B. REVOIR LA RIGIDITÉ DE CERTAINES RÈGLES SANS NUIRE À UN USAGE RÉGULIER DES FONDS

Les règles européennes de mise en oeuvre de la politique de cohésion sont complexes, même s'il ne faut pas méconnaître la responsabilité certaine des autorités nationales en la matière. Lors de sa venue à Paris le 19 janvier 2011, le commissaire Johannes Hahn a insisté sur ce point, déplorant ainsi que certaines améliorations déjà apportées par l'UE (comme le remboursement forfaitaire) n'arrivent pas toujours à l'utilisateur final, en raison de règles nationales contraires.

1. Adapter les règles pour faciliter la mise en oeuvre régulière des fonds

Sans doute les porteurs de projets éligibles aux fonds structurels expriment-ils le besoin d'une plus grande simplicité de mise en oeuvre de ces fonds, mais ils réclament également une certaine stabilité dans les règles applicables. L'association des régions de France souligne qu'une telle stabilisation permet une meilleure appropriation des règles de gestion par les autorités de gestion et contribue également à leur renforcement. Votre commission estime donc que le Gouvernement devrait défendre ou proposer seulement des modifications aux règles existantes qui représentent une simplification effective pour l'autorité de gestion et/ou le porteur de projet.

Le rapport remis en avril 2010 par M. Pierre Lequiller et Mme Sophie Auconie au Premier Ministre sur la bonne utilisation des fonds structurels en France propose plusieurs pistes intéressantes en la matière. Vos rapporteurs, pour leur part, souhaitent ici insister sur deux points.

D'une part, ils soutiennent le projet de la Commission d'assouplir la règle dite du « dégagement d'office ». En vertu de cette règle, sont restitués au budget communautaire tous les crédits engagés au titre de l'année N qui n'ont pas été consommés à la fin de l'année N+2 : ceci vise à garantir la mise en place des projets dans un délai raisonnable. Néanmoins, les nouveaux États membres, la Grèce et le Portugal bénéficient d'une règle assouplie puisque le dégagement d'office s'opère pour eux à la fin de l'année N+3. Votre commission soutient la proposition de la Commission de permettre à tous les États membres de profiter de cet assouplissement à N+3 mais seulement la première année de la programmation, afin de tenir compte de son démarrage et d'éviter que les régions ne se focalisent sur l'absorption rapide des fonds aux dépens de leur utilisation efficace. Il faudra alors veiller à ce que la première tranche annuelle soit reportée sur le reste de la période de programmation, et non pas sur la seule année suivante, ce qui contraindrait à justifier l'équivalent de deux tranches annuelles en une seule année, ce qui risque de soulever des difficultés. En revanche, la Commission considère légitimement que, pour assurer une bonne gestion financière, la règle du N+2 doit continuer à s'appliquer pour le reste de la programmation et désormais à tous les programmes, y compris dans les nouveaux États membres.

D'autre part, votre commission souligne la pertinence du principe d'un contrôle proportionnel proposé par le rapport Lequiller déjà évoqué. Il s'agirait d'adapter les exigences réglementaires à la taille des projets ou des programmes, voire à la nature ou à la taille des bénéficiaires. Il serait en effet logique de réduire les exigences pour les petits projets, et ce pour tous les fonds européens, y compris pour le FEADER. Dans le même esprit, M. Pierre Lequiller avance l'idée d'un contrat de confiance entre les États membres et la Commission, permettant aux plus « vertueux » d'entre eux de bénéficier d'un allègement des exigences en matière de gestion et de contrôles. Interrogé sur la faisabilité de ce contrat par Mme Sophie Auconie, le commissaire Hahn n'y a pas semblé opposé lors de sa venue à Paris le 19 janvier 2011.

2. Donner leur chance aux partenariats public-privé (article 55)

Une illustration de l'effet dissuasif de la complexité des règles européennes sur certains projets doit être particulièrement soulignée : il s'agit des projets générateurs de recettes, c'est-à-dire des projets impliquant une redevance payée par l'usager ou la fourniture de services contre paiement.

Pour ces projets, il est exigé une estimation préalable des recettes attendues, un suivi des montants effectivement générés puis un reversement final en cas d'éventuels surfinancements. Cette règle tend à éviter que les fonds européens n'alimentent indûment la marge de l'opérateur privé au lieu de profiter à l'investissement public. L'insécurité juridique et la complexité qui en découlent sont sources de découragement : les porteurs de projet redoutent de s'exposer à des corrections financières ultérieures. Il est légitime que la Commission se préoccupe d'assurer la régularité de l'emploi des fonds structurels et d'éviter tout avantage indu au bénéfice des opérateurs privés. Mais ceci ne doit pas nuire au développement des projets en partenariat public-privé (PPP), qui contribuent le plus souvent à des investissements permettant l'accès aux services essentiels (eau, assainissement...) et dégageant de fortes externalités positives en matière de protection de l'environnement (51 ( * )) , d'amélioration de la santé publique....

M. Rainier d'Haussonville, directeur des affaires européennes de Veolia Environnement, dont la filiale Dalkia International expérimente ces difficultés d'articulation entre fonds structurels et concessions - en ce qui concerne la gestion de réseaux de chaleur en Europe centrale -, a d'ailleurs fait observer à vos rapporteurs que la Commission elle-même reconnaissait ces difficultés et avait publiquement envisagé de simplifier et modifier les règles applicables pour prévenir tout risque de discrimination selon le mode de gestion du projet (52 ( * )) .

Même si une précédente révision (53 ( * )) du règlement général a déjà permis d'exonérer de ces règles complexes les projets cofinancés par le FSE, ainsi que les projets inférieurs à 1 million d'euros cofinancés par le FEDER, les exigences imposées par la Commission pour prouver que le projet est bien inférieur à 1 million d'euros demeurent dissuasives.

Votre commission encourage donc le Gouvernement à proposer une révision des règles (54 ( * )) et pratiques en vigueur afin de ne pas écarter les projets d'investissement impliquant le secteur privé et accroître ainsi l'efficacité de la politique de cohésion. Une solution serait de revenir aux dispositions de la précédente période de programmation, qui prévoyaient une minoration forfaitaire du taux de cofinancement pour les projets générateurs de recettes substantielles. L'association des régions de France soutient également ce retour aux règles plus simples en cours sur la période 2000-2006.

La combinaison entre fonds structurels et PPP est un véritable enjeu, surtout dans le contexte actuel de crise des finances locales et en raison de l'effet de levier considérable des PPP.

3. Simplifier les nouveaux instruments d'ingénierie financière

Enfin, une dernière piste de simplification serait à explorer, concernant les nouveaux instruments financiers, innovation de la période 2007-2013. Il s'agit de nouvelles formes de financement de l'investissement qui combinent subventions et prêts. Ils présentent donc l'avantage d'exercer un plus grand effet de levier que les subventions traditionnelles, ce qui est précieux en période de contrainte budgétaire.

La Commission affiche, dans son cinquième rapport, le souhait que ces instruments d'ingénierie financière (dispositifs JEREMIE , JESSICA...) soient mieux exploités par les régions à l'avenir.

Or, en France, malgré l'intérêt manifesté par plusieurs régions, seules deux d'entre elles (Languedoc-Roussillon et Auvergne) y ont recouru (55 ( * )) .

D'après son cinquième rapport sur la cohésion, la Commission envisage d'étendre le champ d'action et l'éventail des instruments d'ingénierie financière, vers lesquels elle entend canaliser le soutien financier général aux entreprises. Elle annonce aussi son souhait de distinguer plus clairement les règles relatives au financement traditionnel par voie de subventions de celles relatives à ces nouveaux instruments.

Mais elle n'évoque pas la nécessité d'adopter des mesures de simplification sans lesquelles il paraît difficile d'espérer un déploiement de ces outils innovants. Votre commission encourage donc le Gouvernement à plaider en ce sens dans les négociations à venir et souligne l'intérêt de ce type d'assistance remboursable qui constitue une forme de financement renouvelable et donc plus pérenne à long terme.


* (51) Il en est ainsi du développement de réseaux de chaleur performants alimentés par des énergies renouvelables.

* (52) Communication de la Commission, Mobilisation des investissements privés et publics en vue d'une relance de l'économie et d'une transformation structurelle à long terme : développement des partenariats public-privé , COM (2009) 615 final, 19 novembre 009.

* (53) En décembre 2008.

* (54) Article 55 du règlement n°  1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999.

* (55) D'après le rapport Lequiller déjà cité.

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