B. DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES

1. Les difficultés de la pêche artisanale

Saint-Pierre-et-Miquelon siège au titre de la France au sein de deux organisations internationales spécialisées en matière de pêche, qui fixent les quotas de pêche de certaines espèces de poissons :

- l'OPANO, organisation des pêches de l'Atlantique Nord, créée en 1978, qui doit contribuer à l'utilisation optimale, à la gestion rationnelle et à la conservation des ressources halieutiques dans la zone ;

- la CICTA, Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, créée en 1969, qui rassemble des données et émet des recommandations en fonction de l'état des ressources.

La flotte de pêche de Saint-Pierre-et-Miquelon comprend 12 navires, dont 4 chalutiers, pratiquant surtout une pêche artisanale. Pendant près de sept mois chaque année, les flotilles perçoivent une prime d'hivernage, pour laquelle le conseil territorial leur verse une indemnité, afin de compenser les périodes sans pêche. En outre, des navires étrangers exploitent certains quotas de l'archipel, en vertu d'accords commerciaux conclus avec des opérateurs locaux.

Ainsi, l'accord de pêche franco-canadien de 1994 sur les relations réciproques en matière de pêche stipule que 70 % du quota français de morue dans la zone de pêche dite 3PS, définie par l'organisation des pêches de l'Atlantique Nord (OPANO), sont pêchés par des navires canadiens et débarqués à Saint-Pierre-et-Miquelon. C'est dans le cadre de cet accord que la société Saint-Pierre-et-Miquelon Seafood affrète un navire auprès d'une société canadienne.

M. Jean-Pascal Devis, chef du service des affaires maritimes, a expliqué que si la capacité de pêche et de traitement de la pêche avait augmenté ces dernières années, les quotas attribués par OPANO et la CICTA étaient stables ou en légère diminution. La production ne peut donc être augmentée qu'en exploitant des quotas qui ne l'étaient pas auparavant. En effet, les navires français ne réunissent pas nécessairement les conditions techniques nécessaires pour pêcher dans certaines zones éloignées.

M. Devis a toutefois indiqué que la ressource halieutique demeurait relativement abondante et diversifiée, avec près de 6 500 tonnes de quotas réellement exploitables sur 8 000 tonnes de quotas ouverts. La flottille artisanale reste cependant trop nombreuse par rapport aux quotas actuels, si bien que les producteurs ne peuvent subsister sans une aide de la collectivité. Il a souligné le savoir-faire local en matière de traitement des produits de la mer et l'excellente image des productions locales.

En 2009, les prises de morue ont augmenté de 39,4 %, permettant une utilisation de l'intégralité du quota. Cependant, l'activité de la pêche artisanale a diminué de 9,2 % par rapport à 2008, avec un cumul de captures de 1 760 tonnes.

Les pêcheurs sont engagés dans une démarche de diversification, qui les conduit à pêcher des bulots, des concombres de mer ou des crabes des neiges.

Vos rapporteurs relèvent que l'existence de deux pôles halieutiques distincts, à Saint-Pierre et à Miquelon , constitue une source de tensions, en raison de la raréfaction des produits.

Un comité de pilotage a été créé de façon informelle en 2008, pour définir les orientations de la filière dans son ensemble. Co-présidé par le préfet et le président du conseil territorial, il rassemble les parlementaires et les maires de l'archipel, ainsi que des représentants des transformateurs et des producteurs. Ce comité de pilotage a défini une répartition des produits attribuant deux tiers des quantités de morue à l'usine de Saint-Pierre et un tiers à celle de Miquelon.

Si l'application de cette répartition semble parfois difficile en pratique, les responsables des deux entreprises de Saint-Pierre et de Miquelon ont engagé des discussions susceptibles d'aboutir à l'établissement d'un plan de pêche global, intégrant les intérêts des deux pôles et des armements locaux.

L'entreprise EDC, implantée à Miquelon, poursuit sa démarche expérimentale, lancée en 2002 et étudiée dans le précédent rapport de votre commission consacré à Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de développer l'élevage de coquilles, à partir de naissains importés du Canada (élevage pectinicole, portant sur des pétoncles géants du Canada).

Les semis en eaux profondes, destinés à permettre ensuite la pêche de coquilles, sont partiellement financés par la collectivité territoriale. Le montant de cette aide a atteint 450 000 euros en 2010. L'Etat a pour sa part versé 400 000 euros pour le développement de la filière aquacole au titre du contrat de développement 2007-2013, auxquels s'ajoutent 300 000 euros d'aide exceptionnelle.

L'aquaculture offre également des perspectives prometteuses à Saint-Pierre, qu'il s'agisse de l'élevage de cabillaud (grossissement) ou de mytiliculture.

M. Jean-Pascal Devis, chef du service des affaires maritimes, a indiqué que les produits de l'aquaculture, en particulier les pétoncles et le cabillaud, pourraient être acheminés en tant que produits frais vers le marché métropolitain (Rungis), par voie aérienne, via Halifax 6 ( * ) . Il a souligné qu'une telle filière ne pouvait se développer sans accompagnement, puisqu'on observe couramment un délai de dix ans entre le lancement des expérimentations et l'engagement de la phase de commercialisation.

En matière de diversification économique, vos rapporteurs ont relevé avec intérêt que Saint-Pierre-et-Miquelon pouvait également développer des activités agricoles, qui présentent le double avantage de créer des emplois et de rendre l'archipel un peu moins dépendant des exportations. Vos rapporteurs ont ainsi visité la Ferme de l'ouest, à Miquelon-Langlade, qui pratique la culture (fraises) et l'élevage (canards, moutons) et propose ses propres produits (foie gras, confits, magrets...). Cette double activité de production et de transformation permet à l'exploitation de maintenir une activité équilibrée au long de l'année, malgré des conditions climatiques qui réduisent les périodes de culture et d'élevage.

A Saint-Pierre, ont été lancées avec succès des productions maraîchères sous abri, en coopération avec le Canada. Cependant, comme l'a expliqué M. Jean-Louis Blanc, l'espace nécessaire pour développer l'agriculture se situe essentiellement à Miquelon-Langlade. Un bâtiment de quarantaine sanitaire pourrait y être réutilisé pour l'élevage d'animaux. Ce développement suppose par ailleurs que le conseil territorial, qui maîtrise les ressources foncières, classe une partie des surfaces disponibles en terres agricoles.

Si cette production agricole ne peut assurer l'autosuffisance alimentaire de l'archipel, elle constitue une source de satisfaction pour les consommateurs, qui éprouvent à la fois le plaisir et la fierté de trouver des produits locaux de qualité.


* 6 Cet acheminement est conditionné par la possibilité de réaliser des analyses sur les produits de la pêche dans un laboratoire canadien, avant exportation. Cette question fait l'objet de discussions avec le Canada dans le cadre de la coopération régionale (voir le II).

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