N° 442

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 avril 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1) sur l' avenir de la filière photovoltaïque française ,

Par M. Ladislas PONIATOWSKI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean Boyer, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, Alain Fouché, Serge Godard, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Louis Nègre, Mmes Renée Nicoux, Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall, René Vestri.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a décidé, le 9 décembre 2010, de suspendre pour une durée de trois mois la conclusion de nouveaux contrats avec obligation d'achat de l'électricité produite par des installations photovoltaïques, hors petites toitures résidentielles.

Une concertation a réuni, jusqu'au mois de février 2011, l'ensemble des acteurs de la filière afin de faire un bilan des conditions de développement de cette filière en France. Deux arrêtés publiés au Journal officiel du 5 mars 2011 ont alors fixé un nouveau cadre réglementaire.

Conscients de l'inquiétude suscitée chez de nombreux porteurs de projets et entrepreneurs locaux, le président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, M. Jean-Paul Emorine, et votre rapporteur, président du groupe d'études de l'énergie, ont souhaité réunir à ce moment-là des représentants de la filière, de l'administration et du monde de la recherche.

Une table ronde a été organisée au Sénat le 9 mars 2011, qui a réuni les représentants de la direction de l'énergie rattachée à la fois aux ministères de l'écologie et de l'économie, des organisations professionnelles du secteur (Syndicat des énergies renouvelables, Enerplan, Fédération française du bâtiment), du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, ainsi que de certaines entreprises du secteur (sociétés Tenesol et Solaire Direct).

Votre rapporteur a souhaité non pas rouvrir les débats, fructueux, qui avaient eu lieu lors de la concertation, mais tracer des lignes pour l'avenir d'une filière photovoltaïque française riche en emplois et capable d'exporter.

La filière photovoltaïque représente, en effet, d'ores et déjà 25 000 emplois en France, et le rayonnement solaire, s'il ne peut constituer une réponse unique aux besoins en énergie, contribuera à la réalisation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, même si la question du coût de la politique de soutien à cette énergie ne peut être évitée. Enfin la France peut compter sur la qualité de sa recherche et sur le dynamisme de ses entreprises.

La qualité des propos tenus a incité la commission à demander la publication du compte rendu de cette table ronde, qui figure en annexe du présent rapport d'information.

Afin d'en éclairer la lecture, ce rapport rappelle au préalable les avantages environnementaux, mais aussi les limitations, de l'électricité d'origine photovoltaïque, dans le cadre des objectifs du Grenelle de l'environnement. Il décrit ensuite le contexte juridique, fortement instable, dans lequel s'est inscrit ce développement au cours des années récentes, ainsi que les nouvelles règles issues des arrêtés de début mars 2011. Il évoque enfin les conditions technologiques et économiques dans lesquelles s'inscrit la filière et propose des pistes pour son développement futur.

I. L'ÉLECTRICITÉ PHOTOVOLTAÏQUE DANS LE BOUQUET ÉNERGÉTIQUE FRANÇAIS APRÈS LE GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT

Le développement de la filière photovoltaïque se place en France dans le cadre des objectifs de déploiement fixés par le Grenelle de l'environnement. Le soutien public est justifié par les qualités environnementales de ce mode de production d'électricité mais doit prendre en compte les limitations et les coûts des systèmes photovoltaïques.

A. LES CRITÈRES POSÉS PAR LE GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT

Le Grenelle de l'environnement a prévu de porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de la consommation d'énergie finale du pays d'ici à 2020 1 ( * ) . Cet objectif correspond à celui qui est attribué à la France par le paquet « climat-énergie » européen 2 ( * ) .

À cette fin, le Grenelle de l'environnement, organisé à l'initiative du gouvernement en 2007 et début 2008, a posé l'objectif « d'équilibrer la production énergétique française en adossant au réseau centralisé des systèmes décentralisés permettant davantage d'autonomie ». L'engagement n° 55 décline la traduction de cet objectif pour les différentes filières :

Engagement n° 55 . Développement de chacune des filières renouvelables en tenant compte des exigences environnementales : revue générale des différentes filières (dispositif de soutien, bilan écologique...) et proposition d'un plan de promotion des filières renouvelables d'excellence écologique

- biomasse (avec la hiérarchisation suivante des usages : alimentaire, matériaux, énergie, et dans ce dernier cas aide à l'installation de chaufferies collectives par priorité, et un plan de mobilisation des ressources en bois combustible)

- géothermie

- éolien

- photovoltaïque (« plan national bâtiment soleil» centré sur l'intégration de l'énergie solaire au bâtiment, et traitant les obstacles notamment règlementaires à l'intégration du solaire dans les bâtiments)

-hydraulique

S'agissant de la production d'énergie photovoltaïque, le comité opérationnel n° 10 (COMOP 10) du Grenelle de l'environnement a fixé un objectif de déploiement de :

- 1 100 mégawatts-crête (MWc), soit 95 ktep (voir la définition des unités employées infra ), en 2012 ;

- 5 400 MWc (450 ktep) en 2020.

La réalisation de ces objectifs, si elle implique une croissance exponentielle de la puissance installée photovoltaïque, ne donnerait toutefois à cette source d'énergie qu' une place assez réduite dans le bouquet énergétique français .

Le COMOP 10 pose en effet une cible de production décentralisée d'énergies renouvelables à haute qualité environnementale équivalente à 36 000 ktep en 2020 (soit un supplément de 20 000 ktep), les objectifs de développement les plus importants concernant :

- l'éolien (+ 4 870 ktep) ;

- la biomasse (+ 6 200 ktep pour la production de chaleur et + 1 200 ktep pour la production d'électricité) ;

- les biocarburants (+ 3 320 ktep) ;

- les pompes à chaleur individuelles (+ 1 400 ktep) ;

- le solaire thermique individuel (+ 800 ktep).

L'énergie photovoltaïque représenterait ainsi, à l'horizon 2020, 1,2 % de la consommation électrique nationale ou 5 % de la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable. Cet objectif correspond à la mise en service d'environ 5 400 hectares de panneaux solaires photovoltaïques, chiffre approximatif dans la mesure où l'évolution des technologies peut avoir pour effet de réduire la surface de panneaux nécessaires.

LES UNITÉS DE MESURE DE L'ÉNERGIE PHOTOVOLTAÏQUE

La tonne-équivalent pétrole (tep) correspond au pouvoir calorifique d'une tonne de pétrole, soit 41,868 GJ ; cette unité permet de comparer entre elles les différentes formes d'énergie. 1 ktep correspond à 1 000 tep.

Le mégawatt-crête (MWc) mesure la puissance maximale d'un dispositif photovoltaïque, dans des conditions standards optimales d'ensoleillement (1 000 W/m²) et de température (25°C). Cette mesure permet de comparer plusieurs installations, mais pas de mesurer directement la puissance produite, qui dépend des conditions météorologiques effectives.

En pratique, 10 m² de panneaux photovoltaïques produisent à peu près 1 000 kWh chaque année en France métropolitaine (900 kWh en Alsace, 1 300 kWh dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur) et 1 450 kWh en outre-mer 3 ( * ) .

Enfin, la directive du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments a fixé des normes d'efficacité énergétique pour les bâtiments qui pourraient rendre nécessaire une diffusion beaucoup plus massive de l'électricité d'origine photovoltaïque :

DIRECTIVE 2010/31/UE DU 19 MAI 2010
SUR LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS (EXTRAITS)

Article 9

Bâtiments dont la consommation d'énergie est quasi nulle

1. Les États membres veillent à ce que:

a) d'ici au 31 décembre 2020, tous les nouveaux bâtiments soient à consommation d'énergie quasi nulle ; et

b) après le 31 décembre 2018, les nouveaux bâtiments occupés et possédés par les autorités publiques soient à consommation d'énergie quasi nulle.

(...) »

Définition d'un « bâtiment dont la consommation d'énergie est quasi nulle » :

La quantité quasi nulle ou très basse d'énergie requise devrait être couverte dans une très large mesure par de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, notamment l'énergie produite à partir de sources renouvelables sur place ou à proximité.


* 1 Loi « Grenelle 1 » n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, article 2.

* 2 Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, annexe 1.

* 3 Données fournies par le Syndicat des énergies renouvelables.

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