II. PERMETTRE À NOTRE INDUSTRIE DE LUTTER À ARMES ÉGALES

Face à la compétition internationale, l'Allemagne, principal partenaire et concurrent commercial de la France 185 ( * ) , a fait le choix de se battre sur tous les fronts en intensifiant ses efforts en R&D, en favorisant le développement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et en réduisant ses coûts salariaux.

Dans un univers compétitif en pleine évolution, la France se doit, elle aussi, d'adapter son système productif, en optimisant la fiscalité des entreprises pour favoriser leur développement, en particulier celui des PME, en cherchant à orienter vers l'industrie les efforts de maîtrise des coûts de production et en défendant mieux les atouts de nos industries dans les marchés publics.

A. POUR UNE FISCALITÉ PLUS FAVORABLE À L'INVESTISSEMENT DANS L'INDUSTRIE

Votre rapporteur fait remarquer que l'outil de travail, en particulier industriel, doit être soumis à la fiscalité la plus faible possible de manière à accroître la compétitivité nationale . La taxe professionnelle ne pouvant constituer un impôt satisfaisant de ce point de vue, sa réforme est donc bienvenue, même si la mission s'inquiète des perspectives pour les finances locales .

Cette question suscite un débat important au sein de la mission. Une partie de la mission a ainsi fait valoir que les incertitudes qui pèsent sur la pérennité de la compensation de la CET sont particulièrement pénalisantes pour les territoires industriels. Leurs représentants se posent légitimement la question de la survie des activités industrielles sur leur territoire.

Par ailleurs, ces élus ont fait remarquer que la taxe professionnelle assurait des ressources dynamiques qui contribuaient à renforcer un écosystème industriel (infrastructures, transports, recherche, formation, etc.) favorable à l'implantation et au développement d'industries.

Enfin, ces membres de la mission rapportent les propos du Maire de Stuttgart répondant à une question sur la taxe professionnelle en Allemagne :

« M. Wolfgang Schuster a indiqué qu'une taxe équivalente existe en effet. Si certains la critiquent pour le poids qu'elle représenterait pour les entreprises, celles-ci ont surtout des exigences en termes de formation ou de qualifications. Sans la taxe professionnelle, il serait plus intéressant pour la municipalité d'avoir des habitants que des emplois. (...) M. Wolfgang Schuster a précisé que le produit de cette taxe, qui oscille selon le niveau de l'activité économique, représente environ 600 millions d'euros sur un budget de 2,6 milliards d'euros. » 186 ( * )

La mission souligne, par ailleurs, que la réforme de la fiscalité du patrimoine devra maintenir les exonérations en vigueur sur l'outil de travail, de manière à ne pas faire peser sur lui une fiscalité supplémentaire . Elle plaide donc, plus généralement, pour une politique fiscale qui encourage l'activité industrielle en retirant l'outil de travail de l'assiette imposable .

1. Les enjeux de la « suppression » de la taxe professionnelle
a) La levée d'un frein aux investissements

La mission espère que l'impact positif sur l'industrie de la réforme de la taxe professionnelle sera bien confirmé dans les faits. L'annonce de la suppression de cet impôt, créé en 1975, avait été prononcée par le président de la République le 5 février 2009, lors d'une intervention télévisée : « on supprimera la taxe professionnelle en 2010 parce que je veux qu'on garde les usines en France. Je veux qu'on arrête les délocalisations. » Cet objectif ne visait, en fait, que la part correspondant aux équipements et biens matériels (EBM) et non la part foncière de la taxe professionnelle, soit un montant estimé de prélèvements de 22,2 milliards d'euros, sur un total de recettes de taxe professionnelle de 30 milliards d'euros. En effet, le produit de la taxe professionnelle, dont les collectivités territoriales étaient les principales bénéficiaires 187 ( * ) (à hauteur de 90 %, soit 28 milliards d'euros de recettes, dont 3 milliards pour les régions, 8 milliards pour les départements et 17 milliards pour les communes et leurs groupements), se répartissait en 2009 de la manière suivante :

- 22,2 milliards d'euros pour la part EBM de la taxe ;

- 5,8 milliards d'euros pour sa part foncière.

En outre, il convient de préciser que cet impôt se caractérisait par l'existence de deux mécanismes couplés :

- une « cotisation minimale de taxe professionnelle », due par les entreprises qui réalisaient plus de 7,6 millions d'euros de chiffre d'affaires et dont la cotisation au titre de la taxe professionnelle était inférieure à 1,5 % de leur valeur ajoutée, qui engendrait 2,6 milliards d'euros de recettes par an ;

- un « plafonnement à la valeur ajoutée », qui limitait le montant dû au titre de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée générée par chaque entreprise.

Cet impôt pesait fortement sur les investissements productifs des entreprises , dans la mesure où une partie de son assiette reposait sur la valeur locative des équipements et biens mobiliers, soit les investissements eux-mêmes. Même si la décision d'investir ne se fonde pas uniquement sur des considérations fiscales, la taxe professionnelle engendrait une certaine réticence à l'investissement, puisqu'elle détériorait les « retours sur investissement ». Pour l'ensemble des entreprises, la taxe conduisait à élargir l'assiette fiscale à chaque nouvel investissement, ce qui est désincitatif.

La loi de finances pour 2010 a donc visé à supprimer cet effet pénalisant - surtout sensible pour les secteurs les plus intensifs en capital, au premier rang desquels l'industrie - en prévoyant ainsi de remplacer la taxe professionnelle par une « contribution économique territoriale » (CET) , composée en réalité de deux impôts différents. Il s'est donc agi de mettre en place, d'une part, la « cotisation foncière des entreprises » (CFE) assise sur les valeurs locatives foncières, et, d'autre part, la « cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises » (CVAE) assise sur la valeur ajoutée.

La « cotisation foncière des entreprises » (CFE)

La suppression de la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle reposant sur les EBM (donc les investissements), soit 80 % environ de l'assiette totale, conduit à faire des valeurs locatives foncières l'assiette principale du nouveau régime d'imposition. La cotisation foncière des entreprises (CFE) présente toutefois trois différences par rapport à la taxe professionnelle :

- tout d'abord, les valeurs locatives industrielles font l'objet d'un abattement de 30 % ;

- ensuite, l'activité de location ou de sous-location d'immeubles nus à usage autre que l'habitation est désormais soumise, à compter de 100 000 euros de recettes par an, à la CFE (et à la CVAE) ;

- enfin, pour les titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC), l'assiette « recettes » disparaît mais, en contrepartie, ces entreprises sont assujetties à la CVAE.

La « cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises » (CVAE)

Véritable impôt local, la CVAE, dont le taux est fixé en principe à 1,5 %, engendre pour chaque collectivité un produit correspondant à la valeur ajoutée des entreprises situées sur son territoire. Le lien entre la collectivité et les entreprises qui s'établissent sur son territoire est consolidé par l'assujettissement de toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros.

La valeur ajoutée taxable est plafonnée à 80 % du chiffre d'affaires pour les entreprises de moins de 7,6 millions d'euros de chiffre d'affaires et à 85 % pour les autres.

La mission souligne que la somme de ces deux nouveaux impôts est plafonnée à 3 % de la valeur ajoutée des entreprises 188 ( * ) . Elle relève également que les exonérations de taxe professionnelle, de droit ou sur délibération des collectivités territoriales (en particulier les exonérations dans les zonages dits de politique de la ville ou d'aménagement du territoire), sont maintenues dans le nouveau régime et s'appliquent aux deux nouveaux impôts que sont la CFE et la CVAE.

De plus, afin de neutraliser les gains importants que certaines entreprises non délocalisables pourraient tirer de la réforme, une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) a été créée 189 ( * ) . Les grandes entreprises de réseaux concernées, en particulier EDF, France Telecom et la SNCF, disposent d'importantes immobilisations bien réparties sur tout le territoire et, étant moins exposées à la concurrence internationale, ne présentent pas les mêmes risques de délocalisation que les autres entreprises industrielles.

En garantissant une recette fiscale, l'IFER a également pour objectif de maintenir l'incitation des collectivités territoriales à accueillir sur leur territoire des installations a priori peu attractives et comportant des externalités négatives. L'assiette de chaque composante de l'IFER est ainsi « territorialisée », les entreprises concernées étant soumises à des obligations précises de déclaration, relatives en particulier aux caractéristiques des installations et des matériels et à leur localisation dans les collectivités territoriales bénéficiaires.

Le rapport de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances, montre la complexité des ressorts et des enjeux de cette réforme de la taxe professionnelle, qui s'apparente plus à une transformation profonde de cette taxe qu'à sa suppression pure et simple 190 ( * ) .

Toutefois, la mission relève que la réforme modifie profondément la fiscalité locale des entreprises.

À cet égard, elle observe que, d'après le Gouvernement, la réforme devrait entraîner in fine une diminution du coût des investissements des entreprises de l'ordre de 20 % 191 ( * ) . Alors qu'à l'automne 2009, le Gouvernement estimait que, en régime de croisière, la réforme conduirait à un gain total, pour les entreprises, d'environ 7,1 milliards, avant imposition sur les sociétés. Il évalue ce gain, en 2010, à 8,7 milliards d'euros, soit un écart positif de 1,6 milliard d'euros.

Incidence pour les entreprises de la transformation
de la taxe professionnelle en contribution économique territoriale

(en millions d'euros)

TP 2009 référence

CET cible

Variation

cotisation TP/CFE

32 522

5 394

-27 128

frais TP

2 602

432

-2 170

TCCI (y compris prélèvements)

1 275

1 109

-166

TCM

298

233

-65

frais TCCI/TCM

141

121

-20

TP/CFE brute 2007 yc CCI, CCM et frais

36 838

7 289

-29 549

dégrèvements sur rôles TP

-2 319

0

2 319

dégrèvements sur rôles CCI

-7

0

7

crédits d'impôt imputés

-198

0

198

TP/CFE mise en recouvrement 2007
(TP/CFE brute - dégrèvements sur rôles)

34 314

7 289

-27 025

crédits d'impôt à restituer

-11

0

11

TP/CFE nette de crédit d'impôt

34 303

7 289

-27 014

PVA(simulé)

-10 619

-698

9 921

CVAE (simulé)

2 706

10 989

8 283

Frais CVAE

0

110

110

CET nette

26 390

17 690

-8 700

Source : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Inscrite dans le contexte du plan de relance, cette réforme arrive donc à point nommé du point de vue du calendrier. Elle doit permettre de faciliter la sortie de crise économique et conduire à améliorer la compétitivité de nos entreprises et à renforcer l'attractivité de notre territoire, tout en permettant de « restaurer le lien entre entreprises et territoires », comme le précise l'exposé des motifs de la loi de finances pour 2010.

b) L'impact pour l'industrie de la réforme de la taxe professionnelle

La réforme de la taxe professionnelle conduit à alléger les prélèvements pesant sur les investissements, notamment dans le secteur industriel.

La mission souligne que les conséquences attendues de cette réforme devraient concerner l'industrie.

Lors d'un atelier de travail organisé par la commission des finances du Sénat 192 ( * ) , M. Yvon Jacob, membre du bureau de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), a rappelé que la compétitivité de l'industrie française a fortement reculé durant les quinze dernières années, et que dans le cadre d'un marché ouvert à l'international, un impôt assis sur l'investissement paraissait très néfaste. Il a ajouté que la suppression de la taxe professionnelle par la loi de finances pour 2010 répond en grande partie aux attentes des industriels, même si la CET reste un impôt assis partiellement sur la production.

Les simulations effectuées par la mission « Durieux-Subremon » 193 ( * ) indiquent, en effet, que la réforme bénéficiera à tous les secteurs d'activité, notamment aux secteurs les plus exposés à la concurrence internationale et aux PME. Le rapport de la mission précitée estime donc que la suppression de la taxe professionnelle devrait avoir un effet « fortement positif sur l'industrie ».

En l'occurrence, l'effet de réduction de la fiscalité locale (hors effet sur l'impôt sur les sociétés) serait davantage prononcé sur certains secteurs économiques, comme l'industrie automobile (près de 60 % de baisse de fiscalité), la construction (plus de 40 %), les industries agroalimentaires et de biens intermédiaires (près de 40 %). À l'opposé, la réforme sera globalement neutre pour le secteur financier.

Gain moyen de la réforme par secteur d'activités
(écart entre la CET et l'IFER après réforme et la taxe professionnelle nette avant réforme)

Source : données DGFiP 2009.

Le rapport de la mission « Durieux-Subremon » a identifié plus particulièrement le détail des gains escomptés pour certains sous-secteurs industriels. Au sein de l'industrie des biens d'équipement (qui bénéficie spécialement du changement d'assiette faisant suite à la réforme, avec 326 millions d'euros de gains), la construction aéronautique et spatiale, la fabrication d'équipements mécaniques et, enfin, celle de machines sont fortement bénéficiaires.

Gains de la réforme pour l'industrie des biens d'équipement

(en millions d'euros)

Secteurs d'activité

TP

CET

Nombre d'entreprises

Gains

Construction navale

30,5

21,0

2 465

9,5

Construction de matériel ferroviaire roulant

25,5

26,4

57

-0,9

Construction aéronautique et spatiale

245,7

172,9

374

72,8

Fabrication de cycles, motocycles, matériel de transport

8,0

6,3

227

1,7

Fabrication d'éléments en métal pour la construction

72,4

48,0

4 776

24,4

Chaudronnerie, fabrication de réservoirs métalliques et de chaudières

97,5

63,4

6 045

34,1

Fabrication d'équipements mécaniques

131,7

88,1

1 306

43,6

Fabrication de machines d'usage général

152,1

123,3

4 991

28,8

Fabrication de machines agricoles

49,0

32,7

3 723

16,3

Fabrication de machines-outils

19,2

13,0

726

6,2

Fabrication d'autres machines d'usage spécifique

86,8

60,6

2 799

26,2

Fabrication d'armes et de munitions

16,1

17,5

167

-1,4

Fabrication de machines de bureau et de matériel informatique

20,5

18,6

440

1,9

Fabrication de moteurs, génératrices et transformateurs électriques

40,5

28,7

1 168

11,8

Fabrication d'appareils d'émission et de transmission

44,1

37,4

778

6,7

Fabrication de matériel médicochirurgical et d'orthopédie

69,0

45,4

7 354

23,6

Fabrication de matériel de mesure et de contrôle

113,4

92,8

2 618

20,6

Source : données DGFiP 2009.

L'industrie automobile, la plus grande gagnante de la réforme, devrait enregistrer un gain de l'ordre de 570 millions d'euros, réparti tel que l'indique le tableau suivant entre la construction et les équipementiers.

Gains de la réforme pour l'industrie automobile

(en millions d'euros)

Secteurs d'activité

TP

CET

Nombre d'entreprises

Gains

Construction automobile

748,2

300,4

1 318

447,8

Fabrication d'équipements automobiles

213,6

92,7

588

120,9

Source : données DGFiP 2009.

La mission salue donc la pertinence de la réforme de la taxe professionnelle, dans la mesure où il est observé, dans le nouveau régime, un rééquilibrage incontestable du poids de la fiscalité, au profit du secteur industriel. Toutefois, elle s'interroge sur quelques pistes d'amélioration à apporter à ce nouveau dispositif fiscal.

c) Les améliorations à apporter au régime de la contribution économique territoriale

Bien que l'on soit encouragé à adopter une attitude générale favorable vis-à-vis de cette réforme, qui constitue un vrai atout pour l'industrie française, il est pertinent de continuer à en suivre rigoureusement les effets , exercice après exercice. La mission estime qu'il conviendra ensuite de tirer les conséquences des observations faites à propos de la mise en oeuvre concrète de la réforme pour formuler le moment venu des préconisations précises.

À ce stade, de simples pistes peuvent être mentionnées .

Tout d'abord, s'agissant de la question de la modulation du taux de la CVAE selon le secteur d'activité , la mission estime qu'une telle disposition pourrait faire l'objet d'une mise à l'étude, en vue de privilégier tout particulièrement les industries délocalisables.

De plus, des améliorations seront toujours envisageables pour faciliter les formalités nouvelles incombant aux entreprises. La réforme de la taxe professionnelle, complexe et récemment mise en oeuvre dans les entreprises, a en effet pu donner un sentiment de manque d'information et de multiplications des procédures pour les entreprises. Les règlements et les soldes ne s'effectuent pas à la même date selon qu'il s'agit de la CFE ou de la CVAE et la pratique des acomptes s'est également multipliée. La mission reconnaît qu'il existe des difficultés inhérentes à 2010, année de transition, mais elle demande au Gouvernement de bien vouloir veiller à proposer aux entreprises les procédures les plus simples possibles .

d) Des inquiétudes demeurent quant au dynamisme des ressources des collectivités territoriales

La mission invite, dans la réflexion sur les effets de la réforme de la taxe professionnelle, à distinguer le débat sur la fiscalité des entreprises de celui sur les ressources des collectivités territoriales .

À ce niveau, elle souhaite relayer les inquiétudes légitimes des élus locaux . Les incertitudes quant aux effets réels de la réforme pour les collectivités territoriales se sont en effet fortement manifestées lors de plusieurs auditions, plus particulièrement celle de MM. François Patriat, sénateur et président du conseil régional de Bourgogne, Yves Daudigny, sénateur et président du conseil général de l'Aisne, Yves Goasdoué, président de la communauté d'agglomération du Pays de Flers et, enfin, Bernard Granié, président du syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest Provence.

Ce dernier a ainsi estimé que l'impact budgétaire de la suppression de la taxe professionnelle constitue, pour les collectivités territoriales, l'un des principaux enjeux qui doit être souligné devant la mission. Il a indiqué que, pour le SAN dont il est le président, « la perte de ressources fiscales s'élèverait en 2010 à 74 % du produit enregistré en 2009. Si la compensation versée par l'État permet d'amortir ce choc en 2011, une grande incertitude existe pour les années ultérieures ». Il a poursuivi en relevant que des réunions de concertation organisées dans le contexte de la réalisation de différents projets industriels montrent que « les élus locaux s'interrogent de plus en plus sur l'intérêt de telles implantations puisque celles-ci induisent des contraintes, voire des nuisances, tandis que les gains escomptés en termes de recettes fiscales sont très faibles. Ce constat pose le problème du lien entre industrie et territoires ».

M. Serge Andreoni, sénateur des Bouches-du-Rhône, a également indiqué dans une contribution écrite que, dans la communauté d'agglomération Agglopole Provence, caractérisée par l'importance des activités pétrochimiques, la taxe professionnelle représentait un produit de 71 millions d'euros alors que la nouvelle taxe ne rapportera que 33 millions d'euros, les dotations passant de 14 % à 50 % des revenus. Il craint que ces dotations n'aient pas le dynamisme de progression de l'ancienne taxe professionnelle.

Selon la mission, la question des conséquences à moyen et long terme de la réforme de la taxe professionnelle reste entière , tout particulièrement pour les communes d'accueil de projets industriels. Les perspectives en matière de dynamisme des recettes fiscales sont caractérisées par un niveau élevé d'incertitudes, ce qui pourrait être désincitatif et contraire à la préconisation de la mission de constituer des « écosystèmes industriels locaux ». Le Gouvernement devra donc bien veiller à ajuster la CET et ses deux composantes de manière à tenir compte des situations observées, au fur et à mesure, sur le terrain .

Le rapport remis le 30 juin 2010 à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, par six parlementaires (3 députés et 3 sénateurs) en mission (MM. Marc Laffineur, Olivier Carré, Michel Diefenbacher, François-Noel Buffet, Alain Chatillon et Charles Guené) a montré que le dispositif de territorialisation de la valeur ajoutée pour le calcul de la CVAE , l'indexation de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et, surtout, les mécanismes de péréquation entre collectivités sont trois pistes à approfondir .

Alors que la loi de finances pour 2011 a apporté plusieurs améliorations aux régimes de la CVAE, de la CFE et de la CET, la mission recommande de poursuivre, avec le plus grand soin, ces réglages fins de la mécanique complexe mise en place en remplacement de la taxe professionnelle .

Cette attention continue devra porter tout spécialement sur les modalités des mécanismes de péréquation qui seront établis à destination des communes et EPCI à fiscalité propre , l'objectif de péréquation à l'horizon 2015 étant fixé à 2 % des recettes fiscales des communes et EPCI de l'ensemble du territoire. Les modalités de fonctionnement des fonds de péréquation devraient être précisées sur la base d'un rapport du Gouvernement au Parlement. Ce dernier devrait faire l'objet d'une transmission avant le 1er septembre 2011.

Au total, la mission suivra donc avec le plus grand intérêt les conclusions de ce rapport, tout comme le travail conduit à ce niveau par le Comité des Finances Locales (CFL) et par la commission des Finances du Sénat. Elle espère que les mesures envisagées permettront de répondre aux inquiétudes légitimes des élus locaux quant au dynamisme des ressources de leurs collectivités.

2. Les exonérations fiscales en faveur des PME

Il existe de nombreux régimes visant à favoriser le financement des PME par fonds propres.

Le statut de « jeune entreprise innovante » (JEI) a déjà été évoqué dans le présent rapport. En conséquence, les exonérations fiscales liées à ce statut ne seront pas abordées dans les développements ci-après. La mission se concentrera donc sur deux dispositifs spécifiques aux PME : le taux réduit d'IS pour les PME, d'une part, et les réductions d'impôt pour les souscriptions au capital de PME, d'autre part.

a) Les réductions d'impôt pour souscription ou détention du capital de PME

La mission a identifié plusieurs mesures d'allégement de la fiscalité visant à améliorer la capitalisation des PME , à l'entrée (réductions d'impôt liées à la souscription d'actions ou de parts de société) ou à la détention du capital (mesures d'allègement de la fiscalité sur les dividendes).

À l'entrée, il s'agit tout d'abord de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), créée par la loi TEPA du 21 août 2007, qui représente une dépense fiscale de l'ordre de 670 millions d'euros par an.

Ensuite, le « dispositif Madelin » doit être mentionné. Issue de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, cette réduction d'impôt sur le revenu (IR), dont le coût annuel est de 230 millions d'euros, est égale à 25 % du montant plafonné des versements effectués au titre des souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de PME.

Enfin, de manière à orienter l'épargne vers le capital-risque, il existe des réductions d'impôt (IR et ISF), d'un montant total de l'ordre de 160 millions d'euros, accordées au titre de la souscription de parts de fonds d'investissement dans les entreprises non cotées (FCPR), de fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et de fonds d'investissements de proximité (FIP).

S'agissant des mesures d'allègement de la fiscalité sur les dividendes, trois dépenses fiscales, qui ne visent que les contribuables ayant opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire (au taux de 18 %), doivent être distinguées. La première, d'un coût de l'ordre de 600 millions d'euros par an, est un crédit d'impôt égal à 50 % des dividendes distribués, plafonné à 115 euros pour un célibataire et à 230 euros pour un couple marié. Les deux suivantes sont des abattements, qui représentent une dépense fiscale respective d'un milliard d'euros et de 350 millions d'euros : d'une part, un abattement proportionnel de 40 % sur le montant des dividendes perçus et, d'autre part, un abattement forfaitaire de 1 525 euros pour un célibataire ou à 3 050 euros pour un couple marié, pratiqué après l'abattement proportionnel.

b) Le taux réduit d'impôt sur les sociétés en faveur des PME

La loi de finances pour 2001 a mis en place un taux réduit d'impôt sur les sociétés (IS) à 15 % au lieu de 33,33 % pour les PME afin de favoriser leur financement. Plafonné à 38 120 euros, ce taux réduit est réservé aux entreprises indépendantes réalisant moins de 7,63 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Parmi les 650 000 entreprises éligibles (soit 94 % des entreprises soumises à l'IS), 394 000 entreprises profitent de ce régime fiscal (c'est-à-dire celles qui réalisent un bénéfice, soit 57 % des entreprises à l'IS). Le coût de ce taux réduit d'IS en faveur des PME est de 2 milliards d'euros par an, soit un gain moyen de 4 800 euros par entreprise. L'économie d'impôt ainsi réalisée atteint près du quart de l'impôt dû par les micro-entreprises et 5 % pour les PME.

La mission déplore que les secteurs d'activité protégés, à l'instar des services ou de la construction, bénéficient le plus du taux réduit et que le secteur industriel soit le moins concerné , alors que les besoins d'investissement sont supérieurs dans ce secteur, en raison d'un effet de taille des entreprises. D'après le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires « seul 12 % du coût du dispositif bénéficie à l'industrie (secteur exposé), soit trois fois moins que son poids dans la valeur ajoutée » 194 ( * ) .

c) Les modifications éventuelles

La mission partage ainsi le diagnostic du Conseil des prélèvements obligatoires selon lequel les mesures de réduction d'impôt pour souscription ou détention du capital de PME sont insuffisamment évaluées . Leur impact sur l'activité économique reste en effet trop incertain.

Par ailleurs, elle estime urgent de faire bénéficier davantage le secteur industriel du taux réduit d'IS en faveur des PME .


* 185 Premier client de la France, l'Allemagne représente 16 % des exportations françaises.

* 186 Compte rendu du déplacement de la mission à Stuttgart (voir tome II de ce rapport).

* 187 L'État percevait aussi une partie du produit de la taxe professionnelle, de l'ordre de 20 % du produit total.

* 188 La diminution du plafonnement passe donc de 3,5 % à 3 % de la valeur ajoutée entre les deux régimes fiscaux. Pour les entreprises soumises au plafonnement, le gain immédiat de la réforme est donc égal à 0,5 % de leur valeur ajoutée.

* 189 L'IFER repose sur huit catégories d'installations dans trois secteurs économiques :

- la production d'énergie électrique : transformateurs électriques et installations éoliennes, photovoltaïques, « hydroliennes », hydrauliques et « industrielles » (centrales nucléaires et thermiques à flamme). Les éoliennes « offshore » étant soumises à une imposition distincte et spécifique ;

- les télécommunications : stations radioélectriques et répartiteurs principaux de la « boucle locale cuivre » (dans le cadre du dégroupage) ;

- et les transports ferroviaires : matériels roulants de transport de voyageurs sur le réseau ferré national (matériels de la SNCF) et en Île-de-France (matériels de la RATP ).

Chaque catégorie d'installations fait l'objet d'un tarif spécifique. L'IFER est acquittée dès 2010 au profit de l'État, mais son produit reviendra aux différents niveaux de collectivités à compter de 2011. Les collectivités qui percevaient la taxe professionnelle sur des installations désormais soumises à l'IFER bénéficient cependant d'une compensation à l'euro près en 2010, via la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et les Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR).

* 190 Philippe Marini, « Mise en oeuvre de la contribution économique territoriale : la trajectoire de la réforme », Rapport n° 588 (2009-2010).

* 191 En 2010, la transition entre les deux dispositifs devrait représenter un coût supplémentaire de 8,7 milliards d'euros par rapport à 2011 (différence entre le coût de la réforme en 2010, 12,9 milliards d'euros, et la perte de ressources pour l'État en 2011, 4,2 milliards d'euros). Cet effort permet de soutenir la trésorerie des entreprises et d'atténuer tout spécialement les effets de l'arrêt des mesures du plan de relance.

* 192 Atelier de travail du 26 mai 2010 sur la contribution économique territoriale consacré au point de vue des redevables.

* 193 Rapport d'évaluation des effets de la réforme de la taxe professionnelle sur la fiscalité des collectivités locales et des entreprises, IGF et IGA, juin 2010.

* 194 Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires « Entreprises et "niches" fiscales et sociales. Des dispositifs dérogatoires nombreux », octobre 2010. Conformément à l'article L. 351-3 du code des juridictions financières, le président et le rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale ont saisi en 2010 le Conseil d'une demande d'étude portant sur les « niches fiscales et sociales applicables aux revenus et bénéfices des entreprises ».

Page mise à jour le

Partager cette page