Audition de l'Amiral François de LASTIC, Délégué aux réserves de la marine nationale, le 24 mars 2010

L'amiral de Lastic a tout d'abord indiqué que la Marine Nationale ne connaissait pas de difficultés pour recruter des réservistes opérationnels. A la fin de l'année 2009, la réserve opérationnelle comptait environ 6 250 réservistes sous ESR (Engagement à Servir dans la Réserve), pour une durée annuelle moyenne d'activité de 21 jours. Le taux de féminisation est de 16 %, légèrement supérieur à l'active (13 %). L'âge moyen dans la réserve opérationnelle de la Marine Nationale est de 39 ans.

A l'horizon 2015, l'objectif de la marine nationale est d'atteindre l'effectif de 7 500 réservistes.

Enfin, sur un plan qualitatif, les objectifs induisent un renforcement de la « fonction protection » qui devrait représenter presque la moitié des postes à l'horizon 2015. L'amiral a précisé que le recrutement des fusiliers marins de réserve, chargés de garder les ports et les bases, était délicat car cette mission correspond moins aux attentes des réservistes qui s'engagent dans la réserve de la Marine.

La Marine possède également un vivier conséquent d'anciens réservistes et de candidats à la réserve. Cela permet de créer une « mobilité fonctionnelle », et d'organiser une « gestion dynamique par flux ». En effet, au bout de quelques années dans la réserve, l'individu peut être amené à suspendre ses activités de réservistes en raison de contraintes diverses (expatriation, évènements familiaux, phase professionnelle exigeante...) et à les reprendre. Il n'y a donc pas de carrière continue dans la réserve de la Marine, mais une succession de périodes d'affectation. 7 000 personnes sont volontaires pour signer un ESR sans qu'on puisse le leur octroyer, pour des raisons budgétaires principalement. La Marine entretient ce vivier qui constitue une réelle singularité.

Toutefois, l'amiral a remarqué un fléchissement cette année des effectifs de la réserve, non pas en raison d'une baisse de l'attractivité mais à cause de l'encadrement de la masse salariale globale qui influe sur la « masse salariale » de la réserve, cette dernière n'ayant pas augmenté en 2009.

Les Préparations Militaires d'Initiation ou de Perfectionnement à la Défense Nationale organisées par la Marines (PMM) ont une mission de formation mais aussi de recrutement. Chaque année, 2 000 jeunes stagiaires suivent cette formation et les deux tiers s'engagent, à terme, dans l'active ou dans la réserve.

La PMM propose 10 jours (samedis) de formation étalée sur l'année, ainsi qu'une semaine de découverte d'un port militaire. Ce sont essentiellement des réservistes qui encadrent les 63 centres PMM répartis en métropole et outre-mer. L'amiral a indiqué que ces PMM obtenaient des résultats très positifs et que 2 nouveaux centres de formation ouvrent à la rentrée 2010.

L'amiral de Lastic a aussi estimé que même si la Marine était la plus petite des trois armées, elle comptait un très grand nombre de métiers. La Marine ne parvient pas à disposer toute l'année en quantité et en qualité de toutes les compétences nécessaires au sein des forces d'active et fait naturellement appel aux réservistes. Par exemple, pour assurer la surveillance du littoral, il faudrait doubler les effectifs des sémaphores pendant la période de suractivité estivale. Plutôt que d'augmenter les effectifs d'active pour ce besoin saisonnier, la Marine a jugé plus efficient de recourir à des réservistes spécialement formés.

La gestion de la réserve de la Marine est assurée de manière centralisée depuis Toulon. Une autre singularité de la réserve de la marine est l'existence d'un fichier unique permettant d'identifier les volontaires de la réserve opérationnelle, les disponibles, et les compétences qu'ils peuvent offrir. Ainsi, plutôt que de former un individu, la Marine va rechercher les réservistes ou anciens réservistes déjà formés pour l'activité demandée. Il est possible de faire une extraction pour cibler les compétences requises par rapport aux besoins de la situation. La formation des réservistes est donc limitée au juste besoin puisqu'ils sont sélectionnés en raison de leur compétence. Cette politique a pour effet de minimiser le volume de formation consacrée aux réservistes en cohérence avec leur durée d'emploi moyen de 21 jours annuels.

L'amiral a indiqué que le personnel réserviste peut être amené à suspendre ses activités de réserviste en raison de contraintes diverses Toutefois, il a précisé que la plupart de ces réservistes partent avec l'idée d'un retour dans la réserve, à moyen terme. Ainsi, on constate un retour conséquent d'anciens réservistes (parfois issus du service national) de plus de 45 ans. Ces personnes font donc partie du vivier de volontaires potentiels pour souscrire un emploi dans la réserve. L'amiral a reconnu un décalage entre leurs aspirations et ce qui leur est proposé, car ils ont conservé le grade obtenu au cours de leur service national ou de leur période de réserve initiale.

En ce qui concerne l'activité, l'amiral a précisé que la Marine disposait avec l'active des moyens nécessaires et de la capacité requise pour diriger des opérations complexes. Lorsque survient une crise, la Marine est confrontée à un problème de disponibilité et de réactivité des réservistes. C'est pourquoi en cas de crise majeure, les forces d'active seraient envoyées en priorité, les réservistes ne seraient mobilisés que dans un deuxième temps, pour renforcer le dispositif ou suppléer des militaires d'active.

Ensuite, l'amiral a rappelé que la mise en oeuvre de matériels modernes était une affaire de spécialistes, la complexité de ces matériels empêche le plus souvent que leur mise en oeuvre soit confiée à des réservistes par nature « intermittents ». Il a estimé que, de ce fait et hormis quelques anciens d'active, les réservistes étaient rares dans le coeur opérationnel des armées, Par exemple, on trouve très peu de réservistes à bord de sous-marins ou de bâtiments de surface. Il a cependant insisté sur le caractère indispensable de la contribution de ces réservistes au fonctionnement de ce coeur opérationnel.

De plus, en raison du cadre réglementaire actuel, la réserve n'est pas adaptée à la situation de crise : elle repose sur le principe du volontariat et prévoit un préavis de convocation d'un mois. Dans le cas, prévu par la loi, d'un décret de mobilisation pris en conseil des ministres, le réserviste est contraint de répondre à l'appel mais son employeur n'a aucune contrainte juridique particulière l'obligeant à le libérer et le réintégrer. L'amiral de Lastic a estimé que la période de disponibilité de 5 ans de la RO2 était adaptée à la rémanence des compétences des anciens militaires d'active et que la diminuer serait se priver d'une partie d'un vivier précieux.

Par ailleurs, compte tenu de l'importance du vivier des anciens réservistes potentiellement employables, l'amiral a estimé qu'il serait intéressant d'imaginer un statut d'ancien réserviste, par exemple au travers d'une forme adaptée d'obligation de disponibilité.

Il n'existe pas de plan d'emploi des réservistes de deuxième niveau dans la Marine nationale. Toutefois, à partir du vivier dont elle dispose, l'amiral a estimé que l'élaboration d'un plan d'emploi spécifique des réservistes selon leurs compétences était possible.

L'amiral de Lastic a indiqué que la clause de réactivité était peu utilisée, pour des raisons pratiques notamment. En effet, la mise en oeuvre de cette clause, qui requiert la signature du réserviste, du responsable militaire et de l'employeur, constitue une procédure lourde. En pratique le réserviste planifie son activité dans la réserve en fonction de son activité professionnelle. Ainsi, l'essentiel des périodes d'activité se décide à l'amiable entre le réserviste, son employeur et son unité militaire.

L'amiral a aussi évoqué le fait que certains réservistes cachent leur situation à leur employeur, ce qui révèle une mauvaise image de la réserve. Cependant, la plupart des réservistes, 80 %, déclarent avoir annoncé leur appartenance à la réserve à leur employeur, selon une étude de la Délégation à l'Information et à la Communication de la Défense (DICoD).

Par ailleurs, de nombreuses entreprises ont signé des conventions de soutien à la réserve mais il est possible d'aller plus loin, par exemple en proposant des avantages fiscaux pour les entreprises qui emploient des réservistes. L'amiral a évoqué des cas où une crise à dominante maritime pourrait mettre en danger la continuité de l'Etat. Cela pourrait être une catastrophe naturelle (un tsunami ou un cyclone) sur le territoire national mais aussi une crise internationale menaçant nos flux logistiques fortement dépendants du maritime avec la mondialisation.

Actuellement, 30 % de l'activité de la Marine correspond à des missions non militaires. La marine est en effet très impliquée dans toutes les actions de l'Etat en mer, que ce soit en temps normal ou en temps de crise. Les préfets maritimes assurent en particulier la direction régionale des crises se déroulant en mer. La marine emploie d'ores et déjà un grand nombre de réservistes dans ce type d'activités.

Enfin, évoquant la lourdeur des modalités de gestion des réserves, l'amiral a signalé que le contrat ESR stipule un lieu d'emploi. Ainsi, lorsque le réserviste change d'affectation, il faut établir un avenant ou un nouveau contrat. Il estime que l'affectation est nécessaire mais elle ne devrait pas relever du contrat d'engagement à servir dans la réserve.

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