b) La spécificité de la relation letto-russe

A la différence de la Lituanie où la minorité d'origine russe représente 8 % de la population, 30 % des habitants de la Lettonie sont russophones.

De fait, si la question du retrait des troupes russes a contrarié les relations avec Moscou jusqu'en 1994, les sujets de discorde sont désormais liés au statut de cette minorité. La loi sur la restauration de la citoyenneté, adoptée en 1994 définit à leur égard un statut de non-citoyen. Sont en effet considérés comme des citoyens lettons, les citoyens du premier État letton, indépendant entre 1918 et 1940 ainsi que leurs descendants.

Même si la révision de la loi en 1995 met en place une procédure de naturalisation, une large partie des minorités russophone, mais aussi ukrainienne, polonaise ou biélorusse, est mécaniquement exclue de la citoyenneté et ne peut donc bénéficier du droit de vote. De fait, si les Lettons d'origine représentent 57 % de la population, leur part dans le corps électoral s'élève à 79 %. A cette question de la citoyenneté s'ajoute d'ailleurs celle de la langue russe et de son statut en Lettonie.

Le statut des minorités en Lettonie

Le corps électoral ne se superpose pas, en Lettonie, à la population du pays, en raison de la coexistence de plusieurs statuts différents.

Les personnes d'origine lettone ne représentent que 58 % de la population. La communauté russophone représente 29,4 % de la population, les Biélorusses 4 %, les Ukrainiens 2,7 %, les Polonais 2,5 % et les Lituaniens 1,4 %.

16 % de la population (les Russes pour l'essentiel) ont un statut de « non-citoyen ». Ils disposent ainsi des mêmes droits que les Lettons, à l'exception du droit de vote. L'insertion des non-citoyens est une source de tensions avec Moscou.

L'accession à la citoyenneté s'effectue au terme d'examens relatifs à la maîtrise de la langue et à la connaissance de l'histoire du pays et de sa Constitution. Un tel parcours est considéré comme dissuasif, même si le rythme des naturalisations semble s'être accéléré depuis quelques années. La loi sur la nationalité de 1995 a en effet permis à près de 130 000 personnes d'obtenir la nationalité, contribuant de fait à faire passer la part des « non-citoyens » dans la population de 29 % en 1995 à 16 % en 2008.

Une telle politique peut s'expliquer, notamment, par la peur de voir la Russie utiliser les populations russophones comme un levier politique.

L'émergence d'une nouvelle génération politique à la fin des années quatre-vingt-dix est, dans le même temps, venue atténuer la tentation du repli identitaire et faire émerger un véritable pragmatisme en la matière.

Celui-ci repose notamment sur des réseaux de sociabilité particuliers créés autour des oligarques. La figure d'Ainârs Ðlesers, président du premier parti de Lettonie et cofondateur de la coalition Pour une bonne Lettonie , est à cet égard incontournable. Les contacts récurrents entre les entrepreneurs locaux et les membres de la Chambre de commerce et d'industrie de Russie participent également d'un rapprochement entre les deux pays, souvent favorisé par les liens personnels avec la Lettonie que possèdent un certain nombre d'acteurs économiques russes. La modification à venir du plan d'aménagement de Riga en faveur des quartiers russophones vient matérialiser ses liens. La ville est par ailleurs dirigée depuis 2009 par un élu russophone du Centre de la concorde , M. Nils Usakovs.

La crispation sur le passé ne constitue plus, en conséquence, le fil directeur de la politique lettone à l'égard de la Russie. Mme Vike-Freiberga a ainsi mis son veto à la promulgation d'une loi discriminant la minorité russophone. Ce geste fut d'autant plus remarqué que l'ancienne présidente fait partie des Lettons revenus d'exil lors de l'accession à l'indépendance. La signature en mars 2007, après une décennie de discussion, d'un traité transfrontalier, précédée par celle d'un accord bilatéral en 2006, atteste de la normalisation des relations entre les deux pays.

Le traité transfrontalier, qui reconnaît de facto les frontières, était notamment bloqué depuis mai 2005 par la volonté lettone d'y adjoindre une déclaration rappelant que le district d'Abrene, annexé par Staline en 1945, était letton entre 1920 et 1939. Accepter cet ajout signifiait pour Moscou une reconnaissance de l'occupation soviétique, invalidant la thèse officielle d'une demande lettone d'adhésion à l'Union soviétique. Le choix du gouvernement letton de retirer, in fine , cette déclaration s'explique par son affranchissement des logiques nationalistes qui structuraient jusqu'au début des années 2000 le jeu politique letton. Ce compromis est d'autant plus remarquable que la Constitution en vigueur est celle de 1922 et qu'elle fait référence au territoire de l'époque, qui comprend Abrene.

La première visite officielle à Moscou d'un président letton les 19 et 20 décembre derniers, a contribué à maintenir ces bonnes relations entre les deux pays. Il convient de relever, à cet égard, que l'actuel chef de l'État letton, M. Valdis Zatlers, parle russe, contrairement à ses prédécesseurs. Cette visite a débouché sur des accords bilatéraux importants, comme celui relatif à la double imposition.

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