C. UNE DÉPENDANCE À L'ÉGARD DES FINANCEMENTS PUBLICS AUX EFFETS ANESTHÉSIANTS

1. Le manque de vision à long terme dans l'intervention de l'Etat

Vos rapporteurs relèvent que la durée de séjour des représentants de l'État dans l'archipel a atteint au plus deux ans, au cours des sept dernières années.

Les préfets de Saint-Pierre-et-Miquelon depuis 2004

Préfet

Date de nomination

Durée des fonctions

M. Albert Dupuy

Décret du 16 décembre 2004

1 an et 7 mois

M. Yves Fauqueur

Décret du 20 juillet 2006

2 ans

M. Jean-Pierre Berçot

Décret du 28 juillet 2008

1 an et 3 mois

M. Jean-Régis Borius

Décret du 29 octobre 2009

en cours

Une telle durée ne paraît pas suffisante pour engager et mener à bien une politique de développement à long terme. Il s'agit là d'un enjeu fondamental pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mme Karine Claireaux, maire de Saint-Pierre, a d'ailleurs déploré le manque de stabilité des équipes administratives de l'État.

En effet, après deux missions sur place, vos rapporteurs estiment que l'État se trouve aujourd'hui face à une alternative : soit il poursuit une logique de soutien financier essentiellement fondée sur la commande publique et les emplois publics, soit il choisit de consacrer des moyens à la préparation d'un avenir à long terme, en accompagnant la collectivité dans des investissements porteurs et dans l'organisation de nouvelles filières économiques.

Dans le premier cas, l'État peut trouver un avantage à court ou moyen terme, en achetant la paix sociale . Cette logique pourrait cependant bientôt atteindre ses limites, car ce soutien au jour le jour n'est pas suffisant pour donner un véritable avenir à la population et pour inciter les plus jeunes à construire leur vie dans l'archipel, et parce que les domaines dans lesquels il est encore possible de réaliser des chantiers créateurs d'emplois se raréfient (un nouvel hôpital est en voie d'achèvement).

Cette première hypothèse revient en définitive à cesser de croire à l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon et à compter sur les effets émollients des transferts publics, en prenant toutefois le risque de désespérer, petit à petit, la population. Les déceptions et les tensions que peut générer une telle situation sont d'ores et déjà perceptibles dans l'archipel et n'ont fait que croître entre 2005 et 2010.

Dans le second cas, l'État prend également un risque, en engageant des moyens aux côtés d'opérateurs économiques dont le succès n'est pas garanti . Mais leur succès sera d'autant moins garanti que l'État ne les accompagnera pas, pour définir une stratégie, identifier des débouchés, organiser le transport des productions locales, etc. Il s'agit donc d'un pari sur l'avenir et de donner aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon des raisons d'y croire et d'espérer.

Deux des lieux visités par vos rapporteurs illustrent cette alternative et suggèrent la voie à suivre. Il s'agit du port en eau profonde de Saint-Pierre, où vos rapporteurs ont tenu à se rendre à la fin de leur séjour sur place, et de l'aéroport international de Pointe Blanche.

Alors que la plupart des touristes accèdent à Saint-Pierre-et-Miquelon par la voie maritime, le port apparaît dans un état de décrépitude avancée. Le rapport de l'IEDOM publié en 2010 relève en effet que « l'activité touristique de l'archipel repose essentiellement sur le transport maritime : 75 % des non résidents sont entrés sur le territoire par voie maritime en 2009, soit 10 383 touristes dont 3 491 croisiéristes (qui représentent 30 % des visiteurs non résidents). Le transport aérien est principalement utilisé par les voyageurs d'affaires qui demeurent relativement peu nombreux » 8 ( * ) .

Or, le port où accostent les bateaux de croisière offre pour première vision le spectacle d'un ancien entrepôt frigorifique à l'abandon. Il ne dispose pas d'un quai digne de ce nom.

L'état du port a d'autant plus choqué vos rapporteurs que face à lui, dans un site géographique remarquable, se trouvent l'île aux Marins et ses maisons de bois colorées, si emblématiques de l'archipel.

Vue de l'Île aux Marins depuis le quai en eau profonde de Saint-Pierre

Vue de l'entrepôt frigorifique désaffecté depuis le quai en eau profonde de Saint-Pierre

Ce lieu résume l'alternative qui s'offre à l'État, mais aussi à l'ensemble des responsables politiques et économiques susceptibles de s'adresser à ce dernier. Comment miser sur le développement du tourisme à Saint-Pierre-et-Miquelon si les croisiéristes qui souhaiteraient y accoster doivent avoir l'impression d'arriver dans un archipel fantôme ?

A l'inverse, l'archipel dispose d'un aéroport très récent, bien équipé, qui pourrait accueillir des vols long courrier et des avions de taille beaucoup plus importante que les ATR qui s'y posent aujourd'hui. Cet aéroport est aujourd'hui sous-utilisé. L'investissement réalisé a semble-t-il davantage été inspiré par la volonté de créer de l'emploi dans le secteur du bâtiment et des travaux publics que par celle de doter l'archipel d'un équipement porteur pour son développement économique.

La réhabilitation du port de Saint-Pierre pourrait ainsi constituer le premier projet manifestant la volonté de diversifier et de pérenniser le développement économique. En dehors d'une utilisation pour les bateaux de croisière, la remise à niveau du port permettrait également à Saint-Pierre-et-Miquelon de se positionner sur le marché des services aux entreprises travaillant dans la prospection des champs de pétrole.

A cet égard, M. Roger Hélène, président de la Fédération des entreprises et artisans du bâtiment et des travaux publics, regrettant que le mauvais état des équipements portuaires ne permette pas à l'archipel d'offrir des services, a rappelé que Saint-Pierre-et-Miquelon se situait à 250 km des zones pétrolifères, tandis que Saint-Jean-de-Terre-Neuve se trouve à 500 km. Il a estimé que l'archipel manquait de financements suffisants pour effectuer une remise à niveau de ses équipements et relancer l'activité.

Vos rapporteurs souhaitent cependant que l'aéroport devienne, à terme, un véritable outil dans le développement de l'archipel. Ils n'entendent pas remettre en cause l'investissement réalisé, mais mettre en lumière le manque ou l'absence de vision prospective globale qui établisse un lien entre les infrastructures de l'archipel et leur utilisation dans le cadre de projets de développement.


* 8 Institut d'émission des départements d'outre-mer, rapport consacré à Saint-Pierre-et-Miquelon pour l'année 2009, p. 69.

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