la Protection civile ! Il y a un vrai travail à faire au niveau de la préfecture pour remettre tout cela à plat.

M. Josselin de Rohan, président. - Je remercie les auteurs de ce rapport, particulièrement riche. Il y a un continuum entre sécurité et défense, et la frontière entre les missions de protection civile et de protection militaire est ténue : s'il faudra toujours faire appel aux moyens militaires lors de crises majeures, nous avons aussi besoin d'une force de sécurité civile encadrée et organisée. Il faut recenser les capacités et clarifier les tâches de chacun. Il faut des réserves mobilisables à proximité, sur le modèle des états-majors de défense régionaux. Le rapport insiste également, à juste titre, sur la qualité : nous n'avons pas besoin de monde pour décharger les militaires d'active des corvées, mais de spécialistes !

La question de la disponibilité devra être réglée par la proposition de loi. À se voir opposer des préavis différents pour des employés réservistes dans la police, la gendarmerie ou l'armée, l'employeur y perd son latin, et préfère n'en embaucher aucun !

M. Michel Boutant, co-rapporteur. - C'est ce qui explique la discrétion des réservistes vis-à-vis des employeurs.

M. Josselin de Rohan, président. - Il faut une incitation. Il est normal d'indemniser une entreprise qui doit se dessaisir de ses cadres ; si c'est la seule solution, va pour le mécénat ! C'est une question à approfondir avec les représentants des employeurs.

Si l'on veut susciter des vocations, il faut que les réservistes se sentent utiles. Aux recruteurs de les séduire. Ce n'est pas toujours évident... Nous n'avons pas besoin d'effectifs nombreux ; mieux vaut moins de réservistes, mais plus efficaces, utiles et disponibles.

Je trouve assez folklorique la distribution de grades dans la réserve citoyenne. Cela rappelle les titres de colonel honoraire que les monarques distribuaient à leurs commensaux ! Le grand-duc de Luxembourg est ainsi colonel honoraire des Irish Guards : il assiste à la parade militaire pour l'anniversaire de la reine, Trooping the Colour, en uniforme rouge et bonnet à poils ! Un de mes collègues député est passé du grade de quartier-maître chef dans la marine à celui de colonel honoraire de gendarmerie ! Je ne veux offenser personne - pour ma part, je reste le maréchal-des-logis que j'ai toujours été...

La réserve citoyenne est indispensable comme interface entre pouvoir civil et armée, mais il est impératif d'en redéfinir les priorités et les missions.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - Je suis d'accord avec le président sur les grades honorifiques ; la réserve citoyenne ne doit pas être cantonnée aux mondanités, elle correspond à un vrai besoin. Les responsables de l'état-major de la marine disent avoir besoin de ces réservistes qui interviennent bénévolement sur des sujets pointus, en matière linguistique ou juridique. Ces professionnels n'ont pas le temps de s'engager dans la réserve opérationnelle, mais peuvent venir en appoint en période de crise. Je regrette que le texte ne prévoie plus que la réserve citoyenne serve d'appoint aux réserves opérationnelles, ce qui était initialement le cas. Il faut encourager ce bénévolat au service de l'intérêt général.

M. André Vantomme. - Après avoir suivi la scolarité de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), j'ai été nommé colonel de la réserve citoyenne. La réserve citoyenne a aussi pour mission de renforcer le lien armée-Nation ; avec la fin de l'armée de conscription, elle doit relayer ses valeurs. Pour ma part, je n'arbore pas de galons, et ce grade ne me met nullement mal à l'aise. Vous ne trouverez aucune forfanterie chez les officiers honoraires, mais des comportements effacés et respectueux - à l'instar de ceux qui savent porter des titres de noblesse avec une discrétion toute républicaine ! (Sourires)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - Le ministre de la défense est d'ailleurs colonel de la réserve citoyenne.

M. Josselin de Rohan, président. - Colonel Vantomme, ma remarque n'était nullement polémique ! J'ai seulement dit qu'il fallait mieux définir la réserve citoyenne. Je ne vois aucun inconvénient à ce que l'on distribue grades et chapeaux à plume.

M. Jacques Berthou. - Le deuxième classe que je suis attire votre attention sur la proposition de loi en cours d'examen à l'Assemblée nationale, qui traite des relations des sapeurs-pompiers volontaires avec leurs employeurs. Le problème se pose dans les mêmes termes pour les réservistes.

M. Charles Pasqua. - Ce rapport est très bien, mais il ne parle pas suffisamment des pompiers, professionnels et volontaires, qui sont les premiers mobilisables en cas de catastrophe naturelle. Les sapeurs-pompiers volontaires, au nombre de 250 000, sont opérationnels presque de suite, y compris en dehors de leur propre département. Je me réjouis que le législateur se penche sur leur cas, car il faut dissiper le flou.

M. Michel Boutant, co-rapporteur. - Peut-être ne nous sommes-nous pas suffisamment appesantis sur ce point, mais notre rapport précise bien que la réserve renforce toutes les forces d'active, ce qui comprend les sapeurs-pompiers. Les élus locaux que nous sommes gèrent les services départementaux d'incendie et de secours : nous savons que les sapeurs-pompiers sont les premiers à intervenir !

M. Charles Pasqua. - Les unités viennent de différents départements.

M. Michel Boutant, co-rapporteur - Lors de la tempête Xynthia, les sapeurs-pompiers de Charente ont été appelés au petit matin en Vendée et en Charente-Maritime. À Bordeaux, les réservistes sont venus d'eux-mêmes à l'état-major de la zone de défense quand Météo-France a annoncé la tempête.

M. Josselin de Rohan, président. - S'il y a une chose qui fonctionne, c'est les pompiers.

M. Jacques Blanc. - Dans mon département, il n'y a presque que des pompiers volontaires. C'est une chance, et une sécurité indispensable. Mais il faut encourager les vocations... La proposition de loi, déposée par un député de Lozère, vise à conforter le pompier volontaire dans sa relation à son employeur.

M. Jean-Paul Fournier.- J'ai signé un rapport sur le volontariat chez les pompiers. Bien des chefs d'entreprise refusent de laisser partir leurs employés, et souvent n'embauchent pas les candidats qui indiquent sur leur curriculum être pompier volontaire !

M. Michel Boutant, co-rapporteur. - Cette question relève de la commission des lois. Nous savons tous combien il est difficile de mobiliser les sapeurs-pompiers volontaires sur leur temps de travail, à moins qu'ils ne soient fonctionnaires territoriaux ! À se demander s'il ne faut pas en venir à recruter des pompiers volontaires dans nos collectivités...

M. Josselin de Rohan, président. - Je l'ai fait dans ma mairie.

M. Michel Boutant, co-rapporteur. - Moi aussi - avec un succès mitigé...

M. Josselin de Rohan, président. - Le statut des sapeurs-pompiers n'est pas de notre compétence.

Je cite à Mme Garriaud-Maylam son rapport : on y lit que la distribution de grades et de tenues honorifiques dans la réserve citoyenne est source de « malaise » chez les réservistes opérationnels... Il est nécessaire de clarifier les choses, pour que la réserve citoyenne soit plus utile et mieux définie.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur. - Oui à une clarification, mais il n'y a pas lieu de traiter la réserve citoyenne avec condescendance.

M. Josselin de Rohan, président. - Je vous propose de rapporter la proposition de loi au Sénat, si vous en êtes d'accord. Nous pourrions l'inscrire dans la niche de la majorité, ou utiliser la fenêtre d'initiative parlementaire.

M. Charles Pasqua. - Nous vous faisons confiance !

Le rapport est adopté à l'unanimité.

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