II. UN DROIT ACTUEL DES SERVICES D'INTÉRÊT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL INADAPTÉ AUX BESOINS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les collectivités territoriales font régulièrement valoir l'inquiétude que leur inspirent les conséquences d'un cadre juridique des services publics, par le biais de la notion de service social d'intérêt général, en grande part d'origine communautaire. Parce qu'ils remettent en cause des définitions ou des distinctions traditionnellement établies dans le débat public national, les concepts et la terminologie utilisés sont parfois perçus comme contradictoires avec la possibilité de mettre en place des services publics, notamment en recourant à des associations.

Depuis leur entrée en vigueur, la directive « services » et le « paquet Monti-Kroes » semblent ainsi avoir créé une forte insécurité juridique dans le choix des modes de gestion des services publics locaux en France.

A. LA JURISPRUDENCE ALTMARK ET LE PAQUET MONTI-KROES

1. Les règles de validité des aides d'Etat

Dans la pratique, les aides d'Etat et des autorités locales peuvent prendre des formes très diverses, telles que les subventions, les exonérations d'impôts, les prêts, les garanties d'emprunts, les mises à disposition de biens et de services à conditions préférentielles, etc.

Ces aides ne sont pas compatibles avec les règles du marché intérieur dès lors qu'elles faussent la concurrence en favorisant les entreprises ou certaines activités de production et qu'elles ont des effets sur les échanges entre un Etat et les autres membres de l'Union européenne.

La Commission européenne exerce donc un contrôle sur ces aides et demande une notification préalable du projet d'aide pour vérifier sa compatibilité avec le marché intérieur ; puis elle autorise, ou pas, ces aides.

Les concours financiers versés sous forme de subventions à une association exerçant une activité économique d'intérêt général qui demeurent inférieurs à 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs (soit environ 67 000 euros par an) ne sont pas qualifiés d'aides d'Etat et ne sont soumis à aucune exigence particulière en matière de règlementation des aides d'Etat. Il s'agit des aides dites « de minimis ».

2. La compensation justifiée d'obligation de service public

Toutefois, les concours financiers versés sous forme de subventions à une association exerçant une activité économique d'intérêt général et qui excèdent 200 000 euros sur une période de trois ans sont exonérés de la qualification d'aides d'Etat s'ils relèvent du régime de la compensation de service public. L'attribution de l'aide par la collectivité publique peut être considérée comme compatible avec les règles communautaires si elle vise à compenser les charges résultant d'une « obligation de service public » .

La notion d'obligation de service public a été établie par l'arrêt Altmark rendu par la CJCE 10 ( * ) dont les conclusions ont été reprises dans une série de textes de droit dérivé, connus sous le nom de « paquet Monti-Kroes » 11 ( * ) .

Pour que l'aide attribuée soit considérée comme une compensation compatible avec le droit de la concurrence et la réglementation des aides d'Etat, plusieurs critères cumulatifs doivent toutefois être réunis :

- l'entreprise bénéficiaire doit être effectivement chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Cette exigence est régulièrement désignée sous le terme de « mandatement » ;

- la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public. Elle doit être périodiquement évaluée par la collectivité pour éviter toute surcompensation et les paramètres sur la base desquels la compensation financière de l'exécution d'obligations de service public est calculée doivent avoir été préalablement établis de façon objective et transparente ;

- la compensation accordée doit être notifiée préalablement à la Commission européenne. Toutefois, la collectivité publique est exonérée de l'obligation de notification préalable de l'aide dans certains cas 12 ( * ) .

En droit européen, il n'existe pas de distinction selon la nature de l'activité économique, notamment s'agissant des associations. Ce droit ne connaît que l'entreprise, sans distinguer si celle-ci est privée ou publique ; il ne connaît pas davantage le droit associatif tel que régi en France par la loi de 1901 13 ( * ) .

Ainsi, « une entreprise » au sens du droit européen correspond à « tout acteur économique », qu'il soit une personne physique ou morale qui se livre à une activité économique, c'est-à-dire une entreprise mais également une association sans but lucratif exerçant une activité économique d'intérêt général sollicitant un concours financier public.

La protection d'une activité qui relève du service public se fait via par la notion d'intérêt général telle que définie par la jurisprudence Altmark.


* 10 CJCE, affaire C-280/00, dite Altmark, 24 juillet 2003.

* 11 Paquet Monti-Kroes du 28 juillet 2005, composé de trois textes encadrant le financement public des services d'intérêt économique général (Sieg), du nom de deux anciens commissaires à la concurrence, Mario Monti et Neelie Kroes.

* 12 Sont dispensées de notifications les compensations pour lesquelles : les critères mentionnés aux points A (existence d'un Sieg, mandat précis octroyé par la collectivité) et B (paramétrage amont réaliste de la compensation et absence de surcompensation) sont remplis ; et qui entrent dans le champ d'application de la décision 2005/842/CE du « paquet Monti-Kroes » défini dans son article 2.

* 13 Loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association (Journal Officiel du 2 juillet 1901).

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