3. La situation critique du centre pénitentiaire de Nouméa

Après l'augmentation de l'enveloppe budgétaire 40 ( * ) de 13,92 % en 2009, le budget alloué au fonctionnement du centre pénitentiaire de Nouméa a connu une forte progression en 2010, avec une hausse de 20,57 % des crédits de fonctionnement direct et de 20,12 % des crédits d'investissement. En 2010, le coût global d'une journée de détention était de 112,93 euros, soit une augmentation de 13,60% par an depuis 2008.

• Des effectifs croissants révélant une situation critique

D'une capacité de 218 places, le centre pénitentiaire accueillait, au 1 er janvier 2011, 175 détenus au sein du quartier « centre de détention » (QCD) et 182 dans le quartier « maison d'arrêt » (QMA), soit 401 personnes au total.

Si les structures d'outre-mer connaissent globalement des difficultés relatives à leur taux d'occupation, cette situation s'est considérablement dégradée en Nouvelle-Calédonie depuis le second semestre 2008. Le quartier maison d'arrêt des hommes est le secteur le plus touché par le sureffectif, s'élevant à 264 %, soit 206 détenus pour 78 places, pour une moyenne de 143 % dans les quartiers maison d'arrêt d'Outre-mer.

Les violences physiques contre les agents se maintiennent à un haut niveau (19 en 2010) et s'expliquent en grande partie par la surpopulation de l'établissement. Les violences physiques entre détenus ont par ailleurs régressé, passant de 64 en 2009 à 28 en 2010.

• Deux tiers de détenus indigents

L'établissement ne dispose pas d'atelier de travail. Les deux tiers des détenus sont indigents selon les critères métropolitains 41 ( * ) . Les contacts pris avec des sociétés locales ne peuvent en effet aboutir en raison de l'absence d'espace de production. Comme les deux années précédentes, l'effort s'est donc porté sur le service général 42 ( * ) en 2010, dont l'effectif moyen est de 64 postes.

L'établissement souffre en outre, depuis 2005, de l'absence de zone de formation professionnelle, les trois bâtiments alloués à cette activité ayant été affectés au nouveau quartier pour les jeunes détenus.

Les liens ont néanmoins été renoués avec les partenaires de l'insertion professionnelle et la Direction de la formation professionnelle continue, pour remettre en place des modules de formation à destination de la population pénale peu diplômée. Deux enseignants interviennent au centre pénitentiaire, nombre insuffisant au regard de la surpopulation. En dépit de ces conditions difficiles, 37 détenus se sont présentés à un examen scolaire en 2010.

• Une prise en charge médicale accrue

La signature d'une convention partenariale entre l'établissement pénitentiaire et le centre hospitalier spécialisé (CHS) André Bousquet de Nouméa a permis d'atteindre une qualité de soins équivalente aux standards métropolitains. L'établissement se voit désormais facturer l'ensemble des frais d'hospitalisation d'office des prévenus. Depuis le 1 er janvier 2011, la prise en charge sanitaire des détenus relève du Centre Hospitalier Territorial pour la partie somatique et du Centre Hospitalier Spécialisé pour la partie psychologique.

La surpopulation dans les établissements induit par ailleurs une difficulté majeure de gestion des détenus souffrant de troubles importants du comportement ou de pathologies psychiatriques avérées, notamment dans les affectations en cellule. Le surencombrement constaté au CHS se traduit régulièrement par la gestion en établissement pénitentiaire de détenus qui nécessiteraient une hospitalisation d'office.

Enfin, le centre pénitentiaire de Nouméa dispose depuis 2005 d'une commission pluridisciplinaire de prévention du suicide, laquelle examine systématiquement la situation des arrivants, ainsi que la problématique de détenus repérés comme présentant un risque particulier. Tous les personnels de surveillance ont reçu un objectif de performance relatif à l'observation (dépistage des détenus dangereux et prévention de la crise suicidaire), au renseignement et à la sensibilisation sur les découvertes d'objets interdits lors des fouilles. Cet effort n'a toutefois pas permis d'éviter les 6 auto-agressions et tentatives de suicide commises en 2010.

• Un centre pénitentiaire inadapté

Le centre pénitentiaire de Nouméa a disposé en moyenne sur l'année 2010 de 118,5 équivalents temps plein travaillé (ETPT) contre 105,16 en 2009. Un recrutement complémentaire de 12 surveillants contractuels a été réalisé en décembre 2009, ainsi que de 3 adjoints administratifs.

Dans l'optique d'une amélioration du service, une mission d'audit s'est déroulée en juillet 2009. Vos rapporteurs soulignent que l'effectif (en ETPT) demeure insuffisant pour couvrir l'ensemble des postes et oblige à des rappels systématiques des personnels.

Concernant l'absentéisme, le nombre de jours d'arrêt maladie diminue en 2010 de 25 %. En revanche, le nombre de journées d'absence pour accident du travail progresse de 50 %, conséquence des agressions dont sont victimes les agents.

L'éloignement de la métropole et les coûts de déplacement donnent peu de possibilités aux agents de bénéficier de formations, notamment à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire. Le développement de la formation inter-administration sur place (école de formation de la police) reste donc privilégié.

Doté de moyens d'éclairage, de vidéosurveillance et de moyens d'alerte, l'établissement a été modernisé, ces équipements faisant jusqu'alors défaut. Cette opération a été complétée, en 2010, par un financement d'urgence pour rehausser une partie des murs encore fragile et ce, dans l'attente de la finalisation globale de l'enceinte intégrant à terme une nouvelle porte d'entrée principale conforme aux normes pénitentiaires.

Si cet équipement a permis de freiner le nombre d'évasions, leur nombre demeure toutefois important : l'année 2010 a ainsi connu trois évasions de l'établissement et trois évasions de détenus sortis au bénéfice d'un aménagement de peine.

Héritage historique de la période du bagne, l'établissement se caractérise par la vétusté de ses infrastructures et leur inadaptation aux standards actuels. Or, le domaine pénitentiaire, d'une superficie de 20 hectares, permettrait de nombreux aménagements.

Le projet de réhabilitation globale de l'établissement, mis en place au début de l'année 2009, a pour objectif de porter la capacité d'accueil du site à 490 places. L'étude de faisabilité, menée par l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, a été remise en juin 2010 et conclut à la possibilité technique de mener ce projet.

Après la construction d'un centre pour jeunes détenus (mineurs et jeunes majeurs), d'une capacité d'une vingtaine de places, opérationnel depuis fin 2010, l'administration pénitentiaire poursuit la réalisation d'un centre semi-liberté/centre pour peines aménagées de 80 places, dont la livraison est prévue fin 2012. M. Louis Kotra Uregei, membre du congrès, président du Parti travailliste, a par ailleurs jugé qu'il serait nécessaire d'ouvrir un établissement pénitentiaire dans le Nord de la Nouvelle-Calédonie.

Cependant, le ministre de la justice s'est engagé auprès du député Gaël Yanno sur la construction d'une nouvelle prison en Nouvelle-Calédonie. Le centre pénitentiaire du Camp Est pourrait donc fermer ses portes d'ici cinq ans et quitter le site actuel pour un site qui reste à déterminer.


* 40 Depuis la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, le centre pénitentiaire de Nouméa est désormais le siège de l'Unité Opérationnelle de Nouvelle-Calédonie regroupant le Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation de Nouvelle Calédonie et le Centre Pénitentiaire de Nouméa .

* 41 Situation, temporaire ou durable, liée à l'absence de ressources sur la part disponible du compte nominatif. Elle crée une dépendance qui pèse psychologiquement et économiquement tant sur la personne détenue que sur son environnement familial (source : Ministère de la Justice).

* 42 Participation à l'entretien et au fonctionnement de la prison.

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