2. Une réponse énergique, mais sous-dimensionnée

Sur ces quelque (peut être) 3 000 mineurs étrangers isolés présents sur le territoire français de Mayotte, tous ne relèvent naturellement pas de comportements délinquants. Ce chiffre est néanmoins suffisamment frappant pour laisser imaginer la lourdeur de la tâche incombant à la PJJ sur l'archipel.

a) La montée en régime de la mobilisation du conseil général

Face à l'ampleur du phénomène, la PJJ peut compter de façon croissante sur le soutien du conseil général, qui intervient au titre de l'aide sociale à l'enfance. Toutefois, cette mobilisation a été plutôt lente et présente encore des marges de progression .

Dans son rapport, Isabelle Debré mettait en lumière que « Malgré la mobilisation des magistrats, la collectivité départementale a mis du temps à organiser le système de protection de l'enfance , au motif que l'article 543-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que « le Conseil général de Mayotte peut décider de créer un service d'aide sociale à l'enfance » ».

Elle expliquait qu'il a fallu « attendre 2001 pour que l'aide sociale à l'enfance soit créée et 2004 pour qu'elle soit gérée par la collectivité départementale . Elle était auparavant sous l'autorité de la DASS. Cependant, considérant le caractère facultatif de cette mission, les moyens alloués par la collectivité départementale sont restés sous-dimensionnés ».

Elle relevait cependant que « l'arrivée d'un directeur en avril 2009 a permis un important travail d'organisation , de formation et de recrutement et l'aboutissement du schéma départemental de protection de l'enfance ».

A cet égard, votre rapporteur spécial souhaite pour sa part insister sur le travail de formation engagé par la PJJ auprès des acteurs de l'aide sociale à l'enfance dépendant du conseil général . Forte d'un savoir-faire reconnu, la PJJ cherche à développer ce partenariat et à former des agents territoriaux (notamment sur le judiciaire, au pénal comme au civil) qui deviendront demain ses meilleurs interlocuteurs. Assurément chronophages, ces actions représentent cependant un investissement utile pour le futur et présagent d'une prise en charge et d'une protection de l'enfant encore plus performantes dans les années à venir.

Signe de l'engagement croissant du conseil général sur ce terrain, un observatoire des mineurs isolés a été créé sur l'île, en novembre 2010, scellant ainsi un nouveau partenariat entre l'Etat et le conseil général. S'il ne peut, en soit, constituer une solution miracle, cette observatoire témoigne cependant de progrès intéressants à Mayotte. Cette structure sera par ailleurs ouvertes à certaines associations : la Croix rouge, le Secours catholique, Solidarité Mayotte ou encore l'association Tama.

Votre rapporteur spécial souhaite que la récente départementalisation de Mayotte permette d'avancer encore dans le sens d'une politique de coopération efficace entre l'Etat et le conseil général sur le terrain de la protection de l'enfance .

b) Le renforcement des moyens de la PJJ

Afin de répondre aux défis sur l'île, les moyens humains de la PJJ y ont été considérablement renforcés. Ainsi, en deux ans, ses effectifs ont été doublés et ils comptent désormais vingt-six personnes.

Encore faut-il souligner, que parmi ses agents, certains d'origine mahoraise récemment arrivés doivent faire l'objet d'un réel effort de formation (éducateur, secrétaire...).

Par ailleurs, alors que la PJJ bénéficie déjà d'un poste d' interprète-traducteur , Etienne Demarle, directeur territorial, a regretté auprès de votre rapporteur spécial de ne pas pouvoir disposer d'un poste supplémentaire dans ce domaine, eu égard aux spécificités de l'île.

Car les moyens demeurent encore sous-dimensionnés au regard des enjeux de la situation mahoraise. Même si les phénomènes de délinquance 53 ( * ) y sont, fort heureusement, encore relativement marginaux, la question des mineurs étrangers isolés est, elle, cruciale pour l'avenir de l'île. La PJJ doit pouvoir y tenir toute sa place.

Pour ce faire, elle dispose d'ores et déjà de certains atouts . Ainsi, les structures d'accueil placées sous son contrôle enregistrent un taux d'occupation satisfaisant, témoignant d'un souci d'optimisation des moyens matériels mis à disposition. L'UEAJ de 24 places est occupée en permanence à hauteur de 16 à  20 jeunes selon les périodes, tandis que le foyer placé sous la responsabilité de l'association Tama (7 places) connait un taux d'occupation de « 80-85 % environ » 54 ( * ) . De même, la situation insulaire et la taille relativement limitée de l'île favorisent efficacement le travail collaboratif entre la PJJ et les magistrats du ressort. Enfin, le taux de sous-occupation des structures d'accueil de la PJJ à La Réunion ( cf. supra ) peut constituer une opportunité intéressante à court terme mais aussi à moyen terme : ces établissements sont en capacité d'absorber de nouveaux « pensionnaires » en provenance de Mayotte.

La question des mineurs étrangers isolés ne pourra toutefois trouver son unique réponse à Mayotte même. Toute solution durable implique une coopération avec les Etats avoisinant, et notamment Anjouan. Dans cette perspective, votre rapporteur spécial se félicite de l'initiative prise sous l'égide de la PJJ de placer un éducateur de l'association Tama à Anjouan . En amorçant ainsi une collaboration concrète et opérationnelle, cette démarche devrait permettre d'accroître les reconduites à la frontière avec l'accord des parents et des enfants, ainsi que d'espérer une stabilisation durable des mineurs reconduits.

Au-delà des échanges via des groupes de « hauts niveaux » (la France dispose d'un ambassadeur dans l'Océan indien), une telle initiative démontre la capacité de la PJJ à contribuer à une diplomatie intelligente, fondée sur des coopérations factuelles et fructueuses dans le temps .


* 53 Ces phénomènes prennent la forme de cambriolages, de vols dits « alimentaires »...

* 54 Entretien avec Etienne Demarle, directeur territorial (29 avril 2011).

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