2. Le combat des pionnières et les premières structures féminines autonomes

Jusqu'en 1914, la pratique sportive organisée en clubs et en compétitions, est exclusivement masculine, alors que seule une frange très réduite de femmes de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie s'adonne au tennis, à la chasse et à l'escrime dans des lieux le plus souvent privés.

Les sportives qui contreviennent à cet ordre établi sont soumises à une critique sociale forte, nourrie par les milieux scientifiques et éducatifs et relayée par la presse.

Ce sont surtout les cyclistes - une centaine de femmes qui s'adonnent à la bicyclette - qui sont alors vilipendées. Les médecins dénoncent leur attitude « vicieuse » sur le vélo, attribut masculin, synonyme de vitesse, d'ouverture des frontières et de maîtrise technologique, et insinuent que cette pratique serait dangereuse pour la maternité.

Seules sont alors tolérées des disciplines associées à des valeurs de santé, comme la gymnastique, ou supposant une mise à distance physique ou sociale, tel l'alpinisme ou le ballon dirigeable.

Ainsi, 3 % des clubs de gymnastique sont ouverts aux femmes et le Club alpin français, créé en 1874, accueille des femmes qui représentent déjà 10 % de ses membres dans les années 1880.

L'aérostation est, à cet égard, une pratique emblématique. Alors que, pourtant discréditées par leurs homologues masculins, la comédienne Léa d'Asco et la musicienne Camille du Gust décollent respectivement en 1887 et 1895, Marie Surcouf, aéronaute et femme d'un ingénieur aéronautique, crée « la Stella », aéroclub féminin, le 10 février 1909, et obtient en juin de la même année le premier brevet de pilote sportive 16 ( * ) .

Il en va de même pour l'olympisme, réservé aux hommes en 1896 à Athènes, où se tiennent les premiers Jeux olympiques modernes. Si quatre ans plus tard, à Paris, quelques femmes sont acceptées dans seulement deux disciplines, le tennis et le golf, Pierre de Coubertin, président du Comité international olympique jusqu'en 1925, déclare que « Le véritable héros olympique est à mes yeux l'adulte mâle individuel. Les Jeux olympiques doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs » .

S'étant heurtée à l'opposition irréductible de plusieurs dirigeants, et notamment à celle du baron Pierre de Coubertin, à qui elle avait demandé, sans succès, d'inclure quelques épreuves féminines au programme des Jeux olympiques d'Anvers en 1899, Alice Milliat décide de créer un comité qui institue, en 1921, les premiers Jeux mondiaux féminins qui se déroulent à Monte-Carlo 17 ( * ) .

La monopolisation du mouvement sportif par les hommes a donc conduit les femmes à mettre en place leurs propres clubs et leurs propres compétitions. Parmi les clubs sportifs féminins, le « Fémina sport », fondé en 1912 pour pratiquer l'athlétisme, diversifie ses disciplines et remporte la première édition du championnat de France de football féminin en 1918, face à « l'En Avant », club omnisport féminin fondé à Paris en 1912. Parallèlement, la compétition internationale initiée par Alice Milliat en 1921 donne naissance à de véritables « Olympiades féminines » en 1922, 1926, 1930 et 1934, organisées par une sorte de comité international olympique au féminin, encadré par la Fédération sportive féminine internationale.

La Première Guerre mondiale ouvre une nouvelle étape dans l'histoire du sport féminin.

Pendant que les hommes sont envoyés au Front en 1914, leur contrôle s'affaiblit et les femmes prennent leurs places dans les usines. Cette nouvelle division sexuelle des rôles pousse les femmes à oser des pratiques sportives jusque-là interdites, comme l'athlétisme ou le football. En 1917, des réunions sportives féminines inter-usines ont lieu en France et en Angleterre. C'est la même année qu'Alice Milliat, apôtre du sport féminin en France, fonde la Fédération des sociétés féminines sportives de France (FSFSF).


* 16 Ce brevet est commun aux hommes et aux femmes et les conditions d'obtention sont définies par l'Aéroclub de France, à savoir dix ascensions, dont deux seul(e) à bord et une de nuit.

* 17 Qualifiés d'Olympiades par les journalistes, ces jeux se déroulent, faute de stade et de piste, sur le terrain du tir aux pigeons avec les représentantes de cinq nations : Grande-Bretagne, Suisse, Italie, Norvège et France.

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