B. UN CADRE JURIDIQUE EUROPÉEN LÉGER

1. Le traité Euratom

Le traité Euratom de 1957 aurait pu être la base d'une politique européenne de sûreté nucléaire ambitieuse. Les termes de ce traité témoignent de l'ampleur de vue de ses rédacteurs, même si la sûreté nucléaire n'apparaît pas en tant que telle. Un chapitre entier est consacré à la protection sanitaire 10 ( * ) .


Article 2 du traité CEEA

Pour l'accomplissement de sa mission, la Communauté doit, dans les conditions prévues au présent traité :

a) développer la recherche et assurer la diffusion des connaissances techniques ;

b) établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs et veiller à leur application ;


c) faciliter les investissements et assurer, notamment en encourageant les initiatives des entreprises, la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l'énergie nucléaire dans la Communauté ;

d) veiller à l'approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs de la Communauté en minerais et combustibles nucléaires ;

e) garantir, par les contrôles appropriés, que les matières nucléaires ne sont pas détournées à d'autres fins que celles auxquelles elles sont destinées ;

f) exercer le droit de propriété qui lui est reconnu sur les matières fissiles spéciales ;

g) assurer de larges débouchés et l'accès aux meilleurs moyens techniques, par la création d'un marché commun des matériels et équipements spécialisés, par la libre circulation des capitaux pour les investissements nucléaires et par la liberté d'emploi des spécialistes à l'intérieur de la Communauté ;

h) instituer avec les autres pays et avec les organisations internationales toutes liaisons susceptibles de promouvoir le progrès dans l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire.

Pourtant, force est de constater qu'aucun encadrement communautaire de la sûreté nucléaire ou de la gestion des déchets et du combustible usé ne verra le jour avant l'adoption de la directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires (directive « sûreté »).

Certes, il serait inexact d'affirmer que la sûreté fut totalement ignorée pendant plus de cinquante ans.

La CEEA s'est ainsi dotée d'un cadre robuste en matière de radioprotection 11 ( * ) . Ainsi, sur le fondement des articles 31 et 32 du traité, les premières normes de base relatives à la protection sanitaire contre les rayonnements ionisants, quelle que soit leur source, ont été établis dès 1959. Le principal texte en vigueur aujourd'hui est la directive du Conseil 96/29/Euratom du 13 mai 1996. Cette directive prévoit notamment que les États membres sont tenus de soumettre à un régime de déclaration et d'autorisation préalable certaines pratiques présentant un risque dû aux rayonnements ionisants ainsi que de veiller à la radioprotection de la population en situation normale. D'autres textes existent 12 ( * ) . La Commission européenne a évoqué le 24 février 2010 un projet de directive qui regrouperait tous ces textes dans un seul document.

En outre, à la suite de l'accident de Tchernobyl et dans la perspective de l'adhésion à l'Union des pays d'Europe centrale et orientale, l'Union a déployé une politique ferme de modernisation ou de fermeture des centrales de ces pays, la sûreté nucléaire devenant un critère d'adhésion.

2. La jurisprudence de la Cour de justice

Pour autant, la sûreté des installations nucléaires n'a jamais fait l'objet, jusqu'en 2009, d'une initiative législative de la Commission. En effet, les États membres considéraient que la sûreté ne relevait pas du champ du traité, seule la protection sanitaire, et donc la radioprotection, étant mentionnée.

Ce verrou a néanmoins sauté à la suite d'un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 10 décembre 2002 13 ( * ) . La Cour y considère qu'« il ne convient pas d'opérer, pour délimiter les compétences de la Communauté, une distinction artificielle entre la protection sanitaire de la population et la sûreté des sources de radiations ionisantes ».

Immédiatement, la Commission européenne s'engouffra dans cette brèche pour proposer un « paquet nucléaire » 14 ( * ) . Il traitait à la fois de la gestion des déchets, du démantèlement des centrales et de la sûreté et reconnaissait à la Commission européenne un rôle important. Trop ambitieux, il heurta des États qui avaient jusque-là bloqué toutes les initiatives analogues. Ce fut un échec. Le paquet fut retiré en 2004. Tout devait être remis à plat.


* 10 Chapitre III du titre II (articles 30 à 39).

* 11 La radioprotection est un ensemble de mesures destinées à assurer la protection de l'homme et de son environnement contre les effets néfastes des rayonnements ionisants tout en permettant de les utiliser.

* 12 Directive 97/43/Euratom du 30 juin 1997 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d'expositions à des fins médicales, directive 2003/122/Euratom du 22 décembre 2003 relative aux sources scellées de haute activité, directive 90/641/Euratom du 4 décembre 1990 sur les travailleurs extérieurs et directive 89/618/Euratom du 27 novembre 1989 sur l'information du public dans le cas d'une urgence radiologique.

* 13 Arrêt de la CJCE du 10 décembre 2002. Affaire C-29/99 Commission c/Conseil.

* 14 COM 2003/32 du 30 janvier 2003 - Propositions de directives (Euratom) du Conseil définissant les obligations de base et les principes généraux dans le domaine de la sûreté des installations nucléaires ; et sur la gestion du combustible nucléaire irradié et des déchets radioactifs.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page